IL EST LIBRE, MAX…
En fustigeant à la fois le bilan de Victorin Lurel et son comportement envers lui, le premier secrétaire fédéral a décidé de quitter le parti socialiste guadeloupéen. Il fustige » l’acharnement » dont il a été victime de la part de celui qui » ne supporte aucune contestation « . Et a ainsi décidé de créer son propre mouvement politique.
Les mots de Max Mathiasin, premier secrétaire fédéral du Parti socialiste (PS) guadeloupéen depuis 2011, ont résonné avec force dans la salle du restaurant Sucré-salé, à Pointe-à-Pitre, où il avait organisé sa conférence de presse le vendredi 29 mai dernier. » J’annonce aujourd’hui que je prends mes distances avec l’organisation locale du Parti socialiste « , a-t-il informé d’emblée. Les raisons ? Il n’y en a qu’une : le comportement à son égard d’un » certain leader de la fédération « , et dont il ne prononcera jamais le nom tout au long de son discours, et même après. Même absent, Victorin Lurel aura donc été l’ombre omniprésente planant sur la conférence. Mathiasin y a dénoncé » l’obscur nuage [qui] ne cesse de s’épaissir » entre eux, son » acharnement » contre lui, notamment durant les dernières élections où Victorin Lurel a apporté un » soutien presque spectaculaire » à ses « concurrents « , sans compter les » démarches d’intimidation et les menaces » à l’encontre de ses » soutiens « .
Rassembler les gauches
Le seul tort de Max Mathiasin ? Avoir osé » lui dire certaines vérités « , alors que » celui dont je parle ne supporte aucune contestation, aucun point de vue qui soit contraire au sien « . » Parce qu’également, en tant que premier secrétaire, je n’ai eu de cesse de prôner le rassemblement le plus large des forces de gauche, de toutes les gauches, en dépit de nos différences « , argue-t-il. Une référence à peine voilée au Guadeloupe unie socialisme et réalités (GUSR) de Jacques Gillot et de sa rivalité avec Victorin Lurel. Max Mathiasin était donc devenu l’homme à abattre : » il fallait faire rendre gorge à ce premier secrétaire fédéral sans doute pas assez docile « .
Max Mathiasin considère qu’il n’a pourtant pas démérité, il parle de » l’enthousiasme dont il a fait montre » depuis sa nomination et les » succès » qu’il a obtenus. Sur le plan interne au parti, il se targue d’avoir « pacifié la fédération « , maintenu l’équilibre entre les courants et assuré le dialogue avec les autres composantes de la gauche. Il s’est aussi vanté des résultats électoraux du parti, citant pêle-mêle la participation aux primaires de la gauche, les sénatoriales, les présidentielles, les législatives, les municipales, les départementales… Mais en égrenant toutes ces victoires des socialistes guadeloupéens, incontestables, Max Mathiasin oublie de préciser qu’il va se retrouver, lui, sans autre mandat que conseiller municipal de l’opposition à Deshaies.
Nouveau mouvement de gauche
Max Mathiasin a aussi profité de son départ du PS pour annoncer la création d’un » mouvement de réflexion et d’action pour la Guadeloupe » afin de » rassembler des Guadeloupéens et des Guadeloupéennes de tous horizons, soucieux de porter leur concours pour un meilleur avenir pour le pays « . Tente-t-il de faire de l’ombre à Victorin Lurel et au PS ? Fait-il le compte de ses soutiens pour mieux négocier son passage au GUSR, vu qu’il » n’exclut pas de travailler avec Jacques Gillot » ? Se crée-t-il un organe sur mesure pour tenter d’exister politiquement après son départ du PS ? Difficile à dire, surtout alors que les élections régionales de fin 2015 se rapprochent. En tout cas, il a l’intention de » partir dans les communes à la rencontre des Guadeloupéens. Nous impulserons une série d’échanges avec la population. L’objet sera leurs préoccupations au quotidien « . Des préoccupations que l’actuel président de Région n’aurait pas assez écoutées au goût de Max Mathiasin…
AFFAIRE DE POUVOIR
Max Mathiasin a-t-il les moyens de sa politique ?
En claquent la porte du PS, l’ancien Premier secrétaire de la fédération du parti socialiste a fait le buzz pendant tout le week-end dernier. Jusqu’où peut le mener son coup d’éclat ? Difficile à dire pour l’instant.
Le clash survenu entre Victorin Lurel et Max Mathiasin, Premier secrétaire de la fédération du parti socialiste de Guadeloupe n’est pas un événement exceptionnel. Les premiers secrétaires fédéraux du PS ont souvent eu du mal à exister à l’ombre du vrai leader du parti, que ce soit Frédéric Jalton ou Victorin Lurel. On se souvient d’un Hubert Bicep débarqué de la fédération, sans qu’il en soit lui-même informé. Le pauvre Hubert Bicep traînant son mal-être de rédactions en rédactions pour faire entendre sa douleur et son infortune. Avant lui, Sully Claude avait subi les mêmes foudres du même Frédéric Jalton. Jules Otto qui précédait Max Mathiasin s’est lui aussi fendu d’une démission. L’Abissois n’étant pas toujours sur la même longueur d’onde que son leader. Abissois comme lui. Mais ce fut sans tambour ni trompette. À droite, on a assisté à maintes reprises au même scénario de présidents d’objectif Guadeloupe débarqués, contredits, ostracisés par une Lucette Michaux-Chevry dont le plat préféré semblait être la cervelle des dirigeants de son parti. On peut sans doute déplorer, critiquer, fustiger. Les adversaires politiques des leaders qui coupent les têtes récalcitrantes, sont les premiers à crier au scandale. De fait, ils cherchent du mieux qu’ils le peuvent à en tirer profit. Mais, c’est de bonne guerre. Même s’ils oublient un peu vite qu’ils ne se sont pas comportés différemment en d’autres temps. En réalité, il n’y a là rien d’exceptionnel.
La politique une affaire de pouvoir
On a trop tendance à oublier que la politique c’est d’abord une question de pouvoir. Or le pouvoir, ce n’est pas celui qui officiellement dirige le parti qui le détient. C’est le leader. Qui peut douter que le vrai patron du PS en Guadeloupe soit Victorin Lurel ? Qui peut croire que la volonté de Jean-Christophe Cambadélis supplante celle de François Hollande ? Pour autant, il n’est pas dit qu’aucune fronde ne puisse aboutir. Mais là encore, il est question de pouvoir. Que détermine un rapport de force. Lorsque Dominique Larifla rompt avec Frédéric Jalton et le PS, il s’est depuis longtemps organisé. Il a déjà formé ses troupes, il sait qui va le suivre. Il est président en exercice du conseil général. Il va d’ailleurs au bout de sa démarche, et crée un nouveau parti, qui aujourd’hui, s’appelle le GUSR. Lorsque Madame Carabin met les pieds dans le plat et claque la porte de l’UMP, elle est députée et elle est surtout l’un des maires le mieux élu de Guadeloupe, dans une ville qui compte plus de 17 000 inscrits. Cela change tout de suite la donne. Lorsque Lucien Bernier change de cap et quitte le PS, c’est un vieux rompu de la politique locale. Il est un vrai cacique à Saint-François. Personne ne peut espérer l’en déloger à l’époque. Et puis il surfe sur une vague qui continue encore aujourd’hui à être porteuse, la vague départementaliste. Il y a donc un vrai contenu politique derrière son repositionnement. Bref, pour réussir un tel coup, il faut avoir les moyens de sa politique. Max Mathiasin a-t-il les moyens de sa politique ? Visiblement non. Et il le sait. Toutefois, l’homme fait un pari. Il dit n’avoir pas démissionné du parti, mais il vogue déjà sur la barque du GUSR sans le dire. Lors de sa conférence de presse, l’ancien Premier secrétaire de la fédération du parti socialiste a repris à son compte les critiques déjà formulées par Jacques Gillot ou d’autres membres du GUSR à l’adresse de Victorin
Christian Jean-Charles prend ses distances
Christian Jean-Charles maire de Pointe-Noire qui avait pourtant soutenu Max Mathiasin lors des élections départementales au risque a-t-il expliqué d’encourir les foudres de Victorin Lurel vient de tacler l’ancien Premier secrétaire de la fédération dans un entretien qu’il a accordé à nos confrères de Guadeloupe 1ère. Le maire de Pointe Noire a validé par exemple l’idée qu’un ticket Jeanny Marc/Christian Jean-Charles était stratégiquement le meilleur coup à jouer. Il a également déploré l’initiative de Max Mathiasin rejetant l’idée selon laquelle, les leaders du parti ne l’auraient pas accompagné dans sa campagne. Outre lui-même, il a cité aussi Josette Borel-Lincertin qui aurait conféré pour Max Mathiasin. Lurel, notamment en ce qui concerne le Mémorial ACTe. Trop cher, trop grand, inutile… Le reste relevant davantage d’états d’âmes difficiles à cerner. Son espoir c’est de voir Lurel mordre la poussière aux prochaines élections régionales. Mais le camp qu’il vient de choisir lui fera-t-il toute la place qu’il convoite ? Pas si évident que cela. Ary Chalus est député de la troisième circonscription. Il peut ne pas voir d’un bon œil un concurrent qui mine de rien pourrait bien devenir un rival. Et puis c’est bien connu ceux qui changent de camp ont rarement toute l’estime de ceux qu’ils rejoignent.
DÉCRYPTAGE
Entre Victorin Lurel et Max Mathiasin, le torchon brûlait depuis longtemps
L’ambition personnelle de Max Mathiasin était en contradiction avec la stratégie politique et électorale du président de Région. L’attelage a cédé avec fracas.
Le coup d’éclat de Max Mathiasin à la veille du congrès de la fédération du parti socialiste se voulait fort et public. Il était en tout cas suffisamment bien organisé, avec une gestion médiatique qui n’avait nullement peur de la redondance. Bref, ce coup de tonnerre aurait pu faire passer pour insignifiant le congrès du parti socialiste, tant il était bien orchestré. Sauf que la réponse du berger à la bergère fut tout aussi cinglante. Victorin Lurel dans des propos parfois mâtinés d’un semblant de bienveillance, » on savait Max fragile » a assené des coups d’une rudesse implacable : « on ne le savait pas méchant. Il a voulu délibérément nuire à son parti « . Ce simple passage qui n’est pourtant qu’une mise en bouche, confirme au moins un point sur lequel les deux hommes sont bien d’accord : le torchon brûlait depuis longtemps entre eux. Le premier secrétaire du PS était de plus en plus gêné dans son rôle de premier secrétaire fédéral alors que tout son être et toute son ambition le commandait à construire son avenir politique. Ce qui somme toute, est fort légitime. À condition toutefois, que cette ambition ne soit pas en contradiction avec les intérêts et la ligne définis par celui que Max Mathiasin désigne lui-même comme étant le leader et qui n’est autre que Victorin Lurel. Max Mathiasin explique que son camp a joué contre lui. Ce à quoi Victorin Lurel répond en substance « c’est moi qui ai fait la campagne de Max Mathiasin lors des législatives. Pendant que je me faisais coincer dans un bas quartier de Baie-Mahault, le premier secrétaire fédéral était déjà dans son lit à Deshaies. Ce même premier secrétaire qui était parti fêter son anniversaire ou celui de son épouse à Dubaï à deux mois des législatives « . Ambiance.
Stratégies divergentes
Pour bien comprendre l’enchaînement des événements, il faut effectivement remonter aux élections législatives de juin 2012. Max Mathiasin est candidat du PS dans la troisième circonscription. Une circonscription où tous les cadors se réclament de gauche. Max Mathiasin bien sûr, Ary Chalus très clairement soutenu par le GUSR et Jeanny Marc carrément fâchée avec le GUSR et qui ne rêve que de revanche. À gauche on pourrait dire que c’est l’abondance de biens. Or c’est bien connu, cette opulence peut nuire. On peut soutenir aussi que cette élection est déjà une belle entorse de ce qu’on appelait jadis le socle de gauche. Dans cette joute de gauche à trois. Ary Chalus prend les devants et sort en tête au premier tour. Les tractations d’entre deux tours débouchent sur un soutien de Jeanny Marc à son adversaire de cousin, pour la gestion de la mairie de Deshaies. Victorin Lurel a négocié avec la mairesse de Deshaies. Elle soutient Max Mathiasin en contrepartie ce dernier ne présentera pas sa candidature aux prochaines municipales à Deshaies. La campagne va bon train. Mais le résultat n’est pas au rendez-vous. Ary Chalus triomphe et mate la coalition des cousins de Deshaies. Arrive alors l’échéance des municipales. Jeanny Marc entend que le deal soit respecté. Victorin Lurel rappelle à Max Mathisasin l’engagement pris et lui fait part de la stratégie globale du PS qui a déjà intégré comme soutien Jeanny Marc. Max Mathiasin passe outre et dira en substance qu’il n’avait jamais demandé à Lurel de négocier quoi que ce soit ni de s’engager pour lui. Il ira donc aux municipales et perdra la bataille. C’est le premier choc. Le deuxième est de même nature. Il est à nouveau demandé à Max Mathiasin de ne pas se présenter aux départementales. Le leader du PS ayant envisagé un ticket Jeanny Marc/Christian Jean-Charles, maire PS de Pointe-Noire. Max Mathiasin n’en a cure des stratégies globales. Il estime qu’on le sacrifie sur l’hôtel de la réal-politik autrement dit de l’efficacité. Or, Max n’a pas une âme sacrificielle. Là encore il est battu. Et ce, malgré le concours de Christian Jean-Charles qui a bravé la consigne du leader et refusé de faire équipe avec Jeanny Marc. C’est peu de dire qu’après cet échec, Max Mathiasin a accusé le coup. Il ne s’en remettra d’autant moins qu’on lui fait savoir dans la foulée que cette fois, il devra céder aussi son poste de premier secrétaire fédéral. De fait, au moment où Max Mathiasin annonce sa rupture avec la fédération du PS, il n’a plus rien à perdre. Il n’a plus qu’une seule carte en main. Celle du coup d’éclat. Et il l’a jouée. Mais cela fait bien longtemps qu’il était hors-jeu.
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