• Valérie Denux, nouvelle directrice de l’Agence régionale de santé a fait son apparition dans le paysage guadeloupéen. Sans a priori positif : « Elle vient vous dire quoi faire alors qu’elle n’est même pas encore allée au CHU » a déclaré une infirmière. Par ailleurs, dans une note remise à l’assurance, un expert précise qu’il n’a pas d’éléments de nature à mettre en jeu la responsabilité d’un intervenant ou d’un tiers, ni à déterminer l’origine du feu. Le point sur la crise qui continue d’ébranler le territoire.

Collectif versus ARS

Elle était attendue depuis plusieurs semaines. Valérie Denux, nommée à la direction de l’ARS, vient remplacer Patrice Richard, appelé à de nouvelles fonctions. Le jeudi 15 mars, la directrice a rencontré le collectif de défense du CHU. Au cours d’une réunion tumultueuse à huit clos qui a duré plus de deux heures, les différents partis ont échangé sur le programme de délocalisation du centre hospitalier. Alors que le collectif campe sur sa décision d’une délocalisation totale, Valérie Denux, en accord avec la ministre de la santé, parle d’une délocalisation « par tranches « . Les avis s’opposent. Plusieurs autres rencontres sont prévus afin de préciser la mise en place de la décision.

« Il faut un plan d’action »

Gaby Clavier, dirigeant et délégué syndical UGTG et porte-parole du collectif de défense, maintient leur décision :« il faut que nous ayons une délocalisation totale, programmée et organisée de façon à pouvoir assurer la qualité des soins au CHU. » A cela, la directrice de l’ARS rétorque : « ils veulent une délocalisation totale. Je leur ai demandé de me donner des propositions concrètes afin de préserver l’accès aux soins de la population en cas de délocalisation complète. » D’après Gaby Clavier, il s’agit surtout d’une question de budget. « Ce qu’on leur demande coûte cher. Un tel schéma est possible, difficilement réalisable, compliqué à mettre en place mais surtout très coûteux. » Un véritable bras de fer est engagé. Chacun se renvoie la balle. De son côté, Valérie Denux affirme qu’« il n’y a pas de problème de budget. Les autorités politiques me l’ont affirmé. »

Alors qu’est-ce qui empêche une délocalisation externe totale ? « Le nettoyage va être long car il faut le faire bien et méthodiquement. C’est aussi pour ça qu’une délocalisation totale est risquée car si on délocalise totalement pendant très longtemps on va se retrouver avec une mise en difficulté de la réintégration et de la reconstitution du CHU. » A expliqué la directrice. « Il y a deux scénarios possibles : le nettoyage par tranches, la préservation du plateau technique et des soins critiques au CHU afin de garantir un accès suffisant à la population et garantir le fait que le CHU ne soit pas désincarné. D’autre part, il y a le scénario où, s’il y a nécessité, c’est une délocalisation totale et externe avec des risques importants. »

A l’issu de cette rencontre plutôt houleuse, l’ARS et le collectif sont arrivés à une décision commune : il faut proposer un plan d’action. « Lorsque nous prendrons la décision avec le directeur général du CHU du scénario final il faudra qu’on s’y tienne. Il y aura sûrement des gens contents et d’autres non. » A précisé Valérie Denux.

L’arrivée de nouveaux experts était très attendue. Les analyses réalisées par ces derniers permettront la mise en place du plan. « Les choses ne sont pas arrêtées. Je ne souhaite pas une délocalisation externe mais je ne l’exclus pas car cela signifierait que l’on campe sur des idées reçues et que l’on a déjà des résultats. » Les premières analyses réalisées au cours des mois précédents ne sont pas suffisantes. « Il faut compléter les premiers résultats par ceux du contrôle de l’air, la cartographie de la ventilation, des mesures toxicologiques, l’expertise des symptômes neurologiques que l’on constate. Il y a aussi des résultats qui sont attendus sur l’infrastructure. »

L’ARS est d’ores et déjà en mesure de proposer un calendrier en ce qui concerne les travaux de nettoyage et de désinfection de l’hôpital. « Nous allons finaliser les travaux pour fin mars. Nous présenterons ces résultats aux différentes instances du CHU de façon à ce qu’elles soient validées. A partir du mois d’avril nous aurons lancé les opérations de nettoyage en fonction des différents scénarios. » A annoncé la nouvelle directrice. Le processus de délocalisation semble bien entamé. « Il y a des services qui ont déjà été relocalisés à l’intérieur du CHU. D’autre part, le laboratoire, par exemple, va être fermé pendant quinze jours afin de finir le nettoyage. On va externaliser pendant ces deux semaines. Sur la clinique de Choisy on va commencer à transférer des activités de médecine dès le 26 mars. »

Les hôpitaux et la coopération

Les trois directeurs des CHU de Guadeloupe, de Martinique et du Centre hospitalier de Guyane ont signé le 15 janvier 2018 une convention dite de coopération. Elle prévoit principalement que « des activités médicales pour la prise en charge de patients des trois centres seraient assurées de façon complémentaire et synergique. Les praticiens hospitaliers partageraient leurs activités médicales et ou chirurgicales au service des patients des trois sites ». La formulation à de quoi surprendre à l’heure où dans la réflexion de délocalisation du CHU, la distance entre l’hôpital de Marie-Galante et la Guadeloupe dite continentale, est jugée rédhibitoire. Quid de celle entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane ? La convention est conclue pour une durée d’un an. Elle sera reconduite ou non après évaluation. Par la suite, elle sera l’objet d’un renouvellement par tacite reconduction. Les syndicats et une partie des médecins que contactés jeudi 15 mars sont vent debout contre cette convention. Ils y voient les prémisses de la mise en place du « CHU Caraïbe » cher à Christian Sainte Rose. Selon ce professeur martiniquais de médecine, le regroupement des trois établissements hospitaliers de Guadeloupe, Martinique et Guyane en une seule entité -qu’il appelle de ses vœux- « est le seul avenir d’une politique de santé publique dans nos régions ».

Jasmin propose

« Dans un communiqué du 13 mars, la sénatrice Victoire Jasmin propose des mesures pour restaurer la confiance et assurer la pérennité de l’offre de soins : négocier 20 ou 30 lits à Ricou pour les services critiques, maintenir la maternité à la polyclinique, faire de la maison médicale de garde route de Chauvel un dispositif d’urgence, délocaliser la néonatalogie à Basse-Terre, transférer le laboratoire à l’hôpital de Ricou, entre autres. »

« Jetée dans la fosse aux lions »

Il est 11 heures au Groupement d’intérêt public réseaux et actions de santé publique en Guadeloupe (GIP Raspeg), immeuble le Squale à Jarry. Nous sommes le 15 mars. Dehors règne une chaleur infernale. Le soleil tape, il fait 28 degrés à l’ombre. Le collectif de défense du CHU s’est déplacé en nombre pour assister à la réunion avec la nouvelle directrice de l’Agence régionale de santé (ARS), Valérie Denux. Avec quinze minutes de retard, elle arrive souriante dans la salle prévue à cet effet, et salue l’assemblée chaleureusement. Le programme de sa matinée est plutôt chargé. D’abord une rencontre avec la direction du CHU, puis les représentants des médecins et enfin le collectif de défense, afin de discuter de la délocalisation du CHU et faire le point.

À ces réunions, les médias ne sont pas conviés. « Ils ont trouvé la personne idéale pour nous contrôler », lance un technicien biomédical du centre hospitalier. Dix minutes à peine après le début du meeting il a fait le choix de sortir, exaspéré par les premières déclarations de la nouvelle directrice. « Elle a osé dire qu’il fallait faire appel à la responsabilité des soignants. C’était la phrase de trop. Quand elle a dit ça, c’était fini » lâche-t-il.

Ambiance tendue

Lorsque la porte s’entre-ouvre afin de laisser sortir ou entrer quelqu’un, les mines renfrognées des membres du collectif sautent aux yeux. Assise au premier rang, Véronique Courtois a les sourcils froncés, le regard fixe. La salle est bondée. Malgré son exiguïté, elle a pu accueillir plus d’une cinquantaine de personnes. « La directrice a dit que c’est son métier de recadrer les institutions », raconte une infirmière aux urgences externes qui elle aussi, a fait le choix de quitter la réunion.

Vers 11 h 50, Valérie Denux sort de la salle, son sac sous le bras. Elle aurait mis un terme à la rencontre, ce qui n’est pas du goût du collectif de défense. Des cris s’élèvent dans la salle. Les insultes fusent. Le ton monte. « Nou ka palé dè on biten sérié ou ka pati ? » Sur ces mots la porte claque. Surprise, Valérie Denux ne perd pas son sang-froid. Elle réintègre la salle. La porte se referme derrière elle.

« On sent qu’elle est venue avec une feuille de route bien définie, elle répète la même chose que la ministre de la Santé », explique une autre infirmière sur un ton sarcastique. « À l’intérieur c’est le vrai bordel, on l’a jetée dans la fosse aux lions », renchérit une autre. « En même temps, elle ne connaît pas la réalité. Elle vient vous dire quoi faire alors qu’elle n’est même pas encore allée au CHU », ajoute une troisième, « elle est peut-être spécialisée en technique militaire mais nous ne sommes pas en guerre, pas encore. »

Origine du feu impossible à identifier

Le Courrier de Guadeloupe, lors de son édition n° 256 du 16 au 22 mars, a révélé l’action de la Société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), assurance du CHU, auprès du tribunal administratif de Basse-Terre, à l’encontre du Service département d’incendie et de secours (Sdis) de Guadeloupe. Celui-là même qui a éteint l’incendie qui s’est déclaré le 28 novembre 2017, au CHU de Guadeloupe. Le Sdis n’est pas seul mis en cause. SHAM a actionné CR Isol, travaux d’isolation, Ingéniérie construction modernes bâtiment (ICM), CEE Caraïbes entreprise d’électricité, Société antillaise service entretien maintenance (SASEMA) équipements thermiques et climatisation, Prestelec électricité générale, SMABTP société d’assurances, Allianz société d’assurances et aussi le Centre hospitalier. Dans la note adressée à sa société, l’expert précise qu’en l’état actuel de ses investigations, il n’a pas d’éléments de nature à mettre en jeu la responsabilité d’un intervenant ou d’un tiers. Il indique cependant « qu’une mise en cause des entreprises intervenantes sur l’étage technique a été faite le 22/12/2017 ».

Historique non fourni

Nous avons contacté Faber Micheli président du Sdis qui dit n’avoir aucune inquiétude : « Tout a été conforme au règlement opérationnel. En revanche, les portes coupe feu n’ont pas fonctionné. Le dispositif antifumée non plus« . Faber Micheli ajoute que la direction a été incapable d’indiquer ce qui était entreposé dans le local. Elle a mis une heure et demie avant d’en fournir les plans. Dans sa note à sa direction, versée au dossier, l’expert de SHAM situe le départ du feu dans le local technique, là où se trouvent les gestionnaires du magasin. Il précise que la destruction totale du contenu, rend impossible l’identification de l’élément à l’origine du feu. L’expert indique que pour ce faire, l’historique du système de sécurité incendie (SSI) lui est nécessaire, afin de reconstituer le cheminement, par la chronologie des déclenchements des détecteurs. « À ce jour, malgré deux demandes, l’une écrite à M. Janvier et l’autre orale à M. Vernon, nous sommes toujours en attente de cet historique », déplore-t-ilPrécision : la requête de SHAM au tribunal est datée du 15 février. Plus de deux mois et demi après l’incendie.

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