La faiblesse des partis politiques, le renoncement des sortants, le coût dérisoire de la campagne et la perspective de toucher des indemnités substantielles ont créé un engouement sans précédent pour les prochaines élections législatives.
Le premier tour des législatives aura lieu samedi 10 juin prochain. Le président fraîchement élu, Emmanuel Macron, a appelé à un large renouvellement des représentants du peuple. 164 Guadeloupéens se bousculent pour huit mandats. Le contexte politique, – aucun sortant ne se représente -, la décomposition des partis politiques, – Les Républicains et Parti socialiste ne savent plus où ils habitent – les calculs politiques en vue des prochaines élections municipales, la motivation pécuniaire de certains candidats convaincus que le scrutin peut leur rapporter des revenus substantiels. Toutes ces raisons expliquent cet engouement. L’autre raison de cette profusion de candidats c’est qu’au final cette élection ne coûte pas grand-chose. Par subrogation, l’État paie directement aux prestataires les bulletins, deux affiches par bureau de vote, la profession de foi et leur envoi, les enveloppes. Reste à payer les pilons de poulet, le rhum et la sono. Les candidats n’ont pas grand mal à trouver des bienfaiteurs. Deux tiers du montant des dons de ces derniers sont directement déduits de leurs impôts. L’heure n’est ni aux idées ni aux projets. Il faut juste y être. Toutefois quelques candidats resteront sur le carreau. Leurs professions de foi, leurs programmes et leurs bulletins pourraient ne pas être imprimés. Les imprimeurs sont surbookés. 82 candidats à servir, dont certain à la dernière minute, impossible. Voilà qui fera le tri et révèle ici amateurisme, là impréparation. Au final, le nombre de candidats pourrait s’avérer inférieur au chiffre de 82 annoncé lorsque s’ouvriront samedi 10 juin les bureaux de vote.
« Ce scrutin pourrait servir d’annexe à Pôle emploi »
Des sortants qui ne se présentent plus, la désagrégation des partis, l’appât des indemnités. Professeur retraité de science politique, Éric Nabajoth passe en revue les explications de l’appétence exceptionnelle des candidats pour ces élections législatives.
82 candidats briguent les suffrages des Guadeloupéens à l’occasion des prochaines élections législatives. Ils envisagent tous de devenir député dans l’une des quatre circonscriptions que compte le territoire. Si l’on ajoute les suppléants, il faut multiplier par deux ce chiffre et nous atteignons le nombre de 164 postulants. Du jamais vu. Le Courrier de Guadeloupe a joint mardi 23 mai au téléphone Éric Nabajoth professeur de science politique à l’université Antilles, à la retraite.
• Selon l’universitaire, le fait qu’aucun des sortants ne se représente est une première explication à cette flopée de candidats. » C’est un retour au XIXe siècle. À l’époque lorsque quelqu’un voulait exister en Guadeloupe, il montait un comité de soutien et il se présentait à une élection, avec l’idée que lui aussi il pouvait être élu. Qui sait ? « .
• Éric Nabajoth avance aussi une raison plus politique à cette ruée vers l’assemblée nationale. Il y voit une forme de désagrégation des partis politiques surtout au niveau de leur organisation. » Au sein du même parti, plusieurs lignes s’affrontent. La question des investitures est devenue une vaste blague. Avec ou sans, on y va quand même « .
• La profusion de candidatures peut relever aussi de la stratégie électorale. Tous les militants d’une même mouvance sont candidats. Celui qui sort en tête au second tour se dit qu’il ramassera la mise. C’est la technique de l’encerclement. Sauf que la stratégie ne fonctionne pas toujours, explique-t-il. D’autres y vont aussi en pensant aux municipales. C’est le vieux principe qui consiste à aller compter ses voix.
• Éric Nabajoth estime enfin que nombre de candidats sont en quête de revenus. Selon lui, ce scrutin pourrait servir d’annexe à Pôle emploi. » Beaucoup de candidats sont attirés par les avantages que procure le mandat : indemnités conséquentes, allers/retours Pointe-à-Pitre/Paris gratuits, etc. Ils ne doivent pas suivre l’actualité. La prochaine loi sur la moralisation de la vie publique va rogner nombre de ces avantages. Ils risquent d’être déçus « .
L’effet Macron ringardise une classe politique locale, pourtant réputée féminine
Candidates plus nombreuses en position de suppléantes que de titulaires, la Guadeloupe ne fait plus figure de bonne élève.
Sur les 82 candidats qui se sont déclarés en vue des prochaines élections législatives, 26 sont des femmes ce qui représente un peu plus de 30 %. La proportion des femmes suppléantes est plus élevée. Elle est de 60 %. Toutes ces candidates ne seront pas élues. On ne peut donc comparer le chiffre des candidates guadeloupéennes à la proportion de femmes déjà élues dans l’Hexagone. Selon l’observatoire des inégalités, 27 % de femmes siégeaient au sein de l’Assemblée nationale en 2014. En revanche, la comparaison est de mise avec la proportion de femmes investies par La République en Marche. Après avoir le 28 janvier dernier, déploré dans une vidéo qu’il n’y ait que 15 % de femmes qui aient postulé à la députation, Emmanuel Macron a réussi son pari. Il y a autant de femmes que d’hommes investis par son mouvement. Dans son discours, le président de la République demandait aux Français de revoir la place de la femme dans le couple. D’en discuter tout au moins. De sorte qu’elle puisse prendre une place plus active dans la politique et la vie démocratique.
Coup de vieux
En Guadeloupe la consigne n’a pas été entendue. Certes, sur les deux candidats adoubés par La République en marche en Guadeloupe, la parité est parfaite. Il y a bien un homme, Olivier Serva, et une femme, Diana Parran. Ce n’est toutefois, pas le fait de leur parti d’origine, le parti GUSR qui, sur quatre investitures demandées, avait accordé sa préférence à trois hommes sur les quatre mandats à conquérir. Avec ses neuf mairesses dont une députée, une présidente de conseil départemental, sans compter dans un passé proche, deux anciennes ministres, une présidente de conseil régional qui fut aussi présidente de conseil général, la Guadeloupe faisait figure de bonne élève quant à l’implication des femmes dans la vie publique. La dynamique Macron vient d’infliger au territoire un vrai coup de vieux en la matière.
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