Une équipe de quarante chercheurs a calculé et quantifié les limites de notre planète au-delà desquelles de graves dysfonctionnements sont à craindre. Et appelle à une « transformation sans délai » alors que toutes les limites « sûres » sont dépassées.
Il ne peut y avoir de qualité de vie pour les êtres humains et non humains sur une Terre dont les principaux paramètres sont dégradés et continuent à s’altérer. Une équipe de quarante chercheurs provenant de quelques-uns des plus prestigieux instituts de recherche dans le monde, réunis au sein d’une « commission de la Terre », publient ce mercredi 31 mai un article dans la revue Nature. Pour huit des principaux processus biophysiques et systèmes majeurs qui régulent l’état du système terrestre et sont cruciaux pour son bon fonctionnement, ils ont calculé et quantifié les limites de notre planète. Des limites au-delà desquelles de graves dysfonctionnements sont à craindre, voire des effondrements. Cela concerne le climat, la biodiversité, l’eau douce, plusieurs types de pollution de l’air, du sol et de l’eau.
Les conclusions résument clairement les constats scientifiques : toutes les limites « sûres » sont dépassées. Celle qui concerne le climat est fixée à 1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle. La Terre n’y est pas encore (1,2°C environ actuellement) mais s’y dirige inexorablement. En ce qui concerne la pollution par les aérosols, comme les particules fines, les limites sont franchies en de nombreux endroits, mais l’évaluation globale est encore incertaine.
Les limites naturelles – l’état des écosystèmes – sont parmi les plus problématiques. « Au moins 50-60 % des écosystèmes naturels doivent être intacts. On en est à 40-50 %. Dans les espaces déjà transformés par l’homme, il faudrait maintenir 20 à 25 % d’habitat semi-naturel par km2, disent les experts. Dans deux tiers des lieux occupés par l’homme, cette limite est franchie », indique l’article scientifique. Le bilan est similaire pour la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, pour l’azote, le phosphore…
Des limites justes en-deçà des limites sûres
Nouveauté dans l’approche, les scientifiques ajoutent aux limites « sûres », des limites « justes ». Ces dernières sont le seuil à partir duquel apparaissent des dommages significatifs aux populations humaines et non humaines, et à partir duquel l’accès de tous aux ressources vitales n’est pas garanti. Car l’humanité peut évoluer dans des limites sûres sans être dans des limites justes. L’exemple du climat est éclairant : si la limite « sûre » est fixée à 1,5°C, la limite « juste » est de 1°C : à partir de ce niveau de réchauffement déjà, des effets délétères apparaissent dans certaines régions du monde – des événements climatiques extrêmes, des baisses de rendements agricoles, des déplacements de population. « En fixant la limite du système terrestre à 1°C, nous ne plaidons pas pour que le monde adopte cet objectif ambitieux, mais nous dénonçons l’injustice inhérente aux objectifs mondiaux actuels », indique Joyeeta Gupta, vice-président de la commission de la Terre et professeur aux universités d’Amsterdam et de Delft.
Les limites justes réduisent encore l’espace disponible des frontières terrestres et mettent l’accent sur l’urgence de les rejoindre ; « la stabilité de la planète est aussi une question de justice », souligne l’article.
Revenir dans un cadre viable est possible, rappellent les chercheurs. « Nous mettons en danger la stabilité et la résilience de toute la planète, conclut Johan Rockström, auteur principal de l’étude et directeur du prestigieux Postdam Institute. « A moins d’une transformation sans délai, il est très probable que des points de basculement irréversibles et des impacts étendus sur le bien-être humain soient inévitables. Il est essentiel d’éviter ce scénario si nous voulons assurer un avenir sûr et juste aux générations actuelles et futures. »
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