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Le long règne du GUSR et de Jacques Gillot à la tête du conseil général

COMME A LA TELE

Jacques Gillot est resté 14 ans président du conseil général. Mais ce sont 27 ans de règne pour sa famille politique. Les raisons d’une telle longévité.

Jacques Gillot arrive à la tête du conseil général de Guadeloupe en avril 2001. Il prend la suite de Marcellin Lubeth (PPDG) qui a opéré à la tête de la collectivité pendant un court intermède de trois ans. En réalité, l’intronisation de Jacques Gillot est une continuité pour le GUSR puisqu’avant Marcellin Lubeth c’est Dominique Larifla créateur de la FRUI G ancêtre du GUSR qui dirige la collectivité depuis 1985. Un bail ! Jacques Gillot, qui à l’époque jouit du soutien du PS, symbolise en quelque sorte la réconciliation entre les deux blocs de gauche GUSR/PS. D’autant que Jacko et Toto sont les meilleurs amis du monde. Victorin Lurel a même été secrétaire général à la mairie du Gosier alors que Jacques Gillot était le maire. La rupture incarnée par le duel Félix Proto – alors président du conseil régional — et Dominique Larifla – président du conseil général au début des années 90, et qui a bien favorisé l’accession de Lucette Michaux-Chevry à la tête de la Région en 1993- semble bien aplani. D’ailleurs lors des régionales de 2010 alors qu’au GUSR beaucoup appelaient à une rupture avec le PS et surtout avec Victorin Lurel, contre vents et marées, Jacques Gillot s’engage résolument aux côtés de Victorin Lurel.

Un havre de paix où personne ne s’affrontait

Au sein du conseil général c’est un règne long de 27 ans de la même famille politique, si l’on enlève les trois années de présidence de Marcellin Lubeth. 27 ans cela crée des habitudes, un fonctionnement, une image. De fait le GUSR avait depuis longtemps investi le conseil général. Une bonne partie de l’administration et de l’encadrement aujourd’hui encore aux affaires avait été mise en place par Dominique Larifla. Pierre Reinette directeur général des services n’est parti que depuis 3 ans. Bien sûr, la déchirure intervenue lors de l’élection de Lucette Michaux-Chevry en 1993 avait laissé quelques traces, mais Jacques Gillot avec son tempérament et un talent certain aussi, avait réussi à faire du conseil général un havre de paix où personne ne s’affrontait. Même pas par famille politique interposée. Les deux blocs de gauche réconciliés, la droite amadouée, le navire pouvait naviguer ainsi pendant longtemps. Cette propension à arrondir les angles, à l’inverse de Victorin Lurel qui lui met systématiquement les pieds dans le plat, a permis à Jacques Gillot d’installer un climat apaisé au sein du conseil général. C’est là tout le talent politique de Jacques Gillot mais aussi son tempérament d’homme. Jacques Gillot a même réussi l’exploit de se faire élire président du conseil général en 2010, à l’unanimité. Ou presque. Contre lui il y avait un seul bulletin. Blanc ! Ce positionnement lui a permis de rester 14 ans à la tête du conseil général et son parti 27 ans.

 

KILES KI TE LA AVAN

L’affaire des fautes graves de Jacques Gillot dans l’exercice de son mandat

L’ex-président du conseil général est rattrapé par une vieille affaire de nomination illégale et d’emplois fictifs révélée à l’occasion d’un procès en diffamation.

C’est bien connu, un malheur n’arrive jamais seul. Après avoir perdu la présidence de l’Assemblée départementale, voilà Jacques Gillot confronté à une autre contrariété qui vient entacher sa droiture dans la manière d’administrer un conseil général qu’il a géré pendant 14 ans. C’est un coup par ricochet si on peut dire, puisqu’en réalité, c’est par le biais d’un jugement rendu le 6 février 2015 par le tribunal correctionnel de Basse-Terre, à la suite d’une citation en diffamation intentée par Jacques Gillot à l’encontre du syndicat CFTC, et plus précisément Claude Guillot, Johnny Gitany, Alain Desgranges, René Helissey, Jean-Pierre Le Juez et Isabelle Baltyde Maeda, que l’affaire a été révélée. Dans cette citation, il est reproché aux syndicalistes d’avoir diffusé sur les messageries électroniques du personnel et des élus du conseil général un tract intitulé  » avan, rantré rantré lé suivan kilès kité la avan, fanm kolokint , coupé cloué « . Tract dans lequel le syndicat accuse Jacques Gillot d’avoir utilisé un emploi fictif au bénéfice d’un ami médecin, payé 5 200 euros par mois pour une semaine de travail, alors que son contrat prévoit un temps complet, et qu’il est par ailleurs, déjà employé à temps complet en Auvergne. Ses frais de déplacements sont de surcroît entièrement pris en charge par la collectivité. Le syndicat accuse aussi, toujours dans le même tract, Jacques Gillot d’avoir embauché au conseil général Madame Céliny, ancienne coiffeuse et conseillère municipale de la commune de Gosier, et surtout suppléante de Jacques Gillot, ainsi que son ancienne secrétaire médicale et d’autres personnes, alors que les bases de ces emplois, sont illégales selon la jurisprudence administrative. Mais dans leur tract, les syndicalistes vont encore plus loin. Cette fois, c’est Bernard Lubeth qui est sur la sellette. Ils rappellent que l’actuel directeur de l’Office de l’eau a été nommé directeur adjoint de l’ADI par son père, Marcellin Lubeth, alors président du conseil général. Que cette nomination a été renouvelée en tant que directeur. Cette fois par Jacques Gillot. Mais sans base légale. Le tribunal correctionnel de Basse-Terre a débouté Jacques Gillot de sa demande de condamner les syndicalistes pour diffamation. Ces derniers ayant fait l’offre de la preuve de ce qu’ils avançaient. Pour ce qui concerne Bernard Lubeth, Claude Guillod, Johnny Gitany et les autres, les syndicalistes ont produit comme pièce un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux daté du 9 avril 2013 qui annule les nominations de Bernard Lubeth ainsi que la décision de l’ADI qui avait rejeté la demande du syndicat CFTC tendant au retrait des contrats en date du 25 septembre 1998 et du 21 avril 1999. Mais le tribunal correctionnel de Basse-Terre est allé encore plus loin. Dans un de ses attendus il écrit : «  il résulte de l’ensemble des décisions rendues par la juridiction administrative de Bordeaux que M. Gillot en sa qualité de président du conseil général a commis des fautes graves dans l’exercice de son mandat « . Pas simple l’affaire…

 

PORTRAIT

La chute de la maison Gillot

Mais qu’est-il arrivé à Jacques Gillot ? Président du conseil général depuis quatorze ans, il a été battu aux dernières élections. Voilà maintenant que la justice l’accuse de  » fautes graves  » commises pendant son mandat. Et sa volonté de collectivité unique a été déjouée par Victorin Lurel. Rien ne va plus au pays du consensus, gangrené par une obsession mortifère.

Recherchant toujours l’accord et le compromis, le médecin Jacques Gillot, issu du minoritaire GUSR, a fait une carrière linéaire et sans vagues, débutant sa carrière politique en devenant maire du Gosier en 1989, puis conseiller général quatre ans plus tard, prenant la présidence du conseil général en 2001 avec l’appui de la majorité socialiste menée par Victorin Lurel, mandat tranquillement renouvelé en 2011.

Un parcours sans histoires, jusqu’à ce que…

Ce qui est compliqué avec les hommes de consensus joviaux et bons vivants, comme François Hollande par exemple, c’est de cerner leur personnalité politique, ou au moins de voir s’ils en ont une… Certes le conseil général fonctionne, mais il est parfois difficile de discerner son programme, son projet, ses orientations, voire ses réalisations. Au Sénat, où il siège depuis 2004 et où il est membre de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jacques Gillot fait le job sans plus. Pas de textes marquants, d’interventions brillantes, seulement des co-signatures de propositions et d’amendements bénins… Jusqu’à un éclat, le seul, en octobre dernier : dans le cadre de la réforme territoriale, un référendum sur l’évolution des institutions en Guadeloupe, inscrit dans un amendement qui fera long feu puisque, voté par le Sénat, il sera illico supprimé par le gouvernement. Parce que le paisible président du conseil général s’est trouvé une cause, un combat, un cheval de bataille : la collectivité unique. Pas échaudé par la défaite du premier référendum, en 2003 :  » Le contexte était particulier, a-t-il décrété. La population est aujourd’hui consciente qu’il faut faire évoluer les choses « , ajoutant, on se demande bien où il a pris ce chiffre, que  » 68 % de la population est prête à entrer dans cette stratégie  » !

Brouillé avec ses amis

En juillet dernier déjà il avait manifesté les symptômes de ce qui était en train de devenir une obsession, en soulevant la question dans un courrier au Premier ministre. Gillot le sage devenu Gillot le fou va avec l’affaire de  » l’amendement Gillot  » se mettre définitivement à dos ses anciens amis, Victorin Lurel en tête. Lâché par les socialistes, il commence sa descente aux enfers : battu par Josette Borel-Lincertin au conseil général, mis en difficulté dans son fief du Gosier, où un jeunot, Cédric Cronet, lui impose un second tour. Brouillé en plus avec Amélius Hernandez, l’ex-président du syndicat de l’eau, le SIAEAG, avec lequel on l’a accusé d’être trop coulant vu que l’eau ne coulait toujours pas, et qu’il a laissé sur le bord de la rive.  » Je ne veux pas faire de commentaires, indique M. Hernandez. Nous avons été très proches et puis les choses se sont gâtées en 2014. Je préfère poursuivre ma trajectoire personnelle en laissant cela derrière moi « . Fin d’une amitié de vingt-cinq ans. Et voilà que par-dessus le marché, la justice donne raison aux syndicalistes qui l’avaient accusé et qu’il poursuivait pour diffamation. Non seulement le tribunal a relaxé les syndicalistes, mais il a reconnu que M. Gillot avait  » commis des fautes graves dans l’exercice de son mandat « . Soit des contrats et embauches pas du tout dans les clous.

À la croisée des chemins

Jacques Gillot dans ses vœux de janvier souhaitait encore des  » débats nombreux  » mais loin des «  vaines agitations et des conflits stériles « , travers dans lequel il a fini par tomber. Après avoir incarné le consensus, il incarne aujourd’hui la désunion. Apaisera-t-il les tensions ou poursuivra-t-il la guerre, avec le GUSR lui aussi saisi par l’obsession, celle de Lurel homme à abattre ? Lors de ses vœux en janvier il déclarait à propos de la collectivité unique :  » C’est une priorité, peut-être pas la première parce qu’il y a aussi la violence, le chômage « … Il n’avait pas mesuré à quel point ! Alors, reprendra-t-il les rênes de sa mairie du Gosier pour se rapprocher du terrain ? Restera-t-il conseiller départemental, poursuivra-t-il son combat de prédilection, convaincu que  » ce n’est qu’un problème de calendrier  » ? Alors qu’à 73 ans Josette Borel-Lincertin s’invente un destin politique, Jacques Gillot, à 67 ans, va devoir s’en chercher un.

 

JE T’AIME MOI NON PLUS

Victorin Lurel/Jacques Gillot : les raisons d’une rupture

Depuis déjà deux ans, les rapports entre les deux hommes n’ont cessé de se détériorer. Six mois avant les élections départementales, les propos sont devenus plus cinglants. Et de larvé, le conflit s’est envenimé.

Au sein du conseil général et chez les élus de son parti, deux éléments vont placer Jacques Gillot dans une situation inconfortable. D’abord, le GUSR s’est prononcé depuis longtemps pour une évolution statutaire, la gauche alternative ne jure elle aussi que par ce leitmotiv. Or, le PS freine des quatre fers et Victorin Lurel ne veut pas du calendrier que propose le GUSR. Longtemps entre deux eaux, Jacques Gillot va finir par basculer franchement dans le camp de ceux qui poussent sinon au changement de statut mais au moins à l’émergence d’une assemblée unique. L’autre point d’achoppement c’est la personnalité de Victorin Lurel lui-même. Au-delà du différend politique. Certains élus du GUSR et de la gauche alternative se montrent particulièrement sévères avec le président du conseil régional. Au final Jacques Gillot a choisi d’être aux côtés de son parti et de ses alliés politiques. Entre-temps les affrontements par médias interposés entre les deux présidents sont devenus de plus en plus fréquents. Les deux derniers incidents ne remontent pas à très loin. Il s’agit de l’épisode de l’amendement Gillot adopté au Sénat dans la nuit du 29 au 30 octobre 2014. Il visait à obtenir un référendum sur l’Assemblée unique avant les élections régionales. Et le dernier concerne le conflit des gérants de station de service dans lequel Jacques Gillot a voulu s’impliquer en laissant la tribune à Patrick Collé en pleine assemblée plénière du conseil général du 25 février dernier, au grand dam de Victorin Lurel. Dès lors la campagne du PS fut claire. Le long pacte conclu avec le GUSR étant rompu, l’avenir de Jacques Gillot à la tête de l’Assemblée départementale devenait de plus en plus hypothétique si son parti ne gagnait pas les élections.

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