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Départementales : la difficile position de Jacques Gillot

DÉPARTEMENTALES 2015

Son statut de président de l’assemblée départementale est mis en danger par un redécoupage des cantons qui a pénalisé ses soutiens. Sur le terrain électoral, la bataille risque d’être serrée pour certains de ses partisans…

Après les élections, tout aura changé. Ou pas. Mais pour l’instant, quelle est la coloration politique de l’assemblée ? Le fait que Jacques Gillot en soit président peut être trompeur. Normalement, le président du conseil général est du même bord politique que la majorité élue à l’assemblée. Naturellement, elle est donc à gauche. Mais si on regarde le rapport de force actuel, il y a de quoi être surpris, surtout sous l’éclairage des tensions Gillot (GUSR) Lurel (PS). Les deux présidents des assemblées locales, tous deux à la tête de formations de gauche, ne filent pas le grand amour…

Sur les 40 élus siégeant à l’assemblée, 22 penchent plutôt du côté du président de Région. Dans le lot, on trouve une bonne moitié de membres du parti socialiste, comme Louis Galantine, Amélius Hernandez ou Georges Hermin. Mais sont aussi présents quelques  » divers gauche  » (Ferdy Louisy ou Chantal Lerus), PPDG (Jacques Bangou, Marcel Sigiscar), communistes (Aurélien Abaille) ou sans étiquette (Justine Benin). Et même la droite en la personne de Laurent Bernier ! Jacques Gillot peut de son côté compter sur une quinzaine de soutiens, en majorité GUSR, comme Dominique Théophile, Jean Bardail ou Guy Losbar. Mais les rangs de ses partisans comptent aussi des communistes comme Jacques Kancel et Florent Mittel, et quelques  » divers gauche « , comme René Noël, ou «  gauche alternative  » (Jean-Marie Hubert). Il ne reste ensuite que quatre conseillers généraux, à droite (Luc Adémar et Guy Georges) ou sans étiquette (Béatrice Hatilip et Eddy Claude Maurice).

Difficile de savoir de quelle tendance sera le-la nouveau-elle président-e de l’assemblée départementale sans en connaître la nouvelle composition. Mais la position de Jacques Gillot risque d’être fragilisée. Le nouveau découpage ne lui a pas été favorable : des cantons acquis à sa cause disparaissent, refondus dans d’autres, notamment à la Désirade, une partie du Gosier, son fief. Certains de ces soutiens sont eux-mêmes dans des configurations difficiles sur le terrain électoral, comme Jacques Kancel, Jean-Marie Hubert, Louis Daniel Justine et José Toribio. Et la lutte risque d’être serrée dans certains cantons, comme à Pointe-à-Pitre, avec sept binômes en lice, aux Abymes, où Dominique Théophile devra batailler ferme, ou à Morne-à-l’Eau. La campagne, qui bat actuellement son plein, sera décisive. Mais le moins qu’on puisse dire c’est que Jacques Gillot ne sera pas à la fête.

 

CHEVRY/ CALIFER

Choc emblématique à Basse-Terre

Alors  que  les cantons  présentent en  moyenne  4 binômes,  Basse-Terre, l’un des derniers remparts de la droite, sera le théâtre  d’un choc frontal entre la dame des lieux, Lucette Michaux-Chevry en équipe avec l’ancien maire de Saint-Claude Simon Barlagne, et Elie Califer et Brigitte Rhodes. Quatre personnalités politiques importantes, mais aux antipodes sur le plan politique. Lucette Michaux-Chevry, positionnée  à droite et Elie Califer lureliste de la première heure. Plus que le simple courant politique, Lucette Michaux-Chevry veut surtout  jouer  le rôle  de  l’empêcheuse de tourner en rond pour Victorin Lurel. Une  position  complètement   assumée par la présidente  de la CASBT qui avait déjà annoncé  être de tous les combats pour contrer l’emprise du président  de Région sur la classe politique. Sur le terrain, il est clair que l’empreinte de Lu- cette Michaux-Chevry sur l’électorat de Basse-Terre est réelle. Toutefois, il n’y a pas de cordon d’étanchéité entre Basse- Terre et Saint-Claude, les deux villes qui composent  ce 10ème canton.  Certains habitants  de Basse-Terre votent à Saint- Claude  et  vice versa. D’autant qu’Elie Califer est l’un des maires les mieux élus de ces dernières municipales avec 77,30 % des voix. Ce résultat est tout de même à modérer compte tenu de la forte abstention de l’élection estimée à près de 45 % des votants. Même topo du côté de Basse- Terre pour Lucette Michaux-Chevry élue dès le premier tour, mais dont l’élection présenterait  selon le tribunal  administratif  de  nombreuses   irrégularités.  Du simple point de vue comptable, au regard du nombre d’électeurs à Basse-Terre, on pourrait penser que Lucette-Michaux Chevry a de l’avance. De toute façon, elle ne peut capitaliser que sur sa capacité à mobiliser, Simon Barlagne étant un peu en retrait des affaires politiques depuis quelques  années.  A contrario,  Brigitte Rhodes binôme de Califer est dans l’offensive, comme  l’a montré  son  débat diffusé le 16 mars dernier sur la chaîne de télé Guadeloupe 1ère. Tout reste possible. En sachant  quand  même qu’une défaite de Lucette Michaux-Chevry serait un signe fort pour les socialistes.

 

BALLOTTAGE ASSURE

Pointe-à-Pitre : sept dans le canton

Le territoire pointois est celui qui compte le plus de prétendants. Réduit de trois à un seul canton, deux des conseillers généraux sortants, Sigiscar et Brédent, membres de la majorité municipale, vont devoir s’affronter. Ils feront face à un certain nombre de conseillers municipaux, parfois du même bord politique qu’eux. Une bataille homérique en perspective.

À Pointe-à-Pitre, les candidats aux élections départementales ont décidé de jouer un remake du jeu des Sept familles. Sept binômes sont en effet candidats sur le territoire pointois : c’est, avec Capesterre-Belle-Eau, le canton qui compte le plus de prétendants. L’une des explications vient du nouveau découpage électoral. Vu que Pointe-à-Pitre passe de trois à un seul canton, le prix de la place de conseiller départemental (nouveau nom des conseillers généraux) a grimpé en flèche. Le ballottage est donc presque assuré : il n’y aura pas d’élu au premier tour. Le problème vient aussi du fait que les trois conseillers généraux sortants font partie de la majorité municipale. Le maire, Jacques Bangou, membre du Parti progressiste démocratique guadeloupéen (PPDG) et conseiller général du premier canton, ne se représente pas. Il soutient à sa place Marcel Sigiscar, du même parti et élu sortant du troisième canton, qui sera allié à Marlène Mélisse. Mais celui-ci devra affronter Georges Brédent, de Guadeloupe unie socialisme et réalité (GUSR), élu sortant du troisième canton et beau-frère de Jacques Bangou, avec comme colistière Tania Galvani. Le PPDG est allié à la fédération socialiste de Guadeloupe, menée par Victorin Lurel (président de Région), elle-même en bisbille avec le GUSR, mouvement de Jacques Gillot, actuel président du conseil général. Tout cela promet !

Ces sortants devront faire face à certains candidats qu’ils côtoient régulièrement. Car pour ajouter un peu plus à la confusion, Claude Barfleur, secrétaire de la section socialiste pointoise et membre du conseil municipal, est aussi candidat (avec Myriam Ponremy), tout comme Mehdi Keita, candidat du Collectif des inkoruptibles (CDI) et conseiller municipal chargé de la fiscalité et allié à Sandra Jolo. Tout ce petit monde sera opposé à Ary Durimel (et Evelyne Démocrite), de Caraïbe écologie-les verts, lui aussi présent au conseil municipal mais dans l’opposition. Anciennement socialiste et déçu du groupe Caraïbe écologie-les verts, qui n’en a pas fait son candidat, Claude Rémy a de son côté présenté sa candidature sous l’étiquette  » Ambition Guadeloupe  » aux côtés de Céline Koenig. Derniers candidats, Octavie Losio et Henri Yoyotte, classés à droite, représenteront le mouvement Nofwap.

 

ÉRIC JALTON

 » Il faut une femme à la tête du Département « 

Le député-maire des Abymes annonce la victoire de la coalition PS/PPDG/FRAPP. Il soutiendra Josette Borel-Lincertin pour le poste de présidente de l’assemblée départementale.

Éric Jalton : La gauche n’est pas en danger en Guadeloupe. Mais le socle de gauche vacille une nouvelle fois sur des querelles déjà anciennes. Ces élections arrivent à point nommé pour que la vraie gauche se refonde. Mais je tiens tout de même à réaffirmer mon attachement au rassemblement le plus large de la gauche guadeloupéenne. Ceci dans le respect mutuel de nos différences et tenant compte en terme de gouvernance du rapport de force interne issu du suffrage universel. Pour ces élections, il n’y aura ni miracle ni grande surprise. C’est une élection qui repose beaucoup sur l’influence des maires. D’autant que cette fois le renouvellement est intégral. Il suffit de regarder les résultats des municipales pour savoir ce qui se passera. La coalition PS, PPDG, FRAPP et les autres obédiences plus locales qui soutiennent ces partis risquent d’avoir la majorité absolue. Le GUSR et la droite se partageront le reste des cantons.

Le Courrier de Guadeloupe : Il faudra tout de même intégrer le rôle de l’abstention…

E.J. : L’abstention sera plus forte qu’aux municipales, mais elle risque d’être moins forte qu’au niveau national. Les gens sont quand même mobilisés.

LCG : La droite peut-elle tirer profit des divisions de la gauche ?

E.J. : La droite s’organise. Elle va tenter de nous refaire le coup de 1992. Nous savons qu’il y a déjà des tractations, des connivences. Ce qui est nouveau c’est le Front national qui désormais n’a plus froid aux yeux. À l’approche de l’élection présidentielle, la droite va se retrouver, quitte à ce que des émissaires de France viennent y mettre bon ordre. C’est pour cela qu’il ne faut pas minimiser la capacité de la droite à rebondir. Il ne faut surtout pas oublier qu’en France l’UMP est devenue l’antichambre du Front national. Il faut constituer un bastion de gauche. Il faut penser à notre diaspora dans l’Hexagone qui tremble devant cette montée du Front national.

LCG : Quelle est votre ambition pour ces élections départementales ?

E.J. : La FRAPP sera sans doute la deuxième force de la coalition majoritaire au conseil général. Cela donne droit à être écouté comme les autres composantes et à participer à la constitution d’une assemblée plus performante, dans le cadre de ses compétences.

LCG : Que reprochez-vous à l’actuelle gouvernance de l’assemblée départementale. La FRAPP en était, non ?

E.J. : Nous appartenons à cette majorité. Nous revendiquons donc son bilan. Mais nous disons qu’il est possible de faire bien mieux. Notamment dans le domaine des solidarités. Mieux cibler les aides vers les catégories. Il fallait mobiliser les excédents de plusieurs millions d’euros déclarés à grands renforts médiatiques pour œuvrer davantage pour les déshérités. C’est quand même choquant de déclarer un excédent de 42 millions alors que les besoins de la population sont criants. C’est inadmissible. Je préfère la politique de la Région qui a emprunté pour mettre en place une vraie politique de relance au niveau des communes, en les invitant à penser leur développement. Le Département aurait dû faire la même chose pour éviter que le pays ne s’effondre au niveau économique et social. C’est pour cela qu’il faut une femme de gauche, plus sensible aux préoccupations sociales de la population pour diriger cette assemblée.

LCG : Vous pensez à Josette Borel-Lincertin, oui mais, encore faut-il gagner aux Abymes ?

E.J. : Aux Abymes le combat est âpre. La FRAPP est à pied d’œuvre sur les 3 cantons. Nous devrions tout gagner avec Chantal Lerus, Rosan Rauzduel, Faber Michelli, Éliane Guiougou Josette Borel-Licertin, Louis Galantine. S’il y a une forte mobilisation, nous pouvons obtenir dès le premier tour deux cantons sur trois. Notre véritable adversaire c’est l’abstention.

LCG : Que pensez-vous de l’irruption du conflit sur les carburants dans la campagne ?

E.J. : A écouter les gérants de station-service, leur situation relève davantage de l’assemblée départementale que des dispositifs économiques pris par le décret Lurel. Par ailleurs, ils seraient des cas sociaux sous-payés au point de vouloir bloquer le pays en brandissant la menace d’une grève d’essence. Je crois que les priorités sociales se situent ailleurs dans le contexte social actuel où un effort est demandé à toutes les corporations. Je crois qu’il faut savoir raison garder. Je note que le président Lurel a fait un certain nombre de propositions au gouvernement. Il n’est donc pas fermé à quelques adaptations. Mais je pense que le décret Lurel est sur le fond courageux. En cela, je retrouve le socialiste dont j’avais douté du fondement idéologique lors de la crise de 2009.

LCG : Que pensez-vous du conflit sur l’université ?

E.J. : Je le dis d’emblée. Je ne suis pas particulièrement pour l’éclatement de l’université. Je regrette même le départ de la Guyane même si je comprends les raisons de cette rupture. Cela dit, s’il est important de maintenir notre fraternité avec la Martinique, il faut que cette fraternité repose sur des bases équitables. Ce principe n’est pas négociable. C’est pour cela que j’ai régulièrement alerté le ministre sur ce problème, à l’abri de tout tapage médiatique.

 

IL L’A DIT

 » Je pense particulièrement à Josette Borel-Lincertin « 

Pour diriger l’assemblée départementale, je pense particulièrement à Josette Borel-Lincertin. Elle a l’expérience, la maturité, un vrai parcours qui part des îles du Sud, Marie-Galante en l’occurrence. Elle a travaillé à Basse-Terre, a été présidente du conseil régional, elle est 1er adjoint aux Abymes, elle vit à Gosier. Les Gosériens ne seront donc pas complètement déçus.

 

MARIE-GALANTE

Maryse Etzol devra batailler

Harry Selbonne rêve de faire trébucher l’ex maire de Grand-Bourg qui lui a succédé à la tête de la communauté des communes. Une campagne sur fond de rancœur.

Marie-Galante, les choses qui s’annonçaient plutôt simples pour Maryse Etzol semblent désormais assez confuses. D’abord l’élection municipale de Maryse Etzol a été invalidée, ce qui ne la met pas dans les meilleures dispositions pour ces départementales. Et puis surtout des oppositions auxquelles elle ne s’attendait pas se sont fait jour. D’abord son adversaire, membre pourtant de l’ancienne majorité municipale qu’elle présidait, Harry Selbonne, est remonté comme une horloge. Il ne lui pardonne pas de lui avoir chipé la présidence de la communauté des communes. Cela laisse des traces. Forcément. Mais Maryse Etzol ne semble plus avoir non plus le soutien de Marlène Miraculeux-Bourgeois. Alors que tous les maires de Marie-Galante avaient soutenu l’ancienne maire de Grand-Bourg, lors du vote pour la présidence de la communauté de communes. Pour compliquer encore un peu plus les choses, une opposition est apparue également à Saint-Louis. Le binôme Saint-Louisien de Mayse Etzol, Marthyr Nagaud désigné pourtant démocratiquement lors d’un vote, ne plaît pas à tout le monde. Comme en plus celui qu’elle a remplacé à la mairie, à savoir Patrice Tirolien, ne fait pas montre d’un soutien évident, Maryse Etzol va devoir croiser le fer. Toutefois elle a de sérieux atouts. Le tout premier c’est l’électorat de son père toujours indéfectible et dont il reste une bonne flopée. Ensuite le maire de Saint-Louis, Jacques Cornano a resserré les boulons du côté de ses troupes à Saint-Louis. Enfin Maryse Etzol peut compter sur Betty Besry sa suppléante infatigable à Capesterre. Maryse Etzol pourra sans doute sans sortir. Mais contrairement ce qu’on aurait pu croire au départ, ce ne sera pas pour elle une simple ballade.

 

SANS BEAUGENDRE

Virage à gauche pour Capesterre ?

Avec sept binômes en lice, on peut dire que les électeurs capesterriens auront le choix. On y trouve à peu près tous les courants politiques, même le Front national représenté par Chantale Chipan et Marc Guille. Du coup, l’éclatement des voix assure le second tour. Parmi les candidats on retrouve les deux conseillers généraux sortants. Eddy Claude-Maurice et Béatrice Hatilip forment leur bînome pour conserver leur poste. Face à eux, deux figures de la politique capesterienne, Jean-Philippe Courtois associé à Gisèle Montlouis et Hugues-Philippe Ramdini avec Manuelle Avril. Pour cette élection, on ne retrouvera pas Jean-Philippe Ramassamy, le premier adjoint au maire. Depuis l’affaire Beaugendre, les relations au sein du conseil municipal sont tendues. Un fait qui explique pourquoi, on le retrouve en soutien à Hugues-Philippe Ramdini. La donne n’est facile pour personne. Situation qui a tendance à fragiliser l’électorat. En plus de l’appui d’un acteur politique majeur de la ville, Ramdini bénéficie de la proximité des élections municipales et de la campagne menée alors, qui, d’aucuns le rappellent très discrètement, lui avait donné quelque raison, notamment sur la gestion de la mairie. En revanche, du côté des conseillers généraux sortants il s’agit de se rappeler aux bons souvenirs de la population. Il n’est donc pas impossible qu’on assiste à un réel basculement à Capesterre-Belle-Eau du côté socialiste. Une petite révolution pour une ville qui vote à droite depuis plus de 20 ans et qui est aussi un de ses derniers bastions.

 

ENTRE COUSINS

L’étrange scénario de Sainte-Rose 1

Le canton de Sainte-Rose 1, qui, on le rappelle, englobe une large partie de la Côte sous le vent, de l’Est de Sainte-Rose, jusqu’à la partie Nord de Bouillante, propose un match politique intéressant, non en termes de couleur politique puisque la cause est plus ou moins acquise aux socialistes. Jeannie Marc longtemps proche du GUSR ne l’est plus autant et entretient des rapports cordiaux avec la fédération guadeloupéenne du parti socialiste. C’est au niveau de l’implantation politique des candidats que la situation présente de l’intérêt. En se présentant dans une équipe transcommunale, avec Camille Elisabeth opposant principal de la majorité pointe-noirienne, Jeannie Marc s’assure une oreille attentive dans la ville de Pointe-Noire. Même opération du côté de Max Mathiasin, élu sortant pour le canton Sainte-Rose/Deshaies qui est soutenu par l’actuel maire de Pointe-Noire Christian Jean-Charles. Alliance symbolisée par la présence à ses côtés de Constance-Marie Sursèmes membre de la majorité municipale. En termes d’assise électorale, les deux poids lourds politiques de cette élection que sont Jeannie Marc et Max Mathiasin chassent sur les mêmes terres. Les élections municipales avaient déjà tourné en faveur de la mairesse élue, de peu, dès le premier tour avec 50,44 % des voix. La stratégie du côté de Pointe-Noire est donc déterminante. Avec Camille Elisabeth, Jeannie Marc ajoute à sa propre notoriété celle d’un homme politique de longue date. En ce sens, la règle du binôme montre une possibilité intéressante.

Quel pari pour Max Mathiasin ?

Max Mathiasin, lui, peut aussi compter sur son aura, et surtout sur son statut de premier secrétaire du parti socialiste. En revanche, pas sûr que son binôme, certainement un élu de terrain puisse réussir à capitaliser l’attention des électeurs dans un canton aussi étendu. Toutefois, s’il est confirmé que le choix de vote se fait en général sur la personnalité du candidat, rien ne dit que les électeurs aient une conscience aiguë de voter pour deux personnes distinctes réunies en équipe. Autre difficulté et non des moindre, la présence de Brigitte Jean, elle aussi conseillère générale sortante associée à l’ancien maire de Pointe-Noire, Tony Sinivassin. Ensemble, ils présentent l’avantage d’être bien ancrés à dans la commune, même si c’est un peu moins vrai pour Tony Sinivassin, ancien dauphin de Félix Desplan, qui n’a pas résisté aux Municipales 2014 en dépit de la légitimité que lui a conférée le maire sortant. Cette configuration n’arrange en rien l’affaire de Jules Kamoise et Christine Serber, qui auront fort à faire face à tous ces vieux routiers de la politique.

 

RAMPE DE LANCEMENT

Loi sur la parité : comment les militantes de longue date arrivent aux affaires

La réforme des élections départementales qui oblige chaque canton à présenter un binôme mixte aux élections, pour respecter la parité, a eu l’effet de propulser sur le devant de la scène des militantes de la première heure.

Contrairement à ce qui a cours dans l’Hexagone, les femmes guadeloupéennes ont toujours gravité dans les cercles politiques locaux. Leur engagement prend de multiples formes, mais en général, ce sont soit des militantes associatives, des syndicalistes, ou des supportrices d’un camp politique. Si ces diverses casquettes font définitivement d’elles des acteurs de terrain, elles ne sont pourtant pas nombreuses à briguer un mandat. Trop de responsabilités, ou encore pas les moyens de mettre en place un appareil de campagne efficace. En ce sens, la loi sur la parité leur donne un sérieux coup de pouce en obligeant le jeu politique à tenir compte d’elles.

Incarner des convictions

 » Cette loi est vraiment une bonne chose. Elle permet de faire valoir la vision qu’ont les femmes de la politique et plus précisément de la politique qu’il faut mener dans leur canton. J’ai toujours eu des convictions que je défendais au sein d’une liste municipale. Désormais, je peux les incarner. En ce qui me concerne, le dossier agricole et la gestion de l’enfance et des personnes âgées me tiennent particulièrement à cœur  » argue Marjorie Guyon candidate avec Patrick Solvet à Sainte-Anne. En général, les binômes affichent une certaine entente dans leur équipe. Les hommes, pour la plupart déjà rodés en politique font encore office de mentor.  » Jean-Marie Hubert est un grand monsieur de la politique en Nord Grande-Terre, il connaît ses dossiers. Notre binôme fonctionne en harmonie puisque j’interviens et fais office d’atout quand il s’agit d’Anse Bertrand, puisque j’ai mené une campagne active pour Édouard Delta et il me guide quand il s’agit de Port-Louis, qu’il connaît bien mieux  » explique Anne-Marie Dollin, candidate dans le canton de Petit-Canal.

Vive l’alphabet !

Sans cette loi sur la parité, Anne-Marie Dollin avoue qu’elle n’aurait jamais spontanément brigué de mandat.  » La loi donne confiance aux femmes qui avaient des ambitions mais pas forcément les moyens ou le courage de les exprimer.  » L’harmonie et la symbiose ne sont pourtant pas la règle absolue. Certains hommes politiques ont encore beaucoup de mal à concevoir les femmes comme leurs égales, et malgré la féminisation de la vie politique guadeloupéenne, elles se battent encore pour faire monter leurs projets.  » Sincèrement, heureusement que les listes sont par ordre alphabétique, sinon tous les hommes seraient en haut et les femmes suivraient. Il faut encore sans cesse s’imposer dans le jeu politique face à des hommes qui en ont fait leur pré-carré  » selon Marlène Bernard candidate au canton de Petit-Canal. Autre bémol à verser au dossier, dans les discours de campagne, les candidates avancent encore trop souvent leur condition de femme comme une compétence particulière pour la gestion des prérogatives dévolues au conseil général, le social et la gestion de l’enfance. Comme quoi, il y a encore du chemin à parcourir.

 

LIBÉRÉES, DÉLIVRÉES

Les femmes au pouvoir

Souvent engagées dans les actions sociales, que ce soit en politique ou dans les associations, les femmes nouvellement élues auront une expertise supplémentaire à apporter.

C’est une première dans l’histoire de la politique française. Les élections départementales des 22 et 29 mars verront des binômes homme-femme être élus. Il y aura donc une parité absolue dans l’ensemble des conseils départementaux, et la Guadeloupe ne fera pas exception. Sur les 42 conseillers départementaux de l’archipel, 21 seront des femmes, alors qu’elles ne sont actuellement que huit à siéger au conseil général. Présentes pour six ans à l’assemblée, beaucoup d’entre elles seront de nouvelles venues pour un mandat électif, même si souvent leur engagement et militantisme étaient anciens, que ce soit au sein de partis politiques ou d’associations. Une telle féminisation aura-t-elle des conséquences sur le fonctionnement de l’assemblée ?

RSA, APA, petite enfance…

Même si la nouvelle loi qui encadrera les missions de la nouvelle assemblée départementale n’a pas encore été votée, la principale attribution du conseil départemental restera le volet social (RSA, aide aux personnes âgées, aides aux personnes handicapées, petite enfance…). Et de ce côté-là, les femmes ont une grande plus-value à apporter. Le manque de femmes candidates a poussé les partis à devoir recruter dans la société civile. Du coup, beaucoup de ces femmes étaient impliquées au sein d’associations à but social, et connaissent bien les dossiers qui s’y rapportent.  » Parmi les femmes candidates, un certain nombre était chargé des CCAS dans les conseils municipaux. Elles ont donc le bagage nécessaire pour gérer ces dossiers efficacement. Et même parfois mieux que les hommes, car elles étaient souvent déjà engagées dans la solidarité et l’action sociale auparavant, elles en connaissent les problématiques. Cette élection est comme un aboutissement « , explique Corinne Pétro, candidate dans le canton Baie-Mahault 1 aux côtés de Justin Dessout.

Apporter de nouvelles solutions

Pour certaines candidates, la vision féminine des problèmes sera toute différente, avec une autre sensibilité.  » De par mon expérience au conseil régional, j’ai pu constater que l’approche est différente. Alors oui, les femmes apportent le cœur et parfois la sagesse qui pourraient manquer. Mais elles ont surtout une autre vision, sont socialement plus à l’écoute. Elles sont par exemple bien plus sensibilisées aux problèmes touchant l’enfance et la petite enfance. Pour beaucoup de dossiers, je suis sûre qu’elles seront à même de trouver d’autres solutions auxquelles les hommes n’avaient pas pensé « , note Marlène Bernard, binôme de Blaise Mornal dans le canton de Petit-Canal.

Avec un bémol : même au sein de l’assemblée, elles vont devoir s’affirmer. Toutes les candidates interrogées le disent : face aux vieux routards de la politique, en grande majorité masculins, il faudra jouer des coudes pour sortir de l’ombre.  » Certaines vont se dégager d’elles- mêmes, car elles auront le tempérament pour se mettre en avant. Il faut le voir comme un tremplin, une opportunité pour celles qui étaient engagées sans être sur le devant de la scène de pouvoir montrer ce qu’elles valent « , conclut Corinne Pétro. Avec, à la clé, l’avènement d’une nouvelle génération de femmes politiques guadeloupéennes.

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