Laurella Yssap-Rinçon au Mémorial acte à l'inauguration de l'exposition temporaire d'architecture Jamaican février 2022.

À la suite de la plainte pour favoritisme formulée à la mi 2023 contre l’ex directrice du Macte par Ary Chalus, président du conseil d’administration du Mémorial Acte, le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a condamné Laurella Yssap-Rinçon. Dans son délibéré rendu mardi 30 avril, le tribunal l’a déclarée coupable d’atteinte au Code des marchés publics.

La conservatrice du patrimoine au ministère de la Culture, spécialiste des collections et cultures d’Afrique de l’Est, des Caraïbes et de l’Océan indien, écope d’un an de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende, deux ans d’inéligibilité, interdiction d’exercer un emploi public durant deux ans. Contactée par Le Courrier de Guadeloupe, Laurella Yssap-Rinçon a fait savoir qu’elle fera appel de la décision, et s’est dite au final soulagée que ce premier chapitre soit clos.

Directrice générale du Centre caribéen d’expression et de mémoire de la traite et de l’esclavage de 2019 à 2023, Laurella Yssap-Rinçon n’avait pas renouvelé les appels d’offres pour les marchés de sécurité, nettoyage et climatisation, qui étaient arrivés à échéance. Les prestataires en place avant son arrivée avaient continué à travailler sans marché sous sa gouvernance.

Laurella Yssap-Rinçon, au nom de l’intégrité du Macte, s’était notamment opposée à l’ingérence des élus (sous l’ère Georges Brédent puis Ary Chalus), qui confondent la fonction de présidence avec celle de direction générale. Elle affirmait en avril 2021 dans les colonnes du Courrier de Guadeloupe « Je ne connais qu’une règle, c’est la règle ». La règle a finalement été retournée contre elle. Comme tout élu ou fonctionnaire, l’ex directrice est aux yeux de la loi « toujours présumée connaître les règles de la commande publique ».

À l’audience de son procès le 23 janvier dernier, Laurella Yssap-Rinçon avait argué que les multiples procédures de révocation lancées à son encontre, ses alertes et demandes restées lettres mortes, n’avaient pas permis de mener à bien le renouvellement des marchés litigieux. Dans ce contexte, la conservatrice du patrimoine avait fait le choix de ne pas priver les personnels, les œuvres et le Macte, de nettoyage, de climatisation, et de gardiennage.

L’ex dirigeante a tenté de démontrer qu’elle a agi sous l’emprise d’une contrainte morale irrésistible, une pression exercée par le conseil d’administration qui l’a placé dans une situation où elle n’avait pas d’autre choix que de commettre une faute. Le tribunal n’a reconnu ni le concept d’erreur de droit, ni celui de contrainte morale. « Vous n’aviez qu’à fermer le Macte » lui a froidement répondu le président du tribunal.

Le président du Macte Ary Chalus, avait fait requérir par la voix de l’avocat du Mémorial, plus de 900 000 euros au titre d’un préjudice financier en raison des prestations réalisées au profit du Macte sans publication de marchés. En clair, il demandait que Laurella Yassep-Rinçon rembourse de sa poche 900 000 euros au Macte. Dans son jugement rendu ce 30 avril, le tribunal a déclaré « irrecevable » la constitution de partie civile et la demande d’indemnisation du Macte.

Élasticité des poursuites

Le non-respect des principes de la commande publique a perduré au-delà du départ de Laurella Yssap-Rinçon, pour les mêmes marchés. Les dirigeants suivants du Macte, Gilda Gonfier qui a exercé la direction générale par intérim, et l’actuelle directrice générale intérimaire Manuelle Moutou, ont été confrontés au même dilemme et ont choisi la même voie : la poursuite d’activité. Les deux intérimaires devraient elles aussi être traduites en correctionnelle. Sauf formidable élasticité de l’opportunité des poursuites.

La Cour des comptes mène actuellement des investigations au Macte notamment autour de la question des prestataires qui ont continué à travailler en dehors de tout marché. Manuella Moutou et Ary Chalus ont été entendus fin avril. Prévoyants, ces deux dirigeants se sont fait offrir la protection fonctionnelle du Macte le 6 mars. Le Mémorial acte remboursera tous frais de justice et de condamnation qui pourraient intervenir à leur encontre.

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