Enquête sur l'escalade de la violence

Le retour de l’État

• Le président de la République a exprimé sa volonté de passer à l’action dès son arrivée en Guadeloupe.

 

Il fait à peine jour lorsque l’avion du président de la République atterrit à l’aéroport Pôle Caraïbes aux Abymes, ce mardi 12 septembre. Sorti de l’avion, le président de la République anime une réunion avec les services de l’État et quelques élus. Ensuite devant la presse, il rejette toutes les critiques qui ont été formulées :  » Le gouvernement a répondu plusieurs jours avant, et constamment pendant cette catastrophe « , indique-t-il. Le chef de l’État estime qu' » il n’était pas possible d’avoir une anticipation plus grande « . Avis non partagé par plusieurs élus. Dès samedi 9 septembre, l’ex-député Victorin Lurel avait adressé au président de la République un message dans lequel il pointait des carences de l’État. Ary Chalus, exécutif régional, lors d’une réunion tenue dimanche 10 en préfecture  avait manifesté son mécontentement auprès du préfet. il estimait inadmissible que les enseignants guadeloupéens n’aient  pas été rapatriés en Guadeloupe et menaçait d’aller les chercher. Emmanuel Macron ne cède rien aux critiques. Tout concourt pourtant à démontrer que ce mardi matin, qu’il veut en finir avec les reproches. Il concède la mise en place d’une commission d’enquête pour vérifier s’il y a eu des failles. En attendant, place à l’action :  » Il y a 1 900 membres des forces de l’ordre pour sécuriser l’île « .  » Cinq jours plus tard « , souffle dans la salle un mauvais esprit. Tant pis. Emmanuel macron a déjà repris la main :  » L’ordre public est de retour à Saint-Martin partout où nous avons connu des débordements inacceptables « . Dans l’avion d’Emmanuel Macron ont pris place Jean-Michel Blanquer ministre de l’Éducation nationale, Agnès Buzyn ministre de la Santé, Philippe Gustin préfet préposé à la reconstruction et le Guadeloupéen Richard Samuel chargé de mission. Dans l’immédiat l’objectif c’est de rétablir l’électricité et de permettre aux Saint-Martinois de s’approvisionner en eau.

 

Victorin Lurel pointe les défaillances des autorités

 

Victorin Lurel est intervenu sur plusieurs médias nationaux estimant que sur de nombreux points l’État avait failli. L’ancien ministre se défend de toute volonté de nourrir des polémiques stériles.  » J’ai envoyé directement un texto à Emmanuel Macron pour lui dire ce qui n’allait pas. Après quatre jours, on annonce quatre cents gendarmes. Ils ont fait quoi ? À Saint-Martin, tout le monde avait peur. Sauf les malfrats. C’est le ressenti des gens sur place « .

Victorin Lurel fait valoir que Saint-Martin est une société fragile. Qu’on aurait dû expliquer, faire de la pédagogie.  » Que l’on rapatrie les femmes de gendarmes cela ne me dérange pas. Ils ont besoin d’être rassérénés afin de mieux travailler. Que des touristes soient évacués idem. Ils ont payé un séjour. Nous leur devons sécurité. ils n’ont pas vocation à rester. Sauf qu’il faut l’expliquer « .

Préfet à peine arrivé

Victorin Lurel pointe du doigt la cacophonie au niveau du commandement :  » Comment des militaires peuvent-ils dire dans une situation comme celle qui prévalait à Saint-Martin, nous ne recevons des ordres que de Paris ?  » L’ancien ministre reconnaît que les réseaux sociaux ont fait circuler n’importe quoi.  » C’était d’autant plus facile que la communication était absente « , explique-t-il. Selon Victorin Lurel il fallait associer les élus. Ce ne fut pas le cas.  » Tous les cadres de l’État ont été changés en pleine période cyclonique. Le préfet à peine arrivé a hérité d’une crise qu’il n’avait jamais eue à gérer de toute sa carrière. Les autres cadres de la préfecture n’étaient pas en poste depuis longtemps non plus « , fait remarquer Victorin Lurel. Quand on rappelle à l’ancien ministre que le gouvernement a vivement démenti tous les manquements signalés, il répond :  » Je suis un élu responsable et plutôt bienveillant. C’est une situation difficile. Il ne me viendra jamais à l’esprit de jeter de l’huile sur le feu. Mais une démocratie doit savoir entendre les critiques. Aujourd’hui, je salue le fait que plusieurs erreurs aient été rectifiées. L’État joue désormais son rôle. »

 

Budgets

 

1,2 milliard

C’est le premier montant annoncé des dégâts subis par Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ce chiffre a été donné par la Caisse centrale de réassurance (CCR) samedi 9 septembre, qui précise que ce n’est qu’une première estimation. La CCR assureur public qui intervient en cas de catastrophe naturelle précise dans un communiqué :  » Ce montant recouvre les dommages aux habitations, aux véhicules et aux entreprises « . En clair, les infrastructures publiques ne sont pas comprises. L’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle des deux îles a été publié au journal officiel samedi 9 septembre.

5e indemnisation

Les dégâts occasionnés par Irma, en font l’une des catastrophes naturelles les plus coûteuses en France. D’autres survenues dans l’Hexagone, sont encore plus chères. Tout d’abord, les tempêtes Lothar et Martin (1999) avec 6,8 milliards d’euros d’indemnisation versés, selon la Fédération française de l’assurance (FFA). Viennent ensuite, les tempêtes Klauss et Quentin (2009) avec un budget de 1,9 milliard d’euros. Sans oublier les inondations de mai juin 2016 qui ont fait débourser 1,4 milliard aux assureurs. Enfin, la sécheresse durant l’été 2003 avait elle aussi entraîné un coût de l’ordre de 1,4 milliard.

2 millions

La Commission européenne a débloqué un fonds d’aide d’urgence de deux millions d’euros, lundi 11 septembre, pour les sinistrés d’Irma. Une aide qui interviendra au niveau des actions de santé et de gestion des déchets.

 

Expertise locale écartée

 

Dans une salle située au premier étage d’un immeuble sis rue de la liberté à Baie-Mahault, une vingtaine d’hommes et une femme discutent autour d’une table. Nous sommes au siège de l’ordre des architectes de Guadeloupe. Tous affichent un air grave. Ils ont convoqué la presse et expliquent aux journalistes leur inquiétude. Ils sont architectes, urbanistes ou ingénieurs en bâtiment. Philippe Michaux est le plus volubile et ne mâche pas ses mots.  » Il n’est pas question qu’on fasse n’importe quoi à Saint-Martin sous prétexte que nous ne sommes pas à la hauteur « . Selon lui, les experts de la construction en Guadeloupe et à Saint-Martin sont les Guadeloupéens. Ces hommes de l’art veulent participer au diagnostic qui sera établi au niveau des bâtiments et infrastructures publics à Saint-Martin. L’objectif disent-ils c’est de déterminer les actions prioritaires à mener. Ils sont réunis ce lundi 11 septembre pour définir une stratégie.

« On m’a blackboulé »

Jacques Sainsily, président du CAUE expose qu’il s’est invité à une réunion en préfecture dimanche 10 septembre. Sa tentative d’exposer en quoi les professionnels guadeloupéens peuvent être utiles afin de sauvegarder ce qui peut l’être à Saint-Martin a tourné court. « Je n’ai pas eu le temps de terminer mon court exposéOn m’a blackboulé « . Architectes ingénieurs et urbanistes n’ont pas renoncé. Dans un premier temps ils vont faire connaître leur initiative à la population et l’expliquer. Ils se proposent d’envoyer sur place des binômes composés d’un ingénieur et d’un architecte qui se relaieront. Ils promettent de frapper à toutes les portes jusqu’à ce qu’ils soient entendus.  » Nous avons des réponses à apporter, meilleures que celles de gens qui ne connaissent rien aux cyclones« , soutient Éric Halley secrétaire général de l’ordre des architectes.  » La tempête Xynthia avec des vents moins forts qu’Irma a causé davantage de dégâts dans l’Hexagone », ajoute-t-il. « Il ne nous viendrait pas à l’idée d’aller donner des conseils aux architectes des Alpes pour qu’ils préviennent les dégâts que peut causer une avalanche », renchérit l’architecte Françoise Troplan.

 

Sylvie Gustavie dit Duflo

 

Quelle a été la coordination entre préfecture et Région ?

Au départ, aucune. Nous l’avons déploré. Nous avons fait savoir que nous avions la connaissance empirique de ces phénomènes. Nous n’avons pas été entendus.

Comment expliquez-vous cette mise à l’écart ?

Cet épisode est derrière nous. Depuis, j’ai chaque jour un rendez-vous téléphonique avec Laurence Carval, directrice adjointe du cabinet du préfet chargée de la gestion des catastrophes naturelles.

À quel niveau intervenez-vous désormais ?

Nous sommes toujours dans la phase d’aide d’urgence. Nous intensifierons notre action au niveau des infrastructures vitales. Des groupes électrogènes ont été acheminés. L’électricité fonctionne dans certains points. L’eau potable sera disponible via une usine de dessalement. Viendra ensuite le temps des opérations de déblayage. Mercredi une équipe de Routes de Guadeloupe a été dépêchée sur place.

 

La perte d’un pilier de l’économie des îles

 

Les îles du nord ont perdu le pilier de leurs économies : le tourisme. Un diagnostic provisoire sera établi par les autorités locales le 26 septembre prochain lors du Salon du tourisme, à Paris. Contacté mercredi 13 septembre, Olivier Louis, responsable Europe pour l’office du tourisme de Saint-Martin, explique qu’entre 80 et 90 % de l’économie était liée au tourisme sur l’île. Avec 28 % des emplois directement liés à cette activité, ce sont entre 7 000 et 10 000 personnes qui seront concernées par le manque à gagner généré par l’absence de touristes. À Saint-Barthélemy, il s’agissait de 37 % des emplois, soit le plus grand secteur d’embauche de l’île. Malgré les espoirs affichés par le président de la collectivité Bruno Magras, il faudra du temps pour relancer le tourisme sur ces deux îles. Au-delà du budget pour la reconstruction, une compensation économique devrait être envisagée, le temps que ces anciennes dépendances de la Guadeloupe reviennent à la vie.

 

 École

 

La rentrée à Saint-Martin n’est pas fixée. Jean-Michel Blanquer (photo), ministre de l’Éducation nationale en conférence de presse mercredi 13 septembre au Rectorat, a insisté sur  » la reprise de l’activité pour les écoles de l’île « . Une activité qui ne sera pas une reprise des occupations scolaires mais un accueil des élèves, un accueil administratif ainsi qu’un accompagnement psychologique. Suivra la rentrée, au mieux après les congés de Toussaint. En attendant, le rectorat indique  » étudier des solutions  » et  » organiser l’accompagnement psychologique  » dont ont besoin ses personnels pour reprendre, un jour, leurs postes.

 

Assises de l’éducation

 

Le rectorat de Guadeloupe reporte la consultation publique qu’il avait lancée dans le cadre des assises de l’éducation. Une date ultérieure sera communiquée. Ces assises de l’éducation, qui marquent les 20 ans de l’académie, doivent permettre de faire un bilan des actions effectuées depuis la création de l’académie, ainsi que d’établir celles des prochaines années.

 

LES FAKES à L’ASSAUT DES RÉSEAUX

• Le cyclone Irma a tout balayé sur son passage et a ravagé les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Alors que la population tente, de faire face à cette catastrophe, sur les réseaux sociaux les posts  » fake  » déferlent.

 

Irma a laissé son empreinte sur les îles du Nord. C’est vers 6 heures du matin que l’ouragan de catégorie 5 a attaqué Saint-Barthélemy, déferlant des vagues de plus de douze mètres de haut qui ont submergé le littoral. Irma s’est ensuite rendue à Saint-Martin. Avec des vents de plus de 250 km/h, les pertes physiques sont considérables et, d’après la ministre des Outre-mer, Annick Girardin  » les dégâts matériels sont importants « . Grâce à Twitter ou Facebook, les internautes ont pu suivre en direct – du moins c’est ce qu’ils ont cru – le déroulement des événements, et partager leur émotion. Certains tentent de faire part de leur vécu en illustrant, parfois, leurs propos grâce à des vidéos et des photos :  » Quelques photos des personnes à #saintmartin. Le pont de sandy ground est HS, je crois reconnaître la marina #OuraganIRMA #irma #cyclone  » – @Di_jessy. D’autres apportent leur soutien : « Toutes nos pensées vont aux habitants de #SaintMartin et de #SaintBarth. #OuraganIRMA #Irma  » – @FanzouzesTPMP ou encore  » #Irma2017 une pensée fraternelle et solidaire pour les habitants de #SaintMartin et #SaintBarthelemy  » – @alain_philibert.

Faire le buzz

Sur Facebook, les vidéos dites  » live  » sont nombreuses. On a vu l’aéroport Princess Juliana à Saint-Martin complètement dévasté, des immeubles qui s’effondrent, des maisons qui ont perdu leur toit ainsi que des inondations sur les deux îles. Mais voilà, il ne faut pas croire tout ce que l’on voit. Quand d’un côté le désir de témoigner, de partager est réel, il y a toujours, de l’autre, ceux qui cherchent à se faire remarquer. Et pour cela tous les moyens sont bons.

Dès l’annonce de l’arrivée imminente du cyclone Irma, les posts fakes ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux. Tout le monde y va de son information inédite, de sa nouvelle choc. Il s’agit souvent d’histoires inventées de toutes pièces. 24 heures avant que la Guadeloupe ne passe en alerte rouge, on annonçait déjà une coupure d’eau prévue à 13 heures le jour J sur l’ensemble de l’île. On pouvait entendre :  » Ici c’est un communiqué officiel, ça vient d’Éric de la Générale des Eaux. Ils sont obligés de couper l’eau demain à 13 heures sur toute l’île. (…) Pour pouvoir remplir les réservoirs d’eau parce que sinon il va y avoir une pénurie qui sera beaucoup plus longue que prévu.  » Un avertissement qui n’a jamais été confirmé par la Générale des Eaux. En revanche, jouer sur la psychose générale a poussé les Guadeloupéens à se comporter de manière irrationnelle en se ruant dans les centres commerciaux. Sur des vidéos publiées sur Facebook on pouvait voir la foule se précipiter sur les packs d’eau, allant même jusqu’à se bousculer pour être certain de ne pas être laissé pour compte.

Puisque la mode est aux enregistrements vocaux mensongers, en voilà un autre qui a créé de vives émotions à l’approche d’Irma :  » C’est la ministre madame Girardin qui vient d’appeler le président du conseil régional pour lui dire que le phénomène a changé de trajectoire officiellement à partir de maintenant. La trajectoire est confirmée il passera pleinement sur la Guadeloupe. (…) c’est confirmé ça passera totalement sur la Guadeloupe et nous prendrons le phénomène de plein fouet.  » Cette fois, ces annonces n’ont pas engendré de mouvements de panique importants mais plutôt l’agacement de tout un chacun. Un internaute a lâché :  » Marc Zuckerberg peux-tu désactivé l’option « mettre un statut » sur Facebook dans la région Guadeloupe stp ? »

Le sensas’ fait recette

Si l’on pensait qu’après le passage de l’ouragan les fakes se calmeraient un peu, il n’en fut rien. Au contraire, puisque le sensationnel fait recette il y en a même qui sont allés jusqu’à poster des vidéos de désastres datant de plusieurs années, survenus ailleurs dans le monde. La plus importante arnaque de l’histoire d’Irma est celle visionnée plus de 28 millions de fois sur Facebook. En réalité cette vidéo, qui a obtenu près de 800 000 partages, date de 2016 et montre le passage d’une tornade en Uruguay. Le but de la manœuvre ? Faire le  » buzz « .

Le problème, c’est qu’en tentant de faire parler d’eux, ces mêmes personnes accentuent la panique et vont parfois jusqu’à la créer. Alors que cette petite  » notoriété  » ne dure pas plus de deux minutes. Et pendant ce temps, la peur, déjà présente, s’accroît.

Aujourd’hui encore, les fausses rumeurs aggravent les tensions à Saint-Martin. La dernière en date, depuis démentie par le Premier ministre Édouard Philippe, assurait que la prison de l’île avait été partiellement détruite et que 250 prisonniers s’étaient alors évadés. Imaginer les répercussions d’une telle annonce sur une population qui vit les pires heures de sa vie est aisé.

À se demander si les avantages des réseaux sociaux sont suffisants pour pallier leurs inconvénients ? Faut-il craindre ces moyens de communication qui permettent d’obtenir des captations instantanées, quand, utilisés à des fins narcissiques, ils développent la panique ?

 

La nuit, circulation restreinte  à Saint-Martin

 

La préfecture de Saint-Martin prolonge la restriction de circuler aux personnes et aux véhicules sur l’île jusqu’au jeudi 21 septembre à 7 heures. L’interdiction est entrée en vigueur mercredi 13 . Elle sera appliquée de 19 à 7 heures. La situation sera réévaluée le 21. L’absence d’électricité et la dégradation de nombreux équipements et infrastructures rendent dangereux les déplacements nocturnes eu égard à la sécurité des personnes. Les forces de l’ordre sont engagées sur des missions prioritaires de secours aux personnes et de sécurisation de l’île. Ils ne pourront être sur tous les fronts. L’arrêté ne s’applique pas aux personnes qui interviennent dans le cadre des missions de service public, y compris à titre bénévole ou dans le cadre de réquisitions ou d’assistances.

 

Des milliers de sinistrés fuient Saint-Martin

 

Saint-Martin est devenu un territoire que de nombreuses personnes cherchent aujourd’hui à fuir. Selon les informations recueillies auprès des différentes compagnies aériennes, six mille sinistrés auraient déjà quitté l’île. Il y aurait encore près de dix mille qui n’en peuvent plus d’attendre. Lucien, joint au téléphone est restaurateur. il a tout perdu. Ses enfants sont dans l’Hexagone. Il n’a qu’une hâte monter dans un avion qui le mènera à Paris.  » Je n’ai plus rien ici. J’ai eu trop peur. Je veux partir. » L’homme explique que de nombreux Hexagonaux sont dans la même situation et éprouvent le même désir : fuir Saint-Martin. « Il y a maintenant des milliers de personnes qui errent dans les rues. Les gens nous ont hébergés. Il y a déjà une semaine. Ils ne disent rien. Ils en ont marre aussi ». Le contraste est saisissant avec Saint-Barthélemy où les lignes aériennes commerciales étaient opérationnelles dès mercredi ainsi que l’usine de dessalement d’eau. Au point que Bruno Magras ait pu déclarer qu’il n’avait nullement besoin de la France.

Des bateaux de pêche à la rescousse

Marine, Bordelaise installée depuis trois ans à Saint-Martin a pu rallier mardi soir la Guadeloupe avec son fils de 10 ans. Elle décrit la situation actuelle : « C’est la désolation. La nuit c’est le couvre-feu. il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’essence. Les gens n’ont plus rien. j’ai des amis qui sont partis en laissant deux voitures. Ils ne reviendront pas les chercher ». Mercredi 13 septembre, le bonheur immédiat de nombreux sinistrés se limitait à la possibilité de partir. Ils s’inscrivent par plusieurs centaines à Hopestate Grand Case dans une tente installée par la Semsamar dans l’espoir de monter dans un avion. Mardi 12, à minuit une vingtaine de bateaux de pêche sont partis de Pointe-à-Pitre avec des vivres en direction de Saint-Martin. D’après nos informations ils ont surtout l’intention de rapatrier des sinistrés. De source bien informée cette opération a été organisée avec l’aide logistique de la CCI qui aurait fourni le carburant.

 

M-L. Penchard s’interroge

 

Marie-Luce Penchard elle non plus, n’est pas satisfaite de la gestion du cyclone Irma et de la crise qui s’en est suivie. Dans une tribune qu’elle a adressée à la presse, elle réfute entre autres l’idée selon laquelle la trajectoire d’Irma n’était pas prévisible. Même dénégation à propos du « caractère insulaire de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qui ne permettrait pas de réagir plus vite ». L’ancienne ministre considère que le positionnement de moyens militaires lourds, comme un aéronef de type A 400 en Guadeloupe ou en Martinique avant le passage d’Irma, aurait permis un déploiement de secours dès le lendemain. L’ancienne ministre fustige ceux qui « n’ont jamais mis les pieds en Outre-mer et qui considèrent que l’État a été à la hauteur sur tous les plans« . En gros nous n’avons rien à dire poursuit-elle et nous devrions être contents d’être Français. « Nous sommes fiers d’être Français », ajoute-t-elle. « Cela, ne nous interdit pas de nous interroger sur ce qui a été entrepris afin de gérer cette crise« , argumente-t-elle. De l’avis du maire de Basse-Terre, cette interrogation ne remet pas en question l’autorité de l’État. Marie-Luce Penchard salue la décision du président de la République de nommer une commission d’enquête. « Cela garantira aux citoyens français que nous sommes, de meilleures conditions d’intervention des services de l’État, dans l’organisation des secours, dans le cadre de la protection civile ». Selon Marie-Luce Penchard, « on peut comprendre la détresse voire la colère de ceux qui venaient de vivre un cauchemar et qui pouvaient avoir le sentiment d’un manque d’anticipation et de réactions des pouvoirs publics dans la gestion de cette crise« . La suite de la tribune est plus anecdotique. Marie-Luce Penchard dénonce en creux ceux qui préfèrent « briller par des selfies« . Sans les nommer. Elle promet de se consacrer à la mobilisation de fonds de solidarité que l’Europe pourrait dispenser à Saint-Martin. Marie-Luce Penchard se rend d’ailleurs à Bruxelles cette semaine.

 

La totale

 

Les professionnels du bâtiment ont été entendus par Ary Chalus qui s’est rendu à Saint-Martin avec une délégation composée, des techniciens de la Région, d’experts du bâtiment et du logement. Étaient du voyage Jacques Sainsily, directeur du CAUE, Didier Bergen, président de l’ordre des architectes de Guadeloupe, Chazy Cirany, Jeanne Salomé, Françoise Troplent, tous architectes, Laurent Bride, ingénieur BET et Laurent Pinsel, directeur général de la SIG. L’objectif est de réaliser un premier diagnostic quant au bâti. D’autre part, outre les 20 agents de Routes de Guadeloupe, 17 agents de l’association Verte Vallée, des employés d’une société de tirage de bateaux ont accompagné la délégation. Ce personnel se consacre aux interventions immédiates de déblaiement/réparation des infrastructures routières, de nettoyage des sites d’élagage, et de déplacement des embarcations échouées. Ce déplacement a été décidé avec le président de la collectivité de Saint-Martin, Daniel Gibbs. Il intervient dans le cadre des engagements pris par la Région afin de venir en aide aux sinistrés. La Région Guadeloupe s’est engagée à intervenir auprès de la collectivité sinistrée, à trois niveaux : l’aide de première urgence qui comprend la coordination avec les communes et associations afin de leur transmettre la liste des besoins, la centralisation de la collecte des dons par les communes, l’affrètement de barges les 11, 13 et 15 septembre pour acheminer de l’aide. La Région entend également intervenir au plus près des populations.

 

Chronique d’un cyclone annoncé

 

Mardi 5 septembre. 13 heures. La Guadeloupe est en alerte rouge. Le préfet demande à chacun de regagner son domicile. L’Irma doit toucher la Guadeloupe cette nuit. La population range tout ce qu’elle peut. Les gens fortifient les portes de leurs maisons. La veille on s’est bousculé dans les grandes surfaces, en quête de bouteilles d’eau. Au final, Irma ne visitera pas la Guadeloupe.

Mercredi 6. L’ouragan se déchaîne sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Des vents de 250 km/h arrachent tout sur leur passage. La préfecture, la caserne des pompiers, l’hôpital, sont gravement endommagés. Mercredi matin à l’aube nous joignons Guy Deldevert entrepreneur connu à Saint-Martin. D’une voix blanche, il dit que Saint-Martin est un territoire bombardé.

Jeudi 7. Annick Girardin, ministre des Oure-mer arrive en Guadeloupe. Elle survole Saint-Martin avant d’y atterrir. Elle rencontre Daniel Gibbs président de la collectivité de Saint-Martin. La préfecture établit un premier bilan qui fait état de cinq morts. Six jours plus tard, il a évolué : onze morts. Les nouvelles fausses envahissent les réseaux sociaux. Les prisonniers de la partie hollandaise seraient dans la nature. Une armurerie aurait été dévalisée, des bandes armées sillonneraient les rues. La préfecture dément. La situation échappe quelque peu aux autorités.

Vendredi 8. Les scènes de pillage signalées sur les réseaux sociaux sont effectives. Des résidents avouent à la télé qu’ils ont récupéré de l’eau et des vivres dans un magasin éventré. Geste de survie pour certains, triomphe du non-droit pour d’autres. La polémique à propos des carences de l’État commence à enfler. L’insécurité est pointée du doigt. L’arrivée du bateau Archipel 1 à Saint-François en provenance de Saint-Martin avec à son bord environ quatre-vingts touristes américains alimente la polémique à propos de ceux qui sont évacués et ceux qui ne le sont pas. Dans un reportage de Guadeloupe 1ère, le capitaine du bateau affirme qu’il a agi sur réquisition de la préfecture. Le préfet précise le lendemain dans un communiqué que le navire avait été réquisitionné pour amener du matériel, du personnel médical des pompiers et des médecins, pas pour rapatrier des touristes.

Samedi 9Le Courrier de Guadeloupe obtient par téléphone la version du capitaine de Archipel 1. Ce dernier explique qu’à son arrivée à Saint-Martin, les gendarmes lui ont donné une liste de gens à rapatrier. Sa réquisition précisait qu’il devait obéir aux instructions des autorités sur place. Qui dit vrai ?

Dimanche 10. Les critiques à propos des éventuelles carences de l’État sont de plus en plus nombreuses. Les politiques s’en mêlent. Les enseignants guadeloupéens se plaignent de n’être pas rapatriés. Les Français de l’Hexagone veulent rentrer là-bas. À qui la priorité ?

Lundi 11. 1 800 agents des forces de l’ordre sont arrivés à Saint-Martin en fin de journée. Des gendarmes mobiles, des membres du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), du Groupe d’intervention de police nationale (GIPN). Un bilan actualisé des victimes est établi : dix morts, plus de deux cents blessés. Retour timide de l’électricité à Marigot, Concordia et Grand Case et surtout à l’hôpital où un patient a pu être opéré.

Mardi 12. L’arrivée d’Emmanuel Macron focalise toute l’attention. Après avoir atterri en Guadeloupe, le président de la République se rend à Saint-Martin puis à Saint-Barthélemy. Emmanuel Macron veut aller vite, mobiliser les moyens de l’État.

Mercredi 13. À Saint-Barthélemy, le président de la République annonce qu’un mécanisme d’aide financière d’urgence serait mis en place d’ici lundi prochain pour les sinistrés qui ont tout perdu, et les salariés au chômage technique.

 

Le LKP au secours des travailleurs Saint-Martinois

 

Lundi 11 septembre, deux cents militants de l’UGTG occupent le palais de la mutualité à Pointe-à-Pitre. Il est 19 heures. À l’ordre du jour Irma et Saint-Martin. Les militants dénoncent  l »incompétence », « le  mépris » de « l’État français ».  « Les médias contredisent systématiquement les informations données par la population ». Un des intervenants propose une campagne de communication. il veut publier un tract. « Pas suffisant », rétorque une dame, « il faut aller sur les réseaux sociaux. Les jeunes ne lisent pas les tracts« . Elie Domota oriente le débat autrement : comment venir en aide aux travailleurs qui sont au chômage forcé. Le leader du LKP propose de rencontrer l’inspecteur du travail. Il veut évoquer avec lui la question du chômage technique. Elie Domota souhaite organiser la collecte de dons. Lieu du stockage : le palais de la mutualité. « La solidarité nous savons faire », s’enorgueillit-il.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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