Henri Yacou, 1er adjoint au maire de Sainte-Rose. Photo : CANBT

La crise de l’eau n’est plus une menace : c’est la réalité quotidienne des Guadeloupéens face à un service public en pleine défaillance. Alors que les impayés des abonnés atteignent 104 millions d’euros selon les propos du président de Région Ary Chalus cité par France-Antilles, le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (Smgeag) est au bord de la rupture.

Vendredi 14 novembre, la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP) a acté des propositions d’urgence : redéploiement de plus de 100 agents du Smgeag vers les communautés d’agglomération, financements de la Région (20 millions), du Département (6 millions) et de l’Europe (60 millions), et nouveau plan contre les fuites qui affectent le réseau.

Mais l’urgence, justement, ne suffit plus. Cette crise puise ses racines dans l’absence de rénovation des canalisations. Une voix s’était déjà élevée, il y a plusieurs mois, pour dénoncer l’impasse de la stratégie curative. Celle d’Henri Yacou, alors membre du bureau du Smgeag, qui a claqué la porte le 8 septembre dernier en dénonçant une gouvernance qui ne respecte pas les statuts et un système à bout de souffle. Un appel dont la CTAP n’a pas tenu compte.

Pourquoi persiste-t-on dans une logique de réparation, quand il faudrait reconstruire ? Dans cette « Interview du Courrier », Henri Yacou répond aux questions qui dérangent, qui éclairent, qui vont au-delà des discours officiels, et explique pourquoi « courir après les réparations de fuites risque d’être un marathon sans fin ».

Le Courrier de Guadeloupe : En quoi l’absence de bureau syndical effectif que vous dénonciez dans votre lettre de démission du 8 septembre dernier est-elle le cœur des dysfonctionnements du Smgeag ?

Henri Yacou : L’absence de réunions du bureau du comité est un problème majeur. Cette instance, qui rassemble ses 6 membres autour du président, représente le conseil régional, le conseil départemental et les 5 communautés d’agglomération. L’idée d’une structure unique représentant les collectivités majeures et les territoires est donc bien présente dans nos statuts.

L’article 12 stipule que le bureau doit préparer les délibérations du comité syndical et les mettre en œuvre. Or, à la date du 18 novembre où je vous réponds, le bureau ne s’est jamais réuni, bien qu’il y ait eu, toutefois, environ 8 à 9 réunions du comité syndical.

C’est donc au comité syndical que les décisions collectives sont prises. Le contrôle de l’exécutif présidentiel reste donc toujours possible à ce niveau.

La tenue du comité syndical est-elle la condition sine qua non pour engager toute réforme ?

La tenue du comité syndical, la pertinence des questions mises à l’ordre du jour et la qualité des dossiers supports sont indispensables à une bonne gouvernance. Nous devons respecter nos compétences, telles que définies par l’article 6 de nos statuts – complété par l’article 9 – qui stipule de façon générique que le syndicat détient l’ensemble des prérogatives attachées aux missions dévolues aux services publics de l’eau et de l’assainissement, telles qu’elles sont déterminées par la loi. C’est, de surcroît, l’article le plus long des statuts. Les articles 13 et 14 apportent également des éléments permettant une pleine mesure du rôle du comité de surveillance.

Vous parlez d’un « homme seul » concernant le président. Pouvez-vous donner des exemples de décisions prises unilatéralement par le président Louisy qui auraient dû être collégiales ?

Le président, selon la loi, les statuts et les principes de gouvernance démocratique, ne peut être « un homme seul ». Dans nos statuts, le président est l’organe exécutif (art. 9). Il prépare et exécute les délibérations du comité syndical et du bureau. Il est le seul chargé de l’administration générale du syndicat (alinéa 4 de l’art. 9) et en est le chef des services.

Sauf que, parmi les attributions du comité syndical, il y a une obligation pour le président de rendre compte des travaux du bureau et des attributions exercées par délégation du comité. Depuis l’élection du nouveau président (Ferdy Louisy, successeur de Jean-Louis Francisque NDLR) fin octobre 2024, il n’y a eu ni installation du bureau ni réunion. C’est pour cette raison essentielle, à mes yeux, que j’ai présenté ma démission à cette instance.

Dans les faits, les commissions finances, études et travaux ou communication ne se sont pas réunies depuis au moins 12 mois.

Vous évoquez une « caisse de résonance ». Le conseil syndical était-il contraint d’entériner des décisions sans débat ? Les documents étaient-ils fournis en amont ?

Le comité syndical n’a pas pu, dès le départ, faire son apprentissage de la gouvernance. Sans directeur général – avec le contentieux de Monsieur Brachet –, sans directeur des ressources humaines et sans directeur des finances, comment vouliez-vous que cela démarre bien

Vous évoquez un mauvais départ…

Par ailleurs, dès le 22 mars 2023, l’État, dans sa « grande mansuétude », a voulu nous accompagner par un contrat avec le ministre Carenco (Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer NDLR) à la manœuvre. Des assistants techniques sont nommés et mis à notre disposition par choix de l’État – sans nous consulter – et, mieux, ils sont tous sous la responsabilité du préfet.

Je l’avais d’ailleurs exprimé dès mon arrivée au comité syndical, où je remplaçais Monsieur Bajazet en raison de son inéligibilité : sans « top management », sans autorité sur les nombreux assistants de l’État, et avec un contrat qui nous imposait des stratégies sans même une concertation avec le bureau ou le comité syndical – lequel n’avait pourtant donné aucun mandat au président de l’époque –, il fallait être courageux et avoir un extraordinaire sens du service de l’intérêt général pour accepter la fonction de président. J’ai d’ailleurs eu à rendre hommage au président Francisque lors de sa conférence de presse pour sa démission.

Quel a été l’impact de ce mode de fonctionnement sur la gouvernance du syndicat ?

La convention signée, 18 mois après le lancement, avec le ministre Carenco sans concertation avec le comité syndical, a été le premier acte handicapant le Smgeag lors de ses premiers pas pour prendre son envol. Ce modèle a été confirmé avec l’arrivée du ministre Valls (Manuel Valls, ministre d’État, ministre des Outre-mer de décembre 2024 à octobre 2025 NDLR). Enfin, l’émergence d’une gouvernance à quatre, certes opportune car nécessaire, est venue supplanter le comité syndical dans ses attributions fixées par la loi et nos statuts. Tout cela a contribué à une « dévitalisation statutaire ».

Comment cela se traduisait-il lors des délibérations ?

Nous avons été quelques élus à dénoncer au sein du syndicat cette dérive. J’étais le plus engagé dans cette dénonciation, avec notamment Monsieur Méridan, élu de Cap excellence. C’était devenu si déstabilisant que je me suis permis de comprendre les absences des présidents Chalus et Losbar à nos réunions, car ils étaient en même temps par ailleurs très engagés par leurs initiatives fortes financières en gouvernance à quatre pour accompagner le syndicat. Leur présence en bureau ou comité syndical devenait superfétatoire. C’est à ce moment que j’ai proposé une modification des statuts pour donner toute sa place à cette G4, mais sans suite. Donc, notre comité syndical a très souvent entériné des choix faits en dehors de la collégialité des instances.

Il n’y avait donc pas de débat démocratique et éclairé au sein des instances ?

Il faut reconnaître la technicité des questions d’eau et d’assainissement. Délibérer sur un plan d’investissement a souvent été un sujet très technique. Nous sommes quelques élus à avoir souvent dénoncé le fait de nous retrouver un peu sous l’emprise des experts et autres techniciens du Smgeag… Entre les urgences, les fuites, les pannes et les pressions des uns et des autres, avoir de la visibilité sans vision de départ relève de la magie. Un peu comme lorsqu’on joue à grenn an ba la kal ou ou vwèy ou pa vwèy.

Nous votons, votons certes toujours avec des documents supports, mais sans une vraie visibilité politique au sens de l’égalité du service public. L’ancien président avait même demandé, pour répondre aux remarques des élus – notamment de la Côte-sous-le-Vent –, de présenter toutes les actions par régions de façon à vérifier que nos engagements étaient au service de l’ensemble des usagers.

Vous demandiez une « information sur la situation financière ». Quels étaient les principaux sujets d’inquiétude (endettement, opacité des dépenses, etc.) ?

Sur la situation financière, les inquiétudes ne sont pas d’aujourd’hui. Tous savaient que les premiers pas du Smgeag allaient s’inscrire dans un défi financier majeur, ne serait-ce que parce qu’il avait été annoncé que la remise en ordre aurait dépassé le milliard… Le nouveau préfet (Thierry Devimeux nommé le 30 juillet NDLR) qui vient d’arriver a parlé de 2 milliards… !

Mais c’est surtout le problème de la fameuse mais mauvaise affectation comptable des 47 millions qui a plombé l’image de la structure en confortant la perte de confiance de tous. Le sujet Smgeag est depuis devenu le « marronnier » de la presse et des médias et un sujet d’affaiblissement de la cohésion sociale.

La situation est inextricable…

Ce qui doit nous inquiéter, c’est que dans ce domaine, les problèmes se règlent en dehors de nos instances et notamment de notre commission financière qui ne se réunit pas. Il est donc difficile pour un élu – sauf le président bien sûr, et heureusement – d’avoir des informations financières et comptables fiables avec éventuellement un suivi dans un tableau de bord. Ces éléments doivent certainement exister en lien avec les services de la DGFIP, mais je n’en ai pas la connaissance.

Par exemple, à Sainte-Rose, le maire et moi avons, au jour le jour, notre situation financière et nos délais de paiement des factures, par exemple. Rien d’extraordinaire, dès lors que nous sommes, comme les autres collectivités, en lien informationnel avec le comptable public.

Il est vrai qu’à l’époque du remplacement du président Francisque démissionnaire, le cabinet nous avait expliqué que « Paris » pensait qu’un élu ayant le profil d’expert-comptable était nécessaire. Dont acte ! Ma remarque a été de dire qu’on pourrait également avoir à la présidence un profil d’ingénieur – je pensais au maire de Bouillante, président de Grand Sud Caraïbe.

Le Smgeag dispose-t-il d’un plan de renouvellement des canalisations ? Pourquoi n’est-il pas mis en œuvre ?

Sur la question de l’existence d’un plan de renouvellement des canalisations et des travaux à engager et engagés, je fais confiance aux compétences internes avec des cadres qui connaissent le métier. En revanche, je regrette qu’une vision à 60 ans n’ait pas prévalu. Tout le monde a démarré sur les urgences, sous la pression de l’État et de l’opinion publique.

Mon expérience de la gestion de service public aux résultats dégradés ou non conformes – la CGSS de Guyane de 2002 à 2005 – m’a enseigné qu’il faut un plan méthodique avec des actions qui doivent à la fois arrêter l’hémorragie en « soldant le passé, tout en assurant le présent et en préparant l’avenir ». Cette formule d’un de mes collaborateurs dans mon circuit professionnel – Gilles Dechavanne – demeure mon guide.

C’est d’ailleurs cette philosophie que nous avons appliquée avec le maire de Sainte-Rose, dès mes premiers jours à la commission administration générale, ressources humaines et finances de la ville. Nous avons « soldé » une bonne partie de la situation financière calamiteuse du passé, tout en nous serrant la ceinture pour assurer le présent, car nous dessinions simultanément notre vision de « Sainte-Rose Avenir ».

Cette vision à long terme a-t-elle trouvé un écho ?

En fait, nous avons dès les premiers jours, maladroitement, loupé la possibilité de faire venir au service de notre structure monsieur Calixte Osiris, un ingénieur guadeloupéen, génie civil de haut niveau. Malgré son dossier volumineux et documenté adressé au Smgeag, ses propositions n’ont, semble-t-il, même pas fait l’objet d’un accusé de réception. Mais j’ai souhaité insister près du nouveau président pour inviter cet ingénieur. Le principe d’un séminaire avait été retenu depuis novembre 2024… À la date d’aujourd’hui, toujours rien.

C’est dommage, car si je devais résumer le projet de Monsieur Osiris, je dirais qu’il voulait qu’on investisse pour les 60 ans à venir en construisant par étapes des nouveaux circuits. Son analyse est que courir après les urgentes réparations de fuites risque d’être un marathon, car la force et la puissance de l’eau dans nos vieilles canalisations font que nous passerons notre temps à réparer les fuites et à organiser des tours d’eau.

Votre démission était-elle l’ultime conséquence de l’absence de réponse à votre courrier et du blocage institutionnel ?

Je suis, avec d’autres élus au bureau et au comité syndical, témoin d’une « mal gouvernance » qui a souvent entraîné de nombreuses questions et interpellations. Des exemples : les différents prix selon qu’on soit en Nord Grande-Terre ou à Pointe-Noire… le positionnement des maires lors des réclamations faites en mairie… ou le niveau des plus hauts salaires.

Avez-vous estimé que travailler de l’intérieur était devenu impossible ?

Travailler à l’intérieur est juridiquement l’essence même de la création du syndicat. Sauf que nous observons qu’il y a, en plus du Smgeag, la G4, le préfet de l’eau et de l’assainissement et très récemment la CTAP… et peut-être même un comité de suivi local et un comité de suivi national. C’est à se demander si notre structure n’est pas un nouvel OVNI : Objet Vide Non Identifiable ou Non Identifié.

Et pourtant tout le monde répète ici et là ne pas être compétent. Pour bien rappeler à tous qu’en fait la seule responsabilité est sur le dos, bien large mais bien faible ou frêle, du Smgeag. Il faut reconnaître que le président a déjà signalé qu’il ne reconnaissait pas l’instance G4, mais dans les faits les manettes sont tenues à plusieurs mains qui sont à la fois au-dedans et au-dehors…

Face à cette situation, quel rôle spécifique tentiez-vous de jouer au sein des instances ?

Mon rôle au comité syndical était tout simplement de rappeler quelques principes ou les textes de nos statuts et règlement intérieur, en guise de « prévention » ou de meilleure maîtrise de quelques risques juridiques quand c’était nécessaire. Mais dans la forme et le fond, le président a fait des choix sur un mode de gouvernance qui prend certainement en compte les urgences techniques, y compris financières et comptables. C’est son choix… et je le respecte.

Votre départ a-t-il été perçu comme un signal d’alarme ?

La démission du bureau n’a fait l’objet d’aucune attention, sauf lors d’échanges ici et là en dehors du syndicat. Pas de bureau installé, pas de réunions du bureau, ne semblent pas être un sujet. J’étais un représentant de la CANBT qui a été remplacé par le président de cette CANBT, le président Losbar en personne.

Ces problèmes de gouvernance ont-ils obstrué la gestion du personnel et du dialogue social ?

Il y a également un dialogue social qui bégaie, car combien de fois nous avons eu à connaître de demandes des instances représentatives du personnel de respecter le code du travail pour éviter des actions en « délit d’entrave ».

À ce titre, comment comprendre que certaines couvertures santé sociale par la mutuelle ne soient pas totalement garanties… Comment comprendre que certaines cotisations à la CNRACL – retraite des territoriaux – ne soient pas en conformité réglementaire. C’est un prérequis si on veut mettre en place un plan de départ anticipé pour diminuer la masse salariale !

Quid également du dialogue social quand certains dossiers, avant délibérations au sein du comité syndical, demandent un avis en préconsultation des instances. Des exemples : la suppression des voitures de fonction, éléments constitutifs des contrats de travail ; la demande du CSE d’une analyse financière approfondie sur l’état du syndicat par un cabinet (Syndex) et d’une remise de documents apparemment erronés et reconnus par tous ; la question de la répartition des cotisations (employeur/salariés) relative au choix d’une mutuelle dans le cadre d’un appel d’offres.

L’idée de voir notre syndicat se voir attaqué au tribunal pour « délit d’entrave » voire d’un droit d’alerte économique au sens de l’article L2312-63 du Code du travail, nous pend au nez.

Quelles sont les trois mesures prioritaires que le Smgeag devrait prendre dans les trois mois pour regagner la confiance ?

La confiance doit se construire et c’est en cela que l’innovation juridique d’avoir donné un statut à la commission de surveillance n’est pas, ou est mal, utilisée. Avec plus de 25 membres, cette commission pourrait, par ses avis sur l’ensemble des choix et autres actions du syndicat, devenir un véritable petit parlement du service public des usagers et abonnés.

Au-delà des instances, quels outils manquent-ils pour améliorer la relation avec les usagers ?

Nous n’avons pas su mettre en place le dispositif (article II alinéa 2) des compétences du syndicat avec la création d’un service d’information, de recueil et de traitement des demandes usagers. Aujourd’hui, il nous manque une vraie plateforme d’appels téléphoniques pour construire une véritable gestion automatisée de la relation client, de façon à tracer toutes les demandes usagers et surtout les réponses données.

Il est significatif de noter que, malgré mes demandes soutenues par d’autres élus de mettre systématiquement à nos ordres du jour des items sur la qualité du service rendu aux usagers, ce n’est toujours pas un rituel, une véritable obligation du service public.

Vous pensez que la communication et la transparence auprès du public sont à améliorer ?

La confiance ne sera là que si, certes, le service en qualité, quantité et continuité est au rendez-vous 24h/24, comme l’électricité avec EDF. Il n’empêche que si personne ne cherche à savoir comment se fabrique l’électricité, il devient impérieux qu’une émission télévisée vienne chaque mois expliquer dans le détail le processus de distribution d’eau et du fonctionnement des stations d’épuration. Des capsules vidéo pédagogiques diffusées sur les réseaux sociaux compléteraient utilement cette démarche.

Enfin, la création d’une mission de médiation placée auprès de la commission de surveillance serait une garantie de transparence et de veille sur la qualité du service public.

La création d’une régie personnalisée est-elle la solution ?

La régie est apparue dernièrement comme LA solution pour régler comme par magie tous nos problèmes. La délibération prise le 26 septembre dernier est importante. Elle a été annoncée pour une mise en place en janvier 2026.

Ce calendrier vous semble-t-il réaliste ?

Après six mois d’une préfiguration trop courte, j’ai attiré l’attention sur tous les travaux à mener d’ici à janvier 2026, en indiquant que démarrer en janvier me semblait un calendrier certes ambitieux mais difficile à tenir en moins de trois mois. Le vote a été acquis avec 2 abstentions (Léon / Yacou), mais dans le procès-verbal de notre réunion et la délibération, janvier 2026 a disparu.

Ce n’est donc rien d’extraordinaire comme décision, sinon de reprendre avec quelques éléments supplémentaires le principe de création qui est présent dans les statuts (article 7 alinéa 2) depuis septembre 2021.

Faudra-t-il tailler dans le personnel pléthorique ?

Pour le personnel pléthorique, c’est un sujet connu dès la préfiguration. Mais nous devions respecter les textes et la réglementation qui demandaient de sauvegarder les droits et contrats/situations administratives des agents (privé/public).

Un plan de départ d’une centaine de personnes avait, dès la préfiguration – c’était ma mission de consultant bénévole auprès du préfet honoraire Richard Samuel –, été calculé avec, en face, le coût, le mode de financement et les financeurs du plan.

C’est surprenant de voir que ceux qui n’ont pas su, pu ou voulu mettre en place ce plan sont les mêmes qui nous disent cinq ans après que cela devient indispensable. À ne rien comprendre, sauf à chercher en investiguant…

La CTAP évoque le retour des agents dans leurs collectivités d’origine…

Pour ce qui est du retour des agents territoriaux dans les communautés d’agglomération et les communes, il y a déjà un gros bémol avancé par le président du Grand Sud Caraïbes, qui annonce la non-participation de l’EPCI qu’il préside… De là à être suivi par les six autres communes et villes de ce Sud Basse-Terre… ! ?

Quelle stratégie préconisez-vous pour financer la rénovation des canalisations ?

Nous avons, pour beaucoup d’entre nous, eu à connaître de la réception au syndicat de la proposition d’un ingénieur génie civil guadeloupéen de haut niveau. Après plusieurs échanges téléphoniques avec cet ingénieur – monsieur Calixte Osiris – et après lecture de sa proposition (transfert de compétences / fusion de cinq organismes publics de gestion de l’eau et assainissement / 98 pages) sur un projet global avec ajout d’un partenariat financier de 2 milliards (avec une maturité à 5 ans et sur 60 ans), le principe d’un séminaire avait été retenu par la voix du président Louisy.

J’attends toujours ce séminaire, au point d’avoir une honte confuse à ne pas pouvoir recevoir un Guadeloupéen dans son pays pour l’écouter, alors qu’en même temps nous défendons la compétence et le retour, tout en acceptant que l’État nous mette à disposition des assistants techniques venant pour presque la totalité du « froid ».

Comment prioriser les secteurs à rénover, les pertes les plus importantes ou la population la plus fragile ?

Je ne suis pas en capacité de proposer les secteurs qui devraient être priorisés, n’étant pas suffisamment connaisseur de l’architecture du réseau de l’eau et de toutes ses canalisations. Nous sommes quelques-uns à penser souvent que nou ka chayé dlo an pannyé.

Il faut toutefois savoir que l’ancien président avait demandé que nos votes, lors de délibérations pour acter des travaux à réaliser, soient classés par secteur. Cette méthode visait à nous assurer que nos décisions respectaient une certaine équité territoriale, tout en prenant en compte les urgences.

Au-delà du président Louisy, d’autres acteurs (État, collectivités) portent une part de responsabilité dans la faillite de la gestion de l’eau…

L’état du syndicat aujourd’hui est un verre au 1/3 rempli. Il aurait pu faire bien mieux si nous avions reçu les moyens nécessaires à l’édification d’un grand service public industriel et commercial et si nos ressources humaines « top direction » avaient été une priorité pour recruter ce qu’au niveau préfiguration nous avions défini comme des « managers à haut potentiel » pour une mission de 4 ans.

Si vous aviez eu l’équipe de direction initialement prévue, quelle serait la situation selon vous ?

Avec le recul, je pense que Richard Samuel à la direction générale, Gil Thémine aux finances, Jean-Pierre Bastaraud à la direction technique, Daniel Mariane à la qualité, relations clientèle et contrôle interne, et votre serviteur aux ressources humaines, nous serions très certainement avec un verre bien mieux rempli. Nous aurions, après 2 ou 3 ans, passé le relais pour laisser la place à d’autres dirigeants pour qu’ils aillent au bout de la constitution d’un service public que j’avais annoncé à certains personnels comme la probable plus grande fierté de leurs parcours professionnels.

Le récent CTAP et la volonté des présidents Chalus et Losbar, affichée avec des engagements et un véritable appel à l’unité pour nous mettre en mode « soldat » de ce service public du Smgeag, me plaît bien. Pour passer en mode « guerre », il faut certes des généraux, des officiers, etc., et des soldats qui ont compris que nous tirons tous dans la même direction contre un ennemi malheureusement invisible.

Mon expérience des grandes causes, des grandes politiques publiques et de la gestion de grands services publics m’a enseigné que dèpi ou brilé bwa, fo ou fè chabon. Et nous en avons plus que jamais besoin… !

Quel est votre message principal pour les Guadeloupéens et pour les élus qui souhaitent vraiment « rétablir un service normal et digne » de l’eau ?

Si j’avais un message à faire passer à notre communauté, c’est celui que j’ai découvert dans le registre des réunions du conseil d’administration de la CGSS de janvier 1949.

Voici le message que je souhaite adresser à la Guadeloupe par la voix d’un illustre et immense président, Amédée Fengarol. Le 26 janvier 1949, il disait aux administrateurs de la CGSS lors d’un conseil d’administration : « … nous aurons une charge extrêmement lourde à supporter ; nos épaules sont peut-être faibles pour une telle tâche, mais je suis persuadé que tous, en y mettant le maximum de bonne volonté, nous arriverons au bout de ces difficultés… ».

Ce message me guide depuis toujours. Il m’a enseigné que pour gérer, entre autres, un service public, il faut de l’engagement et de l’humilité.

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