Jeudi 5 décembre, la Fédération énergie CGTG et la direction d’EDF PEI signent un protocole de fin de conflit. Photo : X Jimmy THELEMAQUE

Hier, jeudi 5 décembre, la Fédération énergie CGTG (FE-CGTG) et la direction d’EDF Production électrique insulaire (EDF PEI) ont signé un protocole de fin de conflit (photo ci-dessus) après 80 jours d’une grève entamée le 16 septembre et qui a plongé la Guadeloupe dans une crise énergétique décriée. Bien que l’accord marque la fin d’une période spectaculaire, de nombreuses questions subsistent, notamment sur les responsabilités et la sécurité de l’approvisionnement des foyers et entreprises.

La grève portait notamment sur les congés payés des salariés d’EDF PEI, dernier point d’achoppement entre direction et syndicat. Le syndicat conteste l’attribution de 189 heures de congés, qu’il juge non conformes au Code du travail. À noter que le débat est peu compréhensible dans l’opinion où ce sont 5 semaines, donc l’équivalent de 175 heures, qui sont prévues pour un salarié qui travaille 35 heures hebdomadaires. EDF, de son côté, maintient que cette disposition respecte la convention collective nationale, validée par la Cour de cassation.

Dans l’accord ce 5 décembre, la FE-CGTG n’a pas obtenu satisfaction sur ce point. Dans un communiqué la FE-CGTG n’en démord pas et « conteste ce décompte s’effectuant dans des modalités étrangères à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière et globalement plus défavorable que le Code du travail ». Nathanaël Vérin, délégué syndical de la FE-CGTG a annoncé par ailleurs poursuivre le mouvement par la voie judiciaire. « La FE-CGTG indique le déclenchement, sous le mois, de procédures judiciaires à l’encontre d’EDF PEI pour l’obtention de bulletins de paye conformes au Code du travail et la production des justificatifs du versement de l’intégralité des rappels de salaires dus et les indemnisations des nombreux préjudices à faire valoir suite au non-respect de la réglementation du travail ».

Des dégâts importants

Le conflit social a eu des répercussions bien au-delà de l’entreprise. Les délestages électriques se sont répétés au fil des jours, où pendant 4 heures, 6 heures, 8 heures des dizaines de milliers de foyers et d’entreprises se sont retrouvés sans approvisionnement. La crise a culminé en un black-out total les 25, 26 et 27 octobre, qui a privé l’ensemble de l’archipel d’électricité pendant 39 heures.

Ce black-out a été un catalyseur de chaos. Des pillages ont touché 13 commerces à Pointe-à-Pitre, parmi lesquels des bijouteries, magasins de téléphonie, supermarchés alimentaires. Un incendie a ravagé le bâtiment administratif du collège Gourdeliane à Baie-Mahault, ce qui a entraîné sa fermeture pendant plusieurs jours.

L’administration préfectorale qui jusque-là avait tardé à réagir, a annoncé le 25 octobre prendre « des mesures immédiates notamment de réquisition » pour permettre la remise en fonction progressive du réseau sur le territoire.

Dans un contexte de forte délinquance en Guadeloupe, comme l’a rappelé la procureure de la République de Pointe-à-Pitre Caroline Calbo, un pilleur de 26 ans a été condamné à 18 mois de prison, dont 6 mois avec sursis, avec placement sous bracelet électronique, faute de places en prison. « La maison d’arrêt de Basse-Terre est à 245 % de surpopulation carcérale » avait justifié la procureure auprès de l’AFP.

Une crise sociétale, judiciaire et politique

EDF a porté plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « dégradations ». Le Syndicat mixte d’électricité de la Guadeloupe (SyMEG) envisageait également des poursuites contre EDF PEI, son concessionnaire, pour manquements dans la gestion de la crise.

La FE-CGTG et trois salariés de la Centrale de la Pointe Jarry (Baie-Mahault) avaient été assignés en référé, par EDF PEI. Parmi eux, figurait Nathanaël Vérin, délégué syndical FE-CGTG sur le site de production d’électricité. Tous étaient convoqués devant la Chambre civile du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, à la suite du black-out, une atteinte que le syndicat avait lui-même expliqué comme étant un « coup de colère » de salariés grévistes, qui s’étaient introduit dans la salle de commande de la Centrale et déclenché « un arrêt illégal » des moteurs de la centrale qui fournit 50 % de l’électricité de l’archipel.

Si le juge des référés a le 31 octobre débouté EDF de ses demandes contre la FE-CGTG, ne reconnaissant pas de caractère illicite aux faits dénoncés, il a interdit aux trois salariés visés l’accès pour une durée de trois mois à certaines zones sensibles de la centrale sous peine d’une amende journalière de 500 euros.

Dans l’opinion publique, la colère a très majoritairement grondé. Dans les conversations en privé, sur les médias et les réseaux sociaux, beaucoup n’ont pas mâché leurs mots. « Aucun scrupule, cette bande de rigolos… Licenciement sec… point barre !!! » a-t-on pu entendre. Ou encore « Alors là non j’hallucine ! ‘La grève ne causait aucun trouble illicite ??? C’est une blague ou un poisson d’avril en plein mois de novembre ? ! ? ! ». Ou encore : « Et trouble mettant les plus fragiles en danger parfois de mort ? Il faudrait que des associations de défense de consommateurs portent plainte pour ce motif, mise en danger de la santé d’autrui. […] Avec un tel verdict, ils vont remettre ça sans état d’âme (ils, les gentils salariés impliqués). Pffff ».

Face aux critiques, la FE-CGTG rejette toute responsabilité en dehors de ses rangs. Dans un communiqué ce 5 décembre, le syndicat accuse EDF de ne pas respecter la réglementation du travail. Le syndicat déclare : « le non-respect de dispositions du Code du travail, du statut applicable et d’engagements signés rend EDF PEI unique responsable de cette grève dont les conséquences étaient prévisibles et non irrésistibles »

De son côté, EDF se réjouit « de cette sortie de conflit amorçant ainsi une reprise normale du fonctionnement de la centrale et de sa mission d’approvisionnement électrique, au bénéfice de la population guadeloupéenne. » L’énergéticien met en avant ses « standards internationaux élevés en termes de conditions de travail » et son « dispositif de partage de la valeur avantageux pour ses employés ». L’entreprise indique que « la priorité pour EDF PEI est la continuité d’un dialogue social serein au sein de la centrale de Pointe Jarry, afin que l’ensemble des salariés unissent leurs forces et travaillent à nouveau avec respect, solidarité et responsabilité. »

Ce conflit a débordé le simple cadre d’une affaire de droits sociaux. La gestion tardive de la crise et ses conséquences sur les infrastructures et la population a révélé les vulnérabilités du territoire face à l’interruption d’un service stratégique.

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