C’était il y a un peu plus de deux ans. La Région officialisait la création de la société publique locale (SPL) Cœur d’énergie lors de la plénière du conseil régional du 11 mars 2022. Initialement portée par la Région et la ville de Baie-Mahault, cette structure a depuis élargi son cercle d’actionnaires avec l’adhésion des communes de Lamentin, Vieux-Habitants, Petit-Canal, Terre-de-Haut, et Capesterre-Belle-Eau.
Deux ans après sa création, le rapport d’activité de Cœur d’énergie a été présenté lors de la plénière du conseil régional du 15 novembre dernier, suscitant de nombreuses interrogations et critiques, notamment de la part de l’opposition Péyi Guadeloupe, emmenée par Victorin Lurel, Bernard Guillaume et Loïc Martol. Ces derniers avaient dès l’origine, exprimé leur scepticisme quant à l’opportunité de créer une telle structure.
Victorin Lurel rappelait par exemple l’existence de plusieurs syndicats d’économie mixte dans les secteurs de l’aménagement et de la construction, tels que la Semag, la Semsamar et la Sem patrimoniale Région Guadeloupe. Pour ce groupe minoritaire à l’assemblée régionale, l’ajout d’une quatrième entité semblait redondant et peu justifié.
Le rapport d’activité de « Cœur d’énergie » pour l’exercice 2023 fait état d’un déficit de 976 385 euros, contre un chiffre d’affaires de 42 000 euros. Pour combler cette perte, l’assemblée régionale a voté pour abonder le compte courant de la structure à hauteur de 1,5 million d’euros.
15 000 euros de salaire
Si le rapport concède que « les impacts positifs locaux de la SPL Cœur d’énergie sur le territoire ne sont pas encore perceptibles et mesurables ». Ce rapport témoigne par ailleurs d’un optimisme à toute épreuve pour l’avenir. Selon celui-ci : « Cœur d’énergie reçoit depuis la fin de l’année 2022, un écho favorable de la part de nombreux maires et élus de l’archipel et autres partenaires. Ils perçoivent l’outil, comme une alternative aux sociétés d’aménagement existantes qui sera un soutien à l’activité du BTP, et créera des emplois directs et indirects dans le domaine du BTP, et soutiendra la commande publique dans le domaine du BTP ».

Après deux ans d’existence, cette embellie n’est toujours pas inscrite, ni dans les résultats, ni dans la gestion. Cœur d’énergie qui emploie quatre salariés, consacre 732 282 euros par an rien qu’à ses charges salariales. Outre une foultitude d’avantages, le directeur de Cœur d’énergie, Audy Eustache, est gratifié d’un salaire mensuel de plus de 15 000 euros.
Implanté à Jarry, impasse des palétuviers, le siège de la société est situé dans un immeuble peu visible du public. Au bas de l’escalier qui mène à l’étage figure une plaque qui signale la présence de la SPL (photo ci-dessus). À l’étage, une plaque identique est apposée sur une porte en bois qui indique l’entrée des bureaux. Le fond du palier où s’amoncellent divers bibelots, semble complètement déserté.
Créée dans le cadre de la loi du 28 mai 2010 relative au développement des sociétés publiques locales, une SPL est une structure juridique de droit privé, de statut commercial (société anonyme), dont le capital est entièrement détenu par des collectivités territoriales ou leurs groupements. Donc de l’argent public exclusivement. La SPL exerce son activité pour le compte de ses actionnaires et sur leurs territoires respectifs.
La particularité notable de ce modèle c’est qu’il permet aux collectivités de s’exonérer des règles d’appel d’offres des marchés publics, offrant selon ses adeptes « une plus grande souplesse et une meilleure agilité ». À une époque où l’argent public devient à la fois rare et fort convoité, pas sûr que la création des SPL figure au rang des meilleures trouvailles du législateur.
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