Poulets et œufs : les producteurs locaux dénoncent  » une qualité douteuse « 

Campagne d’information, demande d’augmentation du taux d’octroi de mer. La filière locale de production de poulets est sur les dents et a décidé de livrer bataille aux importateurs.

Les professionnels de la production locale de viande réunis au sein de l’IGUAVIE ont décidé de «  réagir à la concurrence qui leur est faite par les importateurs  » et qu’ils estiment déloyale. Ils entendent  » informer les consommateurs guadeloupéens sur la qualité  » qu’ils estiment douteuse des produits – notamment des poulets — vendus à prix extrêmement bas. Les éleveurs produisent en moyenne 2 000 poulets par semaine alors qu’avec le nouvel abattoir de Sainte-Rose ils pourraient en produire 10 000. Réunis vendredi 13 mai au siège de l’IGUAVIE, les principales les filières de production (porc, poulet, d’œufs) ont dénoncé  » le dumping de la grande distribution et les circuits parallèles de distributions d’œufs au bord des routes « . Les dirigeants d’IGUAVIE interpellent les politiques (ndlr : ils ont été reçus le 18 mai à la Région) et réclament que les produits importés de la filière viande soient taxés non pas à 7 % comme ils le sont, mais à 20 % d’octroi de mer. Les producteurs de porc se plaignent d’être cantonnés à produire de la viande fraîche :  » Les grandes surfaces boudent leurs produits agro-transformés tel le jambon tranché, la poitrine fumée ou les lardons « . Des produits selon eux générateurs d’emplois pour la filière et qui mettent en valeur le savoir-faire local.

Haro sur les œufs

 » Depuis quelques mois nous avons vu apparaître des camionnettes au bord des routes en train de vendre des œufs à 16 centimes l’unité. Le phénomène s’est intensifié depuis quelques jours « . Yohan Luce directeur de la ferme du Moulin de Saint Jacques à Anse-Bertrand que nous avons joint au téléphone mercredi 18 mai explique que la législation qui interdit la vente des œufs réfrigérés est contournée.  » Il faut m’expliquer comment des œufs qui sont produits en France, en comptant le temps pris pour les conditionner, les acheminer au port, les faire voyager entre 10 et 12 jours en bateau sans compter le temps de dédouanement, peuvent encore être comestibles quand on sait que les œufs doivent être vendus au plus tard 21 jours après leur ponte ?  » Le directeur du Moulin de Saint Jacques dit avoir informé le préfet par lettre et conclue :  » Nous avons eu comme réponse un contrôle de la direction des services vétérinaires qui a duré deux jours.  »

INTERVIEW

Guy Lurel :  » Les Guadeloupéens sont traités comme des sous-consommateurs « 

Le courrier de Guadeloupe : Vous êtes en conflit avec les importateurs de viande. Au fond, ils défendent leurs intérêts…

Guy Lurel : Nous n’avons jamais interdit à quiconque de réaliser des profits. Nous ne laisserons pas non plus conduire à la ruine une filière qui a consenti de gros efforts d’investissement et de modernisation. Les importateurs dégainent systématiquement l’argument massue de la défense des emplois. La production locale génère elle aussi des emplois. Nous ne le disons peut-être pas assez fort. Il ne s’agit pas de se plaindre tous les jours de notre piètre capacité à produire localement et en même temps accepter qu’on nous tue dans l’œuf. Les producteurs de volailles viennent de s’équiper d’un abattoir de 2,2 millions d’euros. Ils peuvent désormais mieux répondre au marché. La grande distribution s’en moque. C’est son affaire. Nous ferons désormais campagne pour informer les consommateurs que sous couvert de bas prix on leur vend des produits de très basse qualité qui ne sont pas vendus et encore moins consommés en France hexagonale.

Comment ça ? Quels produits ?

Vendre 10 kg de cuisses de poulet à 99 euros c’est-à-dire à 0,99 euro le kg, vous pensez bien qu’il y a anguille sous roche, et une grosse. À ce prix c’est du poulet congelé à l’eau. Quand la ménagère croit avoir payé pour un kilo, elle dispose au mieux que de 800 g de poulet. Le reste c’est de l’eau congelé. C’est un produit de très bas de gamme. Le plus choquant c’est que ces produits ne sont pas vendus sur le marché hexagonal. En Guadeloupe on en tire des profits juteux. Les Guadeloupéens sont traités comme des sous consommateurs. J’ajoute que lentement mais sûrement, les importateurs sont en train de formater les habitudes de consommation des Guadeloupéens. Au détriment de leur santé.

Pourtant importateurs, producteurs locaux, agriculteurs, vous êtes tous dans l’inter-profession…

Parlons-en justement. Il existe en Martinique une organisation comme IGUAVIE. Les importateurs y adhèrent également. Sauf qu’en Martinique, ils cotisent 1,3 million d’euros par an. En Guadeloupe leur part de cotisation est infime : 9 000 euros. Ce sont pourtant les mêmes groupes et les mêmes familles qui sont installés sur les deux territoires. Qui peut m’expliquer ?

Fabrice de Reynal :  » Les produits bas de gamme répondent à un besoin « 

Nous avons joint au téléphone Fabrice de Reynal directeur à Destreland qui accueille l’hypermarché Carrefour. Il dit ne pas être concerné par les propos de l’IGUAVIE dont il est membre du conseil d’administration. «  IGUAVIE n’a rien à reprocher à Carrefour. Ils ne veulent pas le dire parce que cela réduirait leur message. Ce que je comprends.  » Fabrice de Reynal explique également que l’agro-transformation est embryonnaire, qu’il faut la développer parce que cela crée des emplois. Quant aux produits de basse qualité vendus par la grande distribution il soutient que c’est une gamme qui répond à des besoins. Une grande surface ne peut faire le choix d’une seule catégorie de clientèle. Fabrice de Reynal comprend le message de l’IGUAVIE.  » Je me fais le porte-parole de l’IGUAVIE et j’invite les autres acteurs de la grande distribution à nous rejoindre pour participer au développement de la production locale  » (ndlr : les autres enseignes de la grande distribution n’adhèrent pas à IGUAVIE).

Poster un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.