Lucette, « Elle est foncièrement mauvaise »
• Usagers de l’eau, simples citoyens. Ils se sont massés face au siège de la CAGSC et à l’étage où se déroulait l’élection du nouveau président. Ils ont presque tous vilipendé l’ex-présidente et rejeté sa lettre aux Guadeloupéens.
Basse-Terre, samedi 16 février 9 heures 30. Deux barrières couchées sur la chaussée interdisent aux voitures l’entrée de la rue Bébian. Au plus dur de la pente, devant le siège de la communauté d’agglomération grand sud caraïbe (CAGSC), une cinquantaine de femmes et d’hommes manifestent avec véhémence. Ils dénoncent « magouilles et malversations ». Au micro une femme, la cinquantaine alerte, s’égosille : « Vòlè, nou bon èvè zòt. Pa ni dlo. Lè ni dlo i poizoné. Bastè ka mò. Fou yo tout la jòl. Ki kribich, ki kakado ». Dans la cour intérieure du bâtiment trois jeunes femmes jugent la manifestation avec circonspection. « Certains sont des soutiens de Michaux-Chevry, ils se sont mêlés aux associations d’usagers de l’eau et font semblant d’être en colère », explicite Monique qui se veut « citoyenne de Basse-Terre et rien d’autre ». Oui, elle a lu la lettre de Lucette aux Guadeloupéens. Elle n’accorde à l’ex-présidente de la CAGSC aucun crédit. « J’entends dire que cette Dame a fait du bien à la Guadeloupe. Je ne suis pas d’accord. Elle est foncièrement mauvaise ». Ses deux compagnes acquiescent de la tête. Roselyne debout à sa droite, dans un souffle secoue plusieurs fois la tête et répète : « Oh que oui. Oh que oui ! » Jacques, médecin se mêle à la conversation : « La lettre de Lucette ? C’est un comble d’hypocrisie. La réalité saute aux yeux : l’Omcs est fermée, l’école de musique idem, la piscine, le hall des sports, le terrain de football à Rivière des pères, toutes ces structures ont périclité. Il n’y a plus rien qui fonctionne à Basse-Terre ».
« Elle a pris les devants »
À l’étage, les conseillers communautaires viennent d’élire au premier tour, Joël Beaugendre, à la tête de la communauté d’agglomération grand sud Caraïbe en lieu et place de Lucette Michaux-Chevry démissionnaire. La salle est en effervescence. Le nouveau président a fait modifier le règlement intérieur. La majorité disposera désormais de sept vice-présidents au lieu de six. L’opposition en aura trois. Ses membres quittent la salle. Un homme qui tout à l’heure se tenait aux côtés de celle qui dénonçait « magouilles et malversations » devant le siège de la CAGSC a tourné casaque. « Zòt an do a Michaux. A pay tou sèl ka fouté fè, tou sé élila ka magouyé. Jous minis. Sonjé Cahuzac. Michaux fè moun enki byen. I ba moun travay, wè », hurle-t-il sur le balcon où se sont regroupés les conseillers communautaires de l’opposition. Celle qui se veut « citoyenne et rien d’autre » a gagné l’étage. Elle éclate de rire. « Il dénonçait la pénurie d’eau. Maintenant il défend Michaux. Ces gens-là sont des alimentaires. C’est tout un système ». Jeanine, Saint-Claudienne intervient : « Lucette écrit aux Guadeloupéens pour leur dire quoi ? Qu’elle a mal pour ses petits-enfants. Elle se rappelle qu’elle a des petits enfants lorsqu’elle a quatre-vingt-dix ans ? » À ses côtés un Monsieur d’âge avancé enchaîne : « Tout ce que cette Dame aurait pu faire de bien elle l’a mal fait. Ce qu’elle a fait de mal elle l’a bien fait ». Jeanine ouvre de grands yeux, bat des mains et tapote trois fois l’épaule de celui qui s’est invité dans la conversation. Le Monsieur poursuit : « Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre sa stratégie. Elle a démissionné parce qu’elle sait qu’en juin le tribunal va prononcer une mesure d’inéligibilité à son endroit. Elle a pris les devants ». Tout près, un petit groupe parle déjà au futur.
« Oui, il faut être forte »
Un Monsieur dans la force de l’âge, cravate grise et chemise blanche s’avance : « Lucette continuera à tirer les ficelles, Beaugendre ira préparer les réunions chez Lucette », rigole-t-il. L’homme qui défendait Lucette Michaux-Chevry s’en va. il se retourne et crie à la cantonade « mècrèdi mwen a la rètrèt, an ka di mèsi lisèt ». Jeanine lève les mains au ciel. « Vous entendez ? Il ne peut pas renier le système. Il m’arrive de venir ici. Le matin une dizaine de jeunes gars sont dans la cour. Ils s’ennuient. Ils n’ont rien à faire. Ils touchent à la fin du mois ». Le monsieur en cravate rectifie : « Ils travaillent en période électorale. Ils collent des affiches, transportent et installent sono et autres matériels. Ils sont très actifs dans ces moments-là ». Jeanine pousse un pfff sonore et s’en va. Elle salue de la main et lance : « Sa lettre prouve une chose. Elle est douée pour fasciner les gens. Cela a duré cinquante ans. Pour réussir ça, oui, il faut être forte ».
Joël Beaugendre un président en sursis ?
Joël Beaugendre a été élu à la tête de la communauté d’agglomération grand sud caraïbe (CAGSC) samedi 16 février, au siège de l’intercommunalité. Le maire de Capesterre Belle-Eau a obtenu dès le premier tour vingt-deux voix. Son challenger Rolland Pantier maire de Vieux-Fort, en a totalisé dix-sept. Le nouveau président était dès le 18 février rappelé à l’ordre par un courrier signé du préfet Philippe Gustin et du directeur de régional des finances publiques Guy Bensaïd, et adressé à tous les ministres concernés. Les représentants de l’État souhaitent vite rencontrer Joël Beaugendre afin de procéder à « un changement radical et immédiat des pratiques passées » et d’inscrire la CAGSC sur « la voie du redressement, de la transparence, et de la sincérité afin de revenir à l’équilibre ». Dans leur lettre, les représentants de l’État brandissent la menace d’une révocation de Joël Beaugendre en application d’une disposition légale qui prévoit ce mécanisme.
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