À Lamentin, la vague de saccages coûtera 442 000 euros

La ville de Lamentin et le conseil départemental ont fait les comptes des dégradations commises sur les équipements publics. C’est tout le fonctionnement de la municipalité qui est affecté.

Au total, les services de la ville évaluent la dépense liée aux dégradations récentes à 442 000 euros. «  Sur un budget global de 22 millions d’euros une perte sèche de 442 000 euros, peut paraître légère. C’est tout le contraire  » explique Guy Kabela directeur général des services de la ville joint par Le Courrier de Guadeloupe mardi 14 juin. Le fonctionnaire territorial explique que Ravine Chaude sera durement affectée. La dotation de fonctionnement octroyée au centre thermo-ludique par la ville est de 450 000 euros pour un budget total annuel d’environ 900 000 euros. Le coût du gardiennage seul (100 000 euros) plombe le budget de l’établissement. Guy Kabéla renchérit : «  Le centre ne pourra pas fonctionner si le gardiennage devient pérenne.  » Le directeur général des services précise que  » 442 000 euros de perte sur une année, c’est énorme dans une ville d’un budget de 22 millions d’euros.  » Et Guy Kabéla d’expliquer pourquoi :  » Il faut compter douze millions en charge de personnel, quatre millions de travaux affectés aux routes et autres travaux communaux, et six millions d’investissement déjà programmés de longue date. Nous en sommes déjà à 22 millions d’euros. Vous ajoutez les 442 000 euros et le budget est déjà largement dépassé.  » La vague de vandalisme qui a sévi dans les lieux publics et les chantiers mis en œuvre par Lamentin pendant plusieurs mois, grève substantiellement le budget communal. La ville va subir des ponctions importantes qui mettront en difficulté ses ressources et sa capacité à faire face à ses dépenses.

La facture des dégradations

• Collège. Le conseil départemental évalue les dégâts qui ont suivi l’incendie du collège  » Appel du 18 juin  » à 250 000 euros pour des travaux de reconstruction et de destruction de matériels. La destruction de la barrière du collège représente 3 000 euros.

Complexe sportif. Les détériorations perpétrées sur le chantier du complexe de Blachon sont évaluées à 20 000 euros.

École primaire. L’école de la Rosière a subi des pertes d’une valeur de 15 000 euros.

Ravine Chaude. Le câble qui a été détruit à Ravine Chaude vaut 2 000 euros. Le prix du gardiennage consacré à Ravine Chaude pour un montant de 100 000 euros.

Espaces verts. Les plantes qui ont été saccagées à la Rosière valaient 2 000 euros.

Télésurveillance. La ville se dotera de moyens de télé surveillance. Il faut compter 50 000 euros.

Le maire renforce la sécurité

Vidéo surveillance et gardiennage à l’ordre du jour lamentinois.

Le conseil municipal convoqué en urgence, le jeudi 9 juin 2016 par le maire de Lamentin, Jocelyn Sapotille, a adopté une motion qui autorise le premier magistrat de la commune à  » prendre toutes les mesures de police propres à faire cesser les troubles  » occasionnées par les actes de vandalisme perpétrées sur le territoire de la ville. 250 personnes ont assisté dans un silence presque religieux, à ce conseil. La motion adoptée, en l’absence de l’opposition qui s’est retirée au moment du vote, est destinée à renforcer la sécurité des chantiers de la ville qui, depuis de nombreux mois, sont la cible de vandalisme. L’opposition a justifié sa non-participation au scrutin par le refus du maire d’ouvrir un débat avant de procéder au vote. L’adoption de la motion permet au maire de faire appel entre autres, au gardiennage et la vidéo surveillance. Des prestations qui renchériront à coup sûr, le coût final des opérations engagées par la commune. Jocelyn Sapotille a également informé le conseil  » de son intention de mettre en œuvre ses pouvoirs propres de police afin de garantir le maintien de l’ordre public sur le territoire « . En concertation avec la gendarmerie et la police municipale, seront mises en place des rondes de jour et des rondes de nuit. Ainsi que d’autres mesures préventives propres à garantir la sécurité des chantiers de la ville. La présence de Josette Borel-Lincertin, présidente du conseil départemental, et celle de Dominique Miccolis, commandant de gendarmerie qui représentait l’État, ont renforcé le caractère grave et solennel de ce conseil municipal.

Le centre René Toribio terminé grâce aux gardiens, épaulés par des chiens

Les destructions à Lamentin ont d’abord débuté sur le chantier du Centre René Toribio à Ravine Chaude. Une réalisation emblématique aux yeux de la grande majorité des Lamentinois. Les élus eux aussi ont toujours accordé une grande importance à ce site. Les trois maires, Reinette Julliard, José Toribio et Jocelyn Sapotille l’ont toujours mis en avant dans leur projet politique. Un ouvrier qui a travaillé deux mois sur le chantier et qui a requis l’anonymat explique que tous les soirs, des individus pénétraient sur le chantier et saccageaient des travaux déjà commencés.  » C’est comme si quelqu’un ne voulait pas que le chantier avance. Jusqu’au jour où la mairie a décidé d’utiliser les services d’une entreprise de gardiennage avec des chiens.  » Interrogé par Le Courrier de Guadeloupe, le maire Jocelyn Sapotille a confirmé.  » Au lieu de mettre au grand jour ce sabotage organisé, nous avons préféré agir et mettre en place un gardiennage. À partir de ce moment, le chantier a pu avancer.  »

 » Les Lamentinois vont payer la facture « 

Sur les responsables des dégradations, les avis des Lamentinois sont partagés. L’affaire ne les empêche pas de dormir. Mais ils craignent pour leurs feuilles d’impôt.

 » Cette affaire de vandalisme ternit l’image de la commune. C’est inadmissible.  » Jules, grand, mince, casquette vissée sur la tête, interrompt sa conversation. Son voisin était sur le point de lui donner le quatrième cheval du quarté. Il hoche la tête, revient à sa grille de jeu et lâche sur un ton qui se veut définitif, son juge- ment :  » C’est la population qui va payer les pots cassés.  » Le PMU qui jouxte la mairie est le seul lieu public ouvert ce dimanche matin, 12 juin, en plein bourg de Lamentin. Dans cette petite pièce où trône un écran de télévision qui diffuse les courses en direct, ils sont une quinzaine, tous des hommes, la cinquantaine bien entamée à s’adonner à leur passe-temps favori. Dehors, règne un soleil de plomb. Il n’y a pas âme qui vive. Anastase a entendu la conversation. Il s’est rapproché.  » C’est politique. Il faut arrêter de tout mettre sur le dos des jeunes. Quelqu’un tire les ficelles. « . Alors qui ? Anastase hésite et admet qu’il ne sait pas. Pierre, un troisième turfiste en habits de sport chics, s’invite dans la conversation :  » Le maire voudrait faire croire que c’est José Toribio qui est derrière tout ça. Sapotille est un vendeur de rêves. Il a promis du travail à tous les jeunes. Maintenant cela lui retombe sur le bec.  » Le clivage est net. Les pro-Toribio soutiennent la thèse de la vengeance des jeunes déçus. Les pro-Sapotille voient derrière les exactions perpétrées, la main des partisans de José Toribio. Globalement, tous disent condamner ces agissements et arborent de grands sourires. Ils ont déjà, à nouveau, les yeux rivés sur l’écran où défilent les courses de chevaux.

Faire monter la sauce

Autre lieu sur le territoire communal. Autre ambiance. Nous sommes à Chartreux, sur la route qui mène au centre thermo-ludique René Toribio de Ravine Chaude. Dans la petite boutique qui fait face à un énorme manguier, de l’autre côté de la rue, une demi-douzaine de clients parle haut. Il est midi, l’heure du punch. Les clients ne se font guère prier. Ils sirotent. Chacun y va de son avis. Jean, Sénart, Jules et Michel sont formels :  » Chaque fois qu’il y a une alternance après Toribio, c’est comme cela. Après l’élection de Julliard c’était pareil. « (Reinette Julliard avait été élue en lieu et place de José Toribio en 2001, ndlr). Grégoire qui jusque-là avait gardé le silence, prend la parole.  » Attention messieurs  » dit-il sur un ton sentencieux.  » Je ne crois pas que José organise ces actes de vandalisme. En revanche, il est bien possible que quelques illuminés qui le soutiennent le fassent.  » Et la thèse des jeunes déçus qui se vengeraient ? «  C’est de la petite politique  » intervient Jules. «  Je suis à l’aise sur la question puisque je soutiens Reinette Julliard. Sapotille disait dans ses conférences que pas un seul jeune lamentinois ne sera privé d’une main tendue. Il n’a pas dit qu’il donnera du travail à tous les jeunes.  » Grégoire, goguenard, sourit. Selon lui  » cette histoire n’empêche pas les Lamentinois de dormir. Le climat n’est pas tendu ici. Comme d’habitude, les politiciens font monter la sauce et s’en servent.  » «  Sauf que ce n’est pas neutre. « . Jules reprend de volée, «  c’est nous qui allons payer la facture. Renforcer la sécurité… Certainement. Attendez-vous à sentir la différence sur vos prochaines feuilles d’impôts.  »

L’enquête de gendarmerie avance

« Il y aura des interpellations ciblées dès la semaine prochaine. Certaines personnes seront convoquées et entendues dans le cadre de cette affaire.  » Dominique Miccolis, commandant en second de la compagnie de gendarmerie départementale de Pointe-à-Pitre dépêché par le préfet au conseil municipal d’urgence du jeudi 9 juin à Lamentin, a indiqué que l’enquête sur les actes de vandalisme sur les chantiers de Lamentin avance. Le commandant de gendarmerie s’est montré à la fois sobre, grave et convaincant dans ses propos, révélant au passage un certain nombre d’informations qui situent le tout relatif climat d’insécurité qui sévit à Lamentin. Les chiffres donnés par Dominique Miccolis indiquent que depuis un an, la délinquance a reculé dans la ville. Cambriolages – 47 %. Atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne – 10 %. Atteintes aux biens (cambriolages et vols) – 14 %. Ce qui fait dire au commandant de gendarmerie qu' » il fait bon vivre à Lamentin. Nous ne sommes pas dans une ville où règne la violence.  » Ce résultat est selon Dominique Miccolis, le fruit d’un important travail d’enquêtes sur le terrain, avec de nombreuses interpellations dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants, et le port d’armes.

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