« Manger mieux, c’est un délice », tel est le leitmotiv de VG Délices. Cette toute nouvelle pâtisserie qui propose des produits créés uniquement à partir d’ingrédients d’origine végétale, vient d’ouvrir ses portes à Jarry.
17 h 43, les galeries de Houelbourg, Jarry. Une cinquantaine de personnes se tient debout devant cette toute nouvelle pâtisserie. VG Délices, un nom peu commun, mais qui prend tout son sens lorsque l’on comprend sa signification. « VG » pour « végétale », ou encore « vegan ». Ce mardi 17 décembre, VG délices, première pâtisserie végétale de la Guadeloupe, « des Antilles même », comme le précise Laurence, la tête pensante derrière cette idée hors du commun, a été inaugurée au cours d’une soirée privée. Au programme, dégustation de viennoiseries 100 % végétales et tirage au sort pour tenter de gagner de nombreux lots offerts par les partenaires. Après quelques minutes qui semblent interminables, les convives sont invités à pénétrer dans la pâtisserie. Sans hésitation, tout ce petit monde se précipite à l’intérieur de la boutique. En passant la porte, on découvre un décor épuré. Le bois est à l’honneur. Un immense banc occupe le fond de la pièce principale. Juste au-dessus, des plantes trônent sur des petites étagères. Une petite table haute entourée de deux chaises est installée face à la vitrine réfrigérée où ont été installées plusieurs parts de bûches gourmandes, revisitées pour l’occasion, à l’approche des fêtes de fin d’année. Sur le mur qui jouxte la porte du « labo », où le pâtissier et la cuisinière s’affairent à la préparation de mini-gourmandises pour les invités, il est inscrit la citation : « Let’s change the world, one piece of cake at a time » (Changeons le monde, une part de gâteau à la fois, NDLR). Une phrase qui prend tout son sens lorsque l’on connaît la motivation de la propriétaire, Laurence Ognibene. « C’est délicieux, je serais incapable de faire la différence avec des pâtisseries non vegan ! » s’exclame une femme, tout en engouffrant un mini-croissant dans sa bouche.
Une campagne de financement participatif
De retour à l’extérieur de la pâtisserie il est temps de procéder au tirage au sort. De nombreux lots sont offerts par des partenaires tels que Secret Mood, restaurant végétarien/végétalien situé à Pointe-à-Pitre, Beautiful skin, centre de kératoconseil en Guadeloupe, le Jardin d’Alexina, jardin d’arbres fruitiers, de plantes médicinales, situé au bourg du Gosier, ou encore l’Univers du T-shirt et le Spot Coworking, pour ne citer qu’eux.
« Je tiens à préciser que ce tirage au sort a pour but de remercier toutes les personnes qui ont contribué à ma campagne de financement participatif sur Ulule », explique la proprio. Car VG Délices, c’est aussi la contribution de 165 personnes qui ont permis de financer une partie des équipements qui serviront à la fabrication des produits. Four, armoire réfrigérée, batteur, congélateur, tables inox, plonge, etc. four, armoire réfrigérée, batteur, congélateur, tables inox, plonge, etc. Plus de 8 000 euros ont ainsi été collectés jusqu’au 12 juillet, date de fin de la campagne, sur un objectif de 6 000 euros.
Des recettes d’inspiration caribéenne
« C’est vraiment l’aboutissement d’un très long travail, d’un très long chemin ». Lorsque vient le moment pour Laurence Ognibene de prendre la parole, elle a des trémolos dans la voix. Visiblement émue, la jeune femme contient, tant bien que mal, son émotion. « Ça fait un an et demi que je travaille tous les jours, du levé au coucher, pour ouvrir cette pâtisserie végétale », raconte-t-elle, « je suis assez fière, je crois que je ne réalise pas encore ». Le concept de VG Délices est simple : « pouvoir régaler tout le monde, qu’on soit végétalien, qu’on ait des allergies au gluten, au lactose, aux œufs ». Si les pâtisseries sucrées sont les produits phares proposés, « il y aura aussi de quoi se restaurer en salé, avec par exemple, les mini jamaican patties que vous avez déjà pu goûter ». La recette de ce pâté made in Jamaica, elle l’a apprise lorsque de son année passée sur l’île. « Vous verrez régulièrement en vitrine pendant toute l’année des recettes d’inspiration caribéenne » a-t-elle assuré. « Les noms que j’ai donné à mes bûches, Santa Clara, Santa Isabel, Saint James, ce ne sont que des villes caribéennes. J’essaye de mettre en avant notre culture, notre gastronomie, tout ça en version végétale ». Ce projet, comme elle le dit elle-même, correspond parfaitement avec ce qu’elle voulait partager avec les autres. « C’est ma contribution pour un monde plus respectueux, plus bienveillant envers la planète, les animaux. Mais aussi adapté à nous en tant qu’êtres humains qui devons manger sainement ».
Interview : « Il faut aller au-delà de ses peurs ».
Laurence Ognibene a 28 ans. Après avoir vécu jusqu’à ses 8 ans à Lamentin, elle emménage au Gosier et y réside toujours. Passionnée de pâtisserie, cette végétarienne a trouvé le moyen idéal de défendre ses convictions, tout en travaillant à son compte. Rencontre.
Le Courrier de Guadeloupe : Comment vous est venue l’idée de créer cette première boulangerie végétale en Guadeloupe ?
Laurence Ognibene : J’ai eu plusieurs idées de création d’entreprise avant celle-ci. Je me voyais à un moment ouvrir un restaurant jamaïcain, ou alors une boutique de vêtements. J’ai eu vraiment plusieurs idées qui m’ont traversé la tête parce que j’avais vraiment envie d’entreprendre, l’envie de lancer mon propre projet, même avant d’avoir fini mes études. Avant même de rentrer dans la vie active je me projetais déjà comme entrepreneur. Mais c’est venu à la fin de mes études. Au début je me voyais uniquement cadre dans la fonction publique. Mais j’ai appris à me connaître un peu mieux, du coup l’entrepreneuriat a été comme une évidence. Et l’idée de VG Délices est venue vraiment sur le tard finalement. À la fin de mon contrat dans l’administration. J’étais en CDD d’un an et demi, et c’est vraiment au bout du contrat que je me suis dit que c’était le moment d’entreprendre, de me lancer. Alors comme toutes les idées on ne sait pas vraiment d’où elles viennent en fait, on a l’impression que c’est une petite lumière qui s’allume comme ça dans la tête. J’avais eu l’envie de devenir pâtissière très jeune. Quand j’étais en 3e je voulais rentrer au lycée hôtelier, faire une formation en pâtisserie. Mes parents ont essayé de me dissuader, ça a fonctionné, je suis rentré en filière générale. Quand j’ai fini ce CDD je me suis rendu compte que je pouvais revenir à la pâtisserie et y consacrer un projet professionnel. En étant mon propre patron et en véhiculant des valeurs qui me sont chères, c’est-à-dire le végétal, l’écologie, l’éthique.
Quel a été votre parcours pour arriver à ce métier ?
Avant j’étais agent administratif à l’OFII, l’office français de l’immigration et de l’intégration. J’étais auditrice pour les demandeurs d’asile. J’étais aussi auditrice intégration. Je recevais toutes les personnes qui avaient obtenu un titre de séjour sur le long terme, donc des étrangers qui s’installaient durablement en Guadeloupe et qui devaient suivre un certain nombre de dispositifs. J’ai eu une bonne expérience, j’ai beaucoup appris. Mais malgré tout j’avais envie de plus, je ne me sentais pas à mon plein potentiel. Je me sentais trop exécutante, un « pion » dans le système. Je me suis donc reconvertie. J’avais déjà fait beaucoup de pâtisseries chez moi pour mon propre plaisir puisque je suis devenue vegan en 2015. Et je suis gourmande, donc il fallait que je puisse manger des gâteaux ! (rires) Quand j’ai eu l’envie d’en faire mon métier je me suis renseignée sur la formation CAP classique, sauf que c’était de la pâtisserie traditionnelle. Donc il fallait que j’utilise des œufs, du beurre. Alors oui j’aurais appris plein de techniques, mais c’était contre mes valeurs. En Guadeloupe il n’y a pas de formation en pâtisserie végétale. J’en ai trouvé une à Paris et ce n’était pas facile car elle est l’une des seules. Je suis donc partie à Paris en mars 2019 et j’ai fait une formation intensive en pâtisserie végétale. J’ai aussi postulé pour des stages en pâtisserie végétale dans l’Hexagone. J’ai fait un mois à Nice à Amour pâtisserie et un mois à Paris à VG pâtisserie. Sinon c’est beaucoup de pratique à la maison. Mon savoir est surtout tiré de ma pratique personnelle.
Avez-vous reçu d’autres aides financières en dehors de la campagne de financement participatif ?
J’ai postulé pour plusieurs demandes de financement. Il y a eu le prêt d’honneur d’Initiative Guadeloupe, j’ai obtenu aussi un prêt de la BPI (Banque publique d’investissement, NDLR) et j’ai déposé un dossier pour les subventions régionales. J’ai eu un avis favorable et le dossier est encore en traitement.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
L’entrepreneuriat a été vraiment nouveau pour moi. J’ai découvert que c’était un monde à part avec ses codes, son cadre juridique très particulier. Il a fallu que je me renseigne sur la création de l’entreprise, sur quel statut je devais m’immatriculer, qu’est-ce qu’on choisit comme régime au niveau des impôts, Donc toute cette partie a été assez difficile. Il y a peu d’informations, de lieux où tu retrouves l’ensemble de ces informations d’un coup. Tu dois frapper à plusieurs portes pour avoir des réponses et c’est assez long. J’ai fait une formation en création d’entreprise mais la formation reste générale et chaque entreprise est un cas particulier. Je suis passée par l’intermédiaire d’un coach en création d’entreprise qui s’appelle Gladys Gane. Sinon les autres difficultés ce sont surtout les délais de traitement pour les demandes de financement. C’est très long, assez lourd, on demande toujours beaucoup de papier. Après, pour le recrutement, c’est vrai que j’ai été confrontée à beaucoup de personnes qui n’avaient jamais fait de pâtisserie végétale en Guadeloupe. Mais voilà, si la personne aime son métier, est passionnée et a envie d’apprendre, tout est possible.
Quelles sont vos recettes phares ?
C’est tout bête mais moi j’adore mon mille feuilles à la vanille. Mais sinon oui ce n’est peut-être pas forcément la pâtisserie la plus élaborée. Et aussi parmi les bûches j’aime beaucoup la Saint James qui est pralinée au café méo, avec du café local à base de pois d’angole. Et en salé le jamaican patty. C’est un produit qui me tenait à cœur car j’ai vécu en Jamaïque pendant un an. Là-bas c’est un peu leur bokit national en fait. Il y a diverses saveurs. Le classique est au bœuf mais comme il y a aussi beaucoup de végétariens/végétalien en Jamaïque j’ai pu goûter les patties au soja, aux légumes et c’est de là que j’ai choisi de les proposer à VG Délices. Le Soy patty et le Veggie patty.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans cette aventure ?
Avoir confiance en soi. C’est ce qui m’a permis d’aller jusqu’au bout. Dès le départ je sentais que ce projet avait du potentiel. Et je sentais surtout que j’avais les capacités de le mener jusqu’au bout. Même si j’avais beaucoup de frayeurs, beaucoup d’angoisses. Je suis quelqu’un de très réservé à la base, assez timide. Mais finalement je me suis jetée à l’eau. Après avoir affronté son premier gros challenge, d’un seul coup on fait un peu sauter le plafond de verre et le reste devient plus fluide. Jusqu’à ce qu’on n’ait plus aucune peur au final. Il faut aller au-delà de ses peurs. Élargir sa zone de confort car c’est comme ça qu’on évolue. Mon conseil c’est vraiment de ne pas se limiter et ne pas se créer de barrières. Poursuivre ses envies, suivre son instinct.
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