La production locale, vrai défi. Une tâche cependant compliquée, digne des douze travaux d’Hercule. C’est le programme que tout pays souhaite mener à bien. Le chantier est très difficile à mettre en œuvre en Guadeloupe. Notre territoire cumule tous les handicaps. Marché étriqué, peu de matières premières, sources d’approvisionnement éloignées, un secteur d’importation qui depuis longtemps s’est fait la part du lion. La mondialisation n’arrange rien. Pourtant à chaque échéance électorale, le slogan de la production locale revient comme une antienne. Cette posture est-elle suivie d’effets concrets ? Pas sûr. Aucun parti, aucun élu ne s’est résolument engouffré dans des politiques publiques qui prioriseraient la production locale. Le premier outil brandi est bien entendu la fiscalité. Les partisans de l’autonomie, voire de l’indépendance, jurent sur leur âme, que c’est la seule solution qui vaille. Ils n’ont pas réussi à convaincre la population du bien-fondé de leur thèse. L’exemple de l’octroi de mer réputé protéger la production locale n’est pas non plus des plus probants.
Pourtant, la production locale est considérée comme une sorte de sésame qui ouvrirait toutes les portes d’un meilleur niveau de vie, du plein emploi, de la croissance retrouvée et du développement économique. Pour être tout à fait juste, l’objectif caresse du bon côté, les fibres de la dignité. Cela laisse rêveur… Sur ce terrain-là pourtant, tout est compliqué, rien n’est donné, et surtout rien n’est jamais gagné. Les entrepreneurs qui se lancent dans cette aventure ont un profil hors normes. Dans un pays où jusqu’à présent, la plupart des femmes et des hommes rêvent d’être fonctionnaires ou salariés d’une grande entreprise, les entrepreneurs qui veulent produire localement sont regardés avec une certaine curiosité, voire de l’étonnement. Tout cela posé, ceux qui aujourd’hui appellent à l’aide méritent toutefois une attention toute particulière. Ils ont embrassé des domaines de production qui répondent au besoin élémentaire de se nourrir. Ceux qui produisent de la viande de porc, de bovin, de volaille, des œufs. Il faudrait ajouter également ceux qui cultivent des légumes, des ignames, des tomates, ce qui participent à satisfaire les besoins alimentaires, tous ceux-là doivent être regardés avec respect et encore plus. Ils ont droit à maints égards et leurs demandes doivent être examinées avec la plus grande attention.
D’abord de la part de l’administration qui doit par exemple contrôler le circuit des œufs vendus au bord des chemins et peut-être plus en amont encore. Ensuite, de la part de la grande distribution. La présence du seul groupe Bernard Hayot à IGUAVIE ne suffit pas. La grande distribution dans son entier doit participer au développement de ces filières de production locale. Et puis enfin, celles et ceux qui peuvent le mieux venir en aide aux producteurs locaux, c’est d’abord nous-mêmes, consommateurs. Bien sûr, personne ne peut aller au-delà de ses capacités financières. Sauf que partout dans la Caraïbe et au-delà, sûrement, sur tous les étals, dans toutes les vitrines, est vantée la qualité des produits locaux. En Guadeloupe, il est souvent difficile de trouver cette petite once de patriotisme ou de chauvinisme. Or, souvent le choix local est synonyme de qualité. Un seul exemple : les Guadeloupéens sont friands de ouassous. La filière de l’aquaculture s’était bien développée. Elle a disparu depuis qu’un exportateur basé dans l’Hexagone a décidé d’inonder le marché avec un produit qu’il achète dans les pays indonésiens et qu’il vend à très bas prix. Les Guadeloupéens seront peut-être malheureux de savoir que ces ouassous dont ils se délectent tant sont nourris avec des excréments de porc. Ils sont bourrés d’antibiotiques pour tuer les éventuelles bactéries. On ne sait pas toujours ce qu’on mange. Mieux vaut s’approvisionner au plus près.
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