À ravine chaude, Capès dolé poursuit son épopée d’entreprise phare

 

Lamentin ville d’eau

• Une usine d’eau minérale à Ravine chaude. Lamentin voit grand et veut accéder au cercle fermé des villes d’eau.

La ville de Lamentin et le groupe Capès Dolé ont signé jeudi 29 août, lors d’une conférence de presse en mairie, une convention de partenariat. Objet : la construction d’une usine d’embouteillage d’eau potable par Capes Dolé à Ravine chaude. « Une excellente perspective pour le Lamentin » s’est d’entrée félicité Jocelyn Sapotille. Le maire de Lamentin promet à cette réalisation un succès dont il espère faire profiter sa ville. Le nom de la future eau potable de Ravine chaude n’a pas été dévoilé. En revanche, les deux partenaires ont confirmé que cette eau est d’une grande qualité. « Ce sera la première eau minérale plate de la Caraïbe » a campé Denis Collidor, le représentant de Capes Dolé, après que le maire eut dit tout le bien qu’il pensait de la qualité de la ressource. Le label eau minérale est la classification la plus élevée que peut obtenir une eau potable.

7,5 millions investis

À ce jour, il n’existe pas d’eau minérale guadeloupéenne. « La mise sur le marché de celle de Ravine chaude va contribuer à la promotion du site et à renforcer la mise en valeur de ses vertus curatives et de remise en forme » a renchéri Jocelyn Sapotille. Le déficit du centre thermoludique à Ravine chaude est passé de 600 000 euros par an à 300 000 euros. Le loyer du foncier, l’exploitation de la ressource permettra dans un premier temps de le faire baisser encore. Par la suite, Jocelyn Sapotille compte installer et développer le concept « Lamentin ville d’eau » à l’image d’Évian, Vittel ou Vichy. La construction de l’usine va générer des emplois. Le maire entend en faire profiter les Lamentinois. Une fois installée, l’unité devra encore embaucher une trentaine de locaux. Cette clause est inscrite dans la convention. « Les routes qui mènent à Lamentin sont tellement encombrées qu’il vaut mieux embaucher des Lamentinois. Capès sera gagnant », a rigolé Jocelyn Sapotille. L’investissement s’élève à 7, 5 millions d’euros. Sont sollicités le Feder, le crédit d’impôt outremer (CIOM), les fonds propres de Capes Dolé. Les travaux devraient démarrer en 2021.

 

Ravine chaude, trésor enfoui

• Des qualités physico-chimiques remarquables. Ravine chaude est le fruit d’un miracle géologique qui assure la potabilité de son eau et protège la source des pollutions.

À partir des années 1960, en particulier de 1966 à 1969, l’histoire de Ravine chaude est jonchée d’analyses de toutes sortes quant à ses caractères physico-chimiques et bactériologiques. Il a même été entrepris le dosage des isotopes de l’eau afin de déterminer l’origine de la source. Premier constat : les analyses aboutissent aux mêmes conclusions. L’eau de Ravine chaude possède en quantité équilibrée et stable des composants, qui outre sa minéralité, lui confère des qualités thermales et de potabilité indiscutables. Les analyses effectuées notamment en 1966 ont démontré par avance que l’eau de Ravine chaude répond aux critères de potabilité définis par l’arrêté du 11 janvier 2007. Arrêté qui répertorie les qualités nécessaires aux eaux destinées à la consommation humaine. Selon les analyses et les relevés, la source de Ravine chaude se distingue des eaux des rivières de Goyave et de Bras David. De celles des sources de Dendé et de Brie aussi, qui lui sont proches. Ce qui explique sa typologie singulière.

Absence de chlordécone

Toutes les analyses effectuées depuis 1966 indiquent que Ravine chaude bénéficie d’une contribution profonde qui l’enrichit de sodium par interaction avec des roches volcaniques. Les différentes études attestent une permanence dans le temps de sa température et de sa composition physico-chimique. « La source de ravine chaude s’infiltre dans le sous-sol et entre en contact avec des roches volcaniques surchauffées d’où un phénomène de vapeurs et de pression sous terre. L’eau jaillit alors par des cheminées » décrit Denis Collidor dirigeant de Capès Dolé. Une eau légèrement minéralisée. Aucune pollution ne peut y pénétrer. « Ce sont les caractéristiques d’une eau artésienne » explique Denis Collidor. « Les eaux artésiennes sont les plus recherchées dans le monde » insiste-t-il encore. Elles sont à l’abri des pollutions. Les résultats des analyses effectuées en 2010, 2011, 2013, 2017 et 2018 sur les pesticides, dont le chlordécone, confirment les dires du dirigeant de Capès. Absence de ces molécules.

 

La revanche de Capès Dolé

• Leader du marché de l’eau Capes Dolé avait perdu son label eau de source. L’eau de Ravine chaude permettra au groupe d’acquérir la plus haute classification. Celle d’eau minérale.

La convention signée par Capes Dolé avec Lamentin en vue d’exploiter l’eau de Ravine chaude est pour l’entreprise du groupe Pitat une victoire. Certes Capès Dolé n’a jamais été supplantée par ses concurrents. Le marché local c’est 80 millions de bouteilles vendues. Capès en détient 48 % et se situe loin devant Matouba (27 %), Karuline (10 %) et les marques importées (15 %) (source Qualistat). Toutefois, la bataille avec Karuline qui a tout fait pour obtenir la suppression du label eau de source dont bénéficiait Capès Dolé a été pénible. Comment Karuline, eau du robinet mise en bouteille après traitement, peut-elle se comparer à Capès Dolé, eau qui jaillit d’une source ? La faute au chlordécone qui a infesté les bananeraies de Guadeloupe jusqu’en 1993 et les sources de Capès Dolé. Capès a dû traiter son eau au charbon actif afin de lui conserver sa potabilité. Le label « eau de source » inscrit sur l’étiquette des bouteilles de Capès en a été transformé en « eau rendu potable après traitement ». Capès ramené au même rang que Karuline. Une humiliation que les dirigeants disent avoir surmontée. D’abord en confortant leur part de marché. Ensuite en explorant d’autres horizons. Depuis 7 ans Capès produit l’eau de Dilo en Guyane. Une affaire rentable selon Denis Collidor. L’exploitation de l’eau de Ravine chaude n’est pas qu’une affaire de plus. C’est une vraie revanche. Elle permet au groupe Capès d’acquérir le label eau minérale. Label plus côté que celui d’eau de source.

Prix agressif

La ressource est abondante. Ravine chaude produit 108 m3 d’eau/heure. L’usine érigée par Capès consommera 40 m3 d’eau/heure. La marge de production est importante. Le développement des ventes aussi. La Guadeloupe importe 15 % d’eau. C’est-à-dire 12 millions de bouteilles d’eau. Capès partira d’abord à la conquête de cette part de marché. Denis Collidor a promis un prix de lancement agressif de l’eau de Ravine chaude. Tout cela ne sera effectif que dans deux ans. Auparavant, il faudra obtenir les agréments. Denis Collidor a affirmé avoir déjà déposé le dossier. Il faudra aussi construire l’usine et produire. C’est après que tout commence.

 

Un filon connu depuis… 1864

• Sodium, calcium, fer, iode, brome. Ces composants avaient déjà été répertoriés dans un ouvrage écrit en 1864.

« Eau Thermo-minérale de ravine Chaude ». C’est le titre du livre écrit en 1864 par G. Guzent pharmacien de la marine impériale en poste en Guadeloupe à cette époque. Le Courrier de Guadeloupe a consulté un exemplaire. L’ouvrage décrit les analyses menées par ce pharmacien. Dès l’introduction, G. Guzent affirme que Ravine chaude ne procure pas seulement du bien-être à ceux qui s’y baignent. Il affirme avoir constaté aussi que l’eau contribue à soigner nombre de maladies tel que le rhumatisme, la goutte, l’engorgement de la rate. Il subodore alors que le liquide renferme des « agents médicamenteux ». C’est la principale motivation des analyses qu’il va mener et qu’il va décrire. En préambule, il cite les travaux d’un autre pharmacien, M. Dupuy qui dès 1842 avait procédé à des analyses de l’eau de Ravine chaude. Ce dernier y avait déjà trouvé du sodium et du calcium.

Label Eau thermale

G. Guzent complète que la source de Ravine chaude est « une eau saline qui contient outre le sodium et le calcium, des sulfites de fer, de l’iode, du brome. Ce qui lui procure des propriétés spéciales ». Le pharmacien observe à l’époque que l’eau ne subit aucun refroidissement, donc aucune déperdition de sa valeur minéralisatrice. La température de l’eau qu’il relève en 1864 est déjà de 33° centigrades. Les analyses menées récemment indiquent le même résultat. Ce qui prouve la stabilité de la source. G. Guzent conclut que « la place de l’eau de Ravine chaude est parmi les eaux salines thermo-minérales iodées, bromées ». À la lecture de cet ouvrage vieux de 155 ans, la question qui vient à l’esprit est la suivante : comment a-t-on pu laisser en berne aussi longtemps un tel trésor ?

 

L’inutile polémique

Au lendemain de la signature de la convention entre la ville de Lamentin et Capes Dolé, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux. Elle montre José Toribio ex-maire de la commune s’indigner parce que Jocelyn Sapotille se serait approprié la paternité du projet d’embouteillement de l’eau de Ravine chaude. À supposer que cela fût vrai, l’essentiel c’est de passer de l’idée à l’action. Il n’existe aucune gloire dans les tentatives de but qui auraient frappé la barre transversale. Seuls comptent les buts inscrits. Il n’existe pas plus de dépôt de brevet sur les idées. Plusieurs maires de Lamentin ont conçu l’idée d’une Ravine chaude pleinement optimisée. On peut citer René Toribio, Marcel Dagonia, Reinette Julliard et bien sûr José Toribio. Leurs essais n’ont pas abouti. Personne ne leur intente un procès pour n’avoir pas réussi.

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