Rien n’est simple. L’ANRU devait donner un formidable coup d’accélérateur à la deuxième rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre et des Abymes. À Bergevin et à Henri IV on est sur les rails d’une vraie réussite. À Lauricisque et à Grand-Camp cela cale quelque peu.
Le 15 février 2005, date de la signature de la première convention RUPAP, l’ANRU a été à la fois un catalyseur et l’espoir de voir une grande partie de la première rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre (Henri IV, Bergevin, Lauricisque) cruellement en bout de vie tant certains immeubles criaient misère profiter d’un vigoureux toilettage. Histoire de donner une autre allure aux quartiers populaires de Pointe-à-Pitre, de leur donner vie surtout et puis… loger plus décemment les familles. La convention rue ZAB elle prend en charge Grand-camp, une partie du Raizet et Vieux-Bourg Abymes. Pour dire vrai, sur l’emprise de l’ancien stade de Bergevin, ce ne sont pas seulement des immeubles qui sont sortis de terre. C’est tout un quartier avec des logements confortables, mais aussi des commerces, des services, avec en prime un établissement scolaire. De quoi donner une tout autre allure au site. À Henri IV, les bâtiments ont commencé aussi à pousser. Mais pour l’heure, l’impact sur l’ensemble est plutôt négligeable. Il reste encore beaucoup trop à faire. Par ailleurs, la démolition des anciens immeubles a plutôt vidé le quartier de sa population. Celle-ci a été relogée aux Abymes non loin de l’ancienne société STE. Dans les logements neufs, pas sûr non plus que ce soit la même population qui y revienne. Mais cette phase des opérations ; tout comme les quelques réalisations en plein centre-ville de Pointe-à-Pitre, est plutôt à mettre du côté des éléments positifs de cette rénovation urbaine phase II, sous l’égide de l’ANRU. Il n’en va de même pour toutes les opérations.
Des blocages à Lauricisque et Grand-Camp
La tour Lauricisque qui devait être démolie avant de construire des logements neufs et restructurer et réaménager le quartier ne le sera probablement pas. Selon certains responsables de SIKOA, l’opérateur en charge de cette partie de la rénovation urbaine, les programmes de démolition sont bloqués. À cause de l’amiante. Les nouvelles normes pour désamianter ont fait monter le coût de la démolition. Elle se situe actuellement entre 30 000 et 35 000 euros par logement. Une folie ! L’amiante est situé dans la colle, sur les plinthes, dans les conduits fibrociment, dans les enduits utilisés avant peinture. Or, les surcoûts occasionnés par les nouvelles normes pour désamianter ne sont pas financés par l’ANRU. À SIKOA, on ne fait guère mystère de l’alternative : Il faut carrément repenser la rénovation urbaine. Peut-être aller tout simplement vers une réhabilitation des tours. Possible. Mais une simple réhabilitation ne changera pas de beaucoup l’allure du quartier. Et ce n’est pas tout. Il se murmure également que la rénovation de Grand-Camp pourrait connaître elle aussi une panne. Là encore à cause du désamiantage mais pas seulement. À Grand-Camp certains occupants des lieux sont copropriétaires. Il faut les indemniser. Ce qui n’était pas prévu. Tout cela bloque. Par ailleurs, le prix actuel des loyers se situe à moins de 3 euros du mètre carré car la population ne dispose de gros revenus. Les nouveaux logements coûteront entre 5 et 6 euros le mètre carré. Ce qui double le prix du loyer ! L’équation n’est pas simple. Toujours est-il que l’ANRU volet rue PAP devrait être bouclé en 2018. D’ici là, d’autres solutions seront peut-être trouvées. Car si l’ANRU finance la démolition et les aménagements, elle ne finance pas la construction, laquelle est prise en charge par la ligne budgétaire unique (LBU), la défiscalisation, et les collectivités. D’autres leviers qui pourraient pallier peut-être les défections de l’ANRU.

La frilosité des banques ?
Le marché de l’immobilier n’est paraît-il plus ce qu’il était. Les promoteurs surtout font grise mine parce qu’ils estiment qu’en amont les banques rechignent à financer les opérations. Il est vrai qu’il ya encore une dizaine d’années il suffisait d’avoir le terrain, de bâtir un projet avec la location ou la vente de plusieurs lots que les banques tombent en pamoison. Ce n’est plus le cas. Officiellement aucune banque n’avoue que son établissement a levé le pied sur ces opérations. Toutefois en insistant et sous couvert de l’anonymat plusieurs chargés de clientèle expliquent que leur entreprise finance encore la construction des villas individuelles pour peu que le candidat à l’accession de la propriété dispose de revenus suffisants, qu’il n’est pas plombé par un taux d’endettement, qu’il peut justifier d’une épargne qui servira d’apport. Bref, il faut qu’il soit dans les clous. En revanche pour les opérations immobilières c’est souvent niet. Surtout quand il s’agit d’immeubles où la copropriété s’établira de fait. Or, expliquent les banquiers les gens sont de plus en plus réticents à payer les charges de copropriété. Résultat : l’immeuble qui n’est pas entretenu se dégrade. Le bien pris en hypothèque par la banque perd de sa valeur sur un marché pas vraiment en folie. Bref la banque craint de ne pas pouvoir retrouver ses petits. Du coup, ce sont les bailleurs sociaux qui tirent encore vraiment le marché. Et l’essentiel de leur financement ne vient pas des banques, mais d’organismes prévus à cet effet tel que la caisse des dépôts et consignations (CDC) ou de fonds publics.
La SIG opérateur incontournable de la nouvelle rénovation urbaine
La société immobilière est concessionnaire, maître d’ouvrage par l’entremise du contrat qu’elle a signé avec la ville de Pointe-à-Pitre, pour la restructuration et la réalisation des quartiers Bergevin, Henri IV, Chanzy, et le site de l’ancien stade de Bergevin. La restructuration de ce dernier quartier est d’ailleurs très largement avancée. Le foncier de l’ancien stade a été organisé en 6 îlots de logements et d’activités. En tout ce sont environ 350 logements qui vont sortir de terre, intégrés à des aménagements et des espaces de vie qui changent radicalement l’aspect général du lieu. La résidence Pierre Antonius et la résidence Hyacinthe Bastaraud accueillent déjà 126 logements sociaux, et 94 logements étudiants gérés par le CROUS. Intégrée à tout cet ensemble, l’école Raphaël Jolivière, est un équipement structurant qui contribue à donner une véritable âme à ce lieu de vie. Viendront très bientôt 130 logements intermédiaires sur la partie Front de mer avec 11 000 mètres carrés d’activités commerciales et de bureau, dont l’implantation d’une moyenne surface alimentaire. Ensuite la SIG aura à construire 60 logements dont une partie en accession à la propriété. Mais ce n’est pas tout précise Yasmine Encelade directrice de l’aménagement de la SIG, » Une place sera édifiée. Elle fera la liaison entre le parcours sportif de Lauricisque et un jardin qui juxtaposera le cimetière. Henri IV actuellement en pleine rénovation sera reconstitué, réaménagé, en intégrant de nouvelles liaisons avec les autres quartiers de la ville, notamment le centre-ville « . De fait les nouveaux réaménagements ont aussi pour finalité de relier les quartiers de la ville entre eux. Le marché sera démoli et sera redéployé le long de l’avenue Youri Gagarine. La zone pourra également accueillir d’autres activités. Quant à Chanzy, il sera démoli pour être reconstitué à neuf avec notamment la construction de logements sociaux et de logements libres. En tout 250 logements. L’école primaire Cidemé Salvatore sera elle aussi rasée. Les élèves seront réaffectés, notamment aux écoles Raphaël Jolivière et Félix EDINVAL en cours de reconstruction. De nouvelles voies de circulation seront également crées. Dans les zones plus proches du centre-ville, Quai Lefèvre, l’ancien bâtiment de la Caisse Générale de la Sécurité Sociale sera détruit pour construire là aussi des logements neufs.
RUZAB Grand-Camp et Raizet
La rénovation urbaine aux Abymes, la RUZAb concerne essentiellement Grand-Camp et le Raizet. La zone des plaines à Grand-Camp est déjà démolie. Reste celle des Capitaines. Dans ce quartier qui regroupe une population relativement dense, explique Yasmine Encelade : « Il est prévu de créer des espaces publics avec des activités sportives et des activités économiques, des jardins. Nous voulons établir des voies plus directes entre les différents quartiers. Ainsi les zones seront mieux irriguées « . Toutefois, il ne s’agit pas seulement de construire. « Nous devrons mettre aussi à niveau le réseau d’eau potable, celui de l’électricité, régler les problèmes d’inondation ». Pour ce qui concerne le Raizet, il s’agit avant tout d’une opération de réhabilitation et de résidentialisation. Mais déjà pointe l’ANRU 2 et de nouveaux modes d’intervention qui se dessinent poursuit encore Yasmine Encelade. « Mais c’est un peu tôt pour en parler, même si les villes de Pointe-à-Pitre et des Abymes ont d’ores et déjà positionné un certain nombre d’opérations ».
Les bailleurs sociaux sculptent le territoire
Le logement social a le vent en poupe. Le désamorçage de la défiscalisation a refroidi les ardeurs des investisseurs privés qui ont désormais du mal à faire des plus-values sur leurs propriétés. Ce sont donc les bailleurs sociaux qui, depuis plusieurs années déjà, façonnent l’immobilier guadeloupéen. Avec un parc de 11 000 logements locatifs et plusieurs opérations de résorption de l’habitat insalubre, la SEMSAMAR est l’un des acteurs décisif du logement et de l’aménagement urbain. Le logement social est l’une des premières solutions d’habitation pour les guadeloupéens dont le revenu moyen peut difficilement financer l’achat d’une propriété. Chaque année, les bailleurs sociaux doivent gérer plusieurs centaines de demandes concentrées pour la plupart dans l’agglomération Pontoise. Alors que dans l’Hexagone, les mairies rechignent à procéder à la commande de logements sociaux de peur de dévaloriser leurs quartiers, en Guadeloupe, au contraire, c’est le premier réflexe des mairies pour être plus attractives. De fait, un effort conséquent a été fait au niveau architectural, les bailleurs sociaux étant conscients qu’ils font émerger de véritables petits quartiers et de nouveaux espaces de vie. » En général, nous nous arrangeons pour que nos aménagements améliorent le cadre de vie des locataires. Beaucoup, qui habitaient auparavant dans des zones de RHI, sont heureux de nous voir arriver car ils savent que nous sommes là pour changer le visage de leur quartier et le rendre plus conforme à leur mode de vie. » explique Pierre Fabri responsable communication de la SEMSAMAR. Pour les ménages qui souhaitent se construire un patrimoine en accédant à la propriété, il reste le logement évolutif social financé en majeure partie par l’État. Attention tout de même, il est réservé à ceux dont les revenus sont compris entre 2 500 et 3 500 euros.
Le secteur de la construction a perdu beaucoup d’emplois
En Guadeloupe, après la fonction publique, le secteur du bâtiment a été longtemps le deuxième pourvoyeur d’emplois. Selon les profession nels, un logement représenterait trois emplois. Si depuis quelque temps on construit 3000 logements en moins cela représente environ 9000 emplois directs manquants. Et ce n’est pas tout. Les artisans aussi pâtissent du ralentissement du secteur de la construction. Les plombiers, carreleurs, maçons, organisés en petites entreprises vivent essentiellement de la sous-traitance de gros chantiers. Cela fait encore un bon paquet/même si c’est très dilué et que beaucoup de ces travailleurs ne sont pas déclarés. Un professionnel mi agacé lâche : » cela ne fait pas beaucoup de grues dans le paysage « . Selon lui la maison individuelle fonctionne encore. Les banques si vous êtes dans les clous au niveau revenus et taux d’endettement financent encore. Le budget moyen est de 250 000 euros pour une maison de 120 mètres carrés sur un terrain de 600 mètres carrés. Mais encore faut-il le trouver ce terrain. Quant aux lotissements d’après plusieurs professionnels, la formule est devenue longue, complexe et onéreuse. Les nouvelle normes de la construction dans un lotissement surtout ont augmenté les coûts de 30 %. Bref, le secteur en dépit du volontarisme des pouvoirs publics et des projets engagés dans le cadre de l’ANRU n’est pas particulièrement dynamique.
Cet avantage que les investisseurs craignent
L’argument principal qui valide l’investissement locatif est le contexte socio-économique : » Il s’agit d’un dispositif extrêmement intéressant lorsqu’on s’attarde sur les changements du régime des retraites. Ces dernières ne sont plus garanties pour les prochaines générations. L’investissement dans la pierre aussi bien l’ancien que le neuf est un substitut idéal pour assurer des compléments de revenus « , commence le directeur de l’Observatoire de l’immobilier Olivier Paris. Avec des placements en Bourse trop risqués et une épargne qui rapporte de moins en moins, investir dans la pierre représente l’option la plus sûre et lucrative pour le particulier qui souhaite s’assurer des revenus ou préparer sa retraite. Le particulier doit se demander s’il va vers du neuf ou de l’ancien. Un choix qu’Olivier Paris résume simplement : » Un investisseur avec des revenus confortables va plutôt choisir le neuf pour faire des économies d’impôts grâce à la loi Duflot, alors que celui qui a des revenus modestes va choisir l’ancien afin de compléter ses revenus « . Pour autant le dispositif présente des points qui attisent les réticences des investisseurs.
Le revers de la médaille
Le renforcement des droits des locataires retient les désirs d’investir. » Les Guadeloupéens ne sautent pas le pas car aujourd’hui si on choisit un mauvais locataire, ce dernier peut rester deux à trois ans sans payer son loyer avant qu’une procédure soit mise en place « , informe le directeur de l’Observatoire. De plus, la taxation excessive des revenus locatifs est souvent décisive car les Guadeloupéens sont très attentifs au montant de leurs impôts. Pour autant, le marché immobilier Guadeloupéen souffre également d’un manque de confiance en l’avenir : » La Réunion est un département où les prix sont plus élevés et le marché se porte nettement mieux, il y a une frilosité inexpliquée dans l’immobilier guadeloupéen « .

Initiation au logement
Le logement, c’est d’abord, et avant tout, une affaire de revenus. Or, avec un salaire annuel moyen de 15 883 € contre 19 200 € en France hexagonale, beaucoup de Guadeloupéens – en tout cas ceux qui n’ont pas eu la chance d’un héritage immobilier – restent sur la touche parce qu’incapables de tirer de leurs revenus le prix moyens d’un loyer dans le locatif privé. Même si depuis quelques années, les prix chutent, ils restent encore bien trop élevés pour le ménage moyen. L’association Accors prend en main les plus démunis d’entre eux en leur proposant ses programmes adaptés aux profils des demandeurs. Le comité local pour le logement autonome des jeunes de Guadeloupe (CLLAJ) est à la fois une interface d’écoute et un centre d’information. Il accueille les jeunes des Antilles Guyane qui font leurs études à l’UAG, ou les jeunes en formation ou en alternance, et qui n’ont pas les moyens de payer un loyer élevé. L’association accords qui bénéficie de 17 résidences personnelles, proposant plusieurs studettes et une quarantaine de logements dans le locatif privé les accueille alors dans la structure. Toutefois, ce n’est pas sans un rigoureux accompagnement. » Le but n’est pas de les jeter dans le grand bain, nous voulons les accompagner car beaucoup ne comprennent pas forcément les responsabilités qui vont de pair avec le logement. C’est aussi pour cela que nous organisons des rencontres avec les propriétaires. Il faut donc les responsabiliser. Nous organisons donc des visites de manière à savoir si tout va bien, si le loyer est payé, si la personne s’en sort à la fois financièrement et psychologiquement. Mais il faut faire ce travail sans entrer dans l’intimité des gens. « explique Jean-Marc Calmel, directeur général d’Accors. Si le jeune s’en sort bien, et dès qu’il est un peu plus solide financièrement, il est redirigé avec de solides références chez les bailleurs sociaux.
Les adultes aussi
Le logement précaire n’est pas uniquement une affaire de jeunes. Un divorce, un licenciement, le surendettement sont autant de causes qui peuvent des adultes pourtant très bien insérés dans la vie sociale. Pour eux, il existe les maisons relais. » L’isolement et la solitude amènent la dépression, et c’est ce que nous évitons. La vie collective amène le dialogue et la solidarité « Les adultes peuvent remettre de l’ordre dans leur vie entourés par les accompagnants d’Accors, qui leur proposent différentes activités. Dès que le locataire manifeste une volonté d’indépendance, une réunion est organisée avec les accompagnants, censée décider s’il est prêt à se relancer dans l’immobilier et dans la société. » Tout notre objectif c’est de leur ouvrir de nouvelles perspectives et une dynamique positive. «




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