Accueil Pouvoir Macron victime d’un habituel « vote à contre-courant » : petit mensonge et grande trahison des élus locaux

Macron victime d’un habituel « vote à contre-courant » : petit mensonge et grande trahison des élus locaux

 » Pourquoi n’avoir pas fait campagne, vous aviez honte ?  » (de votre candidat) interroge la journaliste de Guadeloupe la 1ère. Au soir du 10 avril, sur le plateau télé du service public, la question s’adresse à Guy Losbar. Elle pointe le paradoxe entre l’humiliation électorale infligée à Emmanuel Macron relégué à la 3e place des votes exprimés le 9 avril et la hardiesse avec laquelle 36 élus locaux de premier plan avaient accordé au président-candidat leurs parrainages, le plaçant en tête des parrainés devant Anne Hidalgo (6), Jean-Luc Mélenchon (6), Christiane Taubira (1), Nathalie Arthaud (1) et Éric Zemmour (1).  » La Guadeloupe vote toujours à contre-courant du national  » s’est dédouané sourire aux lèvres Guy Losbar, président du Département. L’affirmation livrée au soir du premier tour est-elle une vérité ou un manque de loyauté ? L’historique des élections présidentielles sous la Ve République montre qu’à l’exception de 3 scrutins (2002, 2007, 2022), les résultats au premier tour sont les mêmes en Guadeloupe que dans le reste de la France. Entre 1965 et 2022, l’idée générale d’un vote à contre-courant en Guadeloupe n’existe pas. Contrairement à l’explication tentée par Guy Losbar président du GUSR, premier parti politique local. En revanche, les 57 années écoulées soulignent combien les Guadeloupéens tranchent au premier tour en soutien de candidats qui affichent le plus de proximité avec l’Outre-mer.

Trahison politique

Et en 2022 il ne s’agissait pas d’Emmanuel Macron. Le président de la République n’est pas venu en Guadeloupe depuis 2018. Cette année-là, en visite aux Abymes en septembre, une habitante l’interpelle sur la suppression de l’abattement fiscal pour les revenus au-delà de 3 000 € :  » Non à l’abattement des 30 % parce que nous souffrons déjà Monsieur le président. (…) Je ne suis pas technicienne mais je sens que je vais souffrir « . En février 2019, nouveau désaveu. En conférence avec les Ultramarins dans le cadre du grand débat national, Emmanuel Macron provoque l’indignation en déclarant qu' » il ne faut pas dire que ce pesticide est cancérigène  » parlant du chlordécone. Sur le manque d’eau potable lié à la vétusté des réseaux de distribution, c’est aussi la douche froide. Revenu d’un entretien élyséen en janvier 2018, le président de Région Ary Chalus affirme que  » l’État est prêt à nous donner 400 millions « . Il n’en est rien. Invité le 23 mars 2022 de l’émission politique télévisée Outre-mer 2022, le président dit clairement  » Qui décide paie !  » Une façon d’affirmer que si un territoire ou une collectivité prend une compétence, elle prend aussi les dépenses en charge. Et Emmanuel Macron ne se prive pas de le répéter pour ce qui concerne la gestion de l’eau en Guadeloupe, qui relève des collectivités. La rupture entre la politique macronienne et l’électorat s’est crystallisée avec l’inflexibilité du gouvernement qui n’a jamais entendu l’opposition populaire au passe vaccinal covid-19. Les suspensions et licenciements de centaines de professionnels de santé non vaccinés ont achevé de sceller l’image d’un président méprisant. Si les résultats du premier tour de la présidentielle 2022 détonnent et apparaissent à contre-courant, c’est parce qu’ils révèlent le décalage entre les grands leaders politiques locaux soutiens indéfectibles d’Emmanuel Macron, et les électeurs. Les élus guadeloupéens se sont assis sur leurs mandats de porte-voix et leurs fonctions de représentants des citoyens. Une trahison politique.

 

Résultats des premiers tours à l’élection présidentielle sous la Ve République
1965

En 1965, la Guadeloupe vote comme un seul homme en faveur de Charles de Gaulle. Le général recueille au premier tour 87,96 % des suffrages exprimés, une dynamique orientée comme au national où avec 44,65 % il devance François Mitterrand 31,72 %.

1969

En 1969, Georges Pompidou obtient 60,8 % au premier tour, selon la même tendance que le national qui lui donne 44,47 % devant Alain Poher 23,31 %.

1974

En 1974, François Mitterrand est en tête au premier tour avec 51,24 % comme dans l’Hexagone quand ses 43,25 % devancent les 32,60 % de Valérie Giscard-d’Estaing.

1981

En 1981, Valérie Giscard-d’Estaing arrive en tête en Guadeloupe avec 70,84 % des voix comme au national où avec 28,32 % il devance les 25,85 % de François Mitterrand.

1988

En 1988, François Mitterrand arrive en tête en Guadeloupe avec 55,02 % tout comme dans l’Hexagone où avec 34,1 % des voix il devance Jacques Chirac à 19,9 %.

1995 et 2002

Aux scrutins de 1995 et 2002 la tendance s’inverse. La Guadeloupe change et privilégie le penchant pro-ultramarin plus affirmé d’un Chirac puis d’une Taubira elle-même ultramarine.

En 1995, Jacques Chirac arrive en tête au premier tour avec 38,24 % contrairement à l’Hexagone où Lionel Jospin sort devant. Mais c’est Jacques Chirac qui deviendra président de la République avec 52,6 % des voix.

En 2002, Christiane Taubira arrive en tête avec 37,22 % des suffrages alors que l’Hexagone choisit Jacques Chirac à 19,88 % devant Jean-Marie le Pen 16,86 %.

2007

Entre 2007 et 2017 c’est le retour d’un vote à l’unisson nationale. Nicolas Sarkozy arrive en tête en Guadeloupe en 2007 avec 42,63 % des suffrages. Dans l’Hexagone avec 31,18 % il devance Ségolène Royal à 25,87 %.

2012

En 2012, François Hollande arrive en tête du premier tour avec 57 % des exprimés comme dans l’Hexagone où avec 28,63 % il devance les 27,18 % de Nicolas Sarkozy.

2017

En 2017 Emmanuel Macron arrive en tête du premier tour avec 30,23 % comme dans le reste de la France où avec 24,01 % il devance Marine le Pen à 21,30 %.

2022

En 2022 Jean-Luc Mélenchon arrive en tête en Guadeloupe avec 56,16 % des voix, loin devant Marine le Pen (17,92 %) et Emmanuel Macron (13,43 %). Un véritable crash électoral local pour le président sortant placé 3e là où les résultats de la France entière au premier tour le donnent en tête (27,84 %) devant Marine le Pen (23,15 %).

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