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Violence armée : la police conteste sa hiérarchie et réclame du renfort

VIOLENCE ARMÉE

Dans un tract qui nous a été transmis le 8 mars, l’organisation syndicale Unité SGP Police FSMI force ouvrière Guadeloupe a qualifié sa hiérarchie  » d’entreprise de pompes funèbres « . Le syndicat considère que les restructurations annoncées au sein des services pourraient signer la fin des commissariats de Capesterre-Belle-Eau et de Basse-Terre. Dans ce texte, le représentant de l’État est accusé de  » dissimuler la vérité sur le sous-effectif des forces de police, et le trafic illicite d’armes de guerre.  » Contactée par mail mercredi 9 mars afin de connaître la réaction de Jacques Billant, les services de la préfecture nous ont indiqué qu’il n’y avait  » pas de réaction et pas connaissance des tracts « . L’existence de trafic d’armes organisé, avait été révélée en radio sur Guadeloupe 1ère par Gilbert Pincemail et Jacky Massicot le 17 février dernier. Les journalistes s’appuyaient sur une note confidentielle de l’unité anti-gang et économie souterraine de la police nationale et gendarmerie qu’ils s’étaient procurée (ndlr : page de garde du document en page 1). La note faisait état  » de 130 à 200 armes de poing et d’une quinzaine d’armes de guerre entrées illégalement sur le territoire entre août et novembre 2015.  »

Les élus réclament une augmentation des effectifs des forces de l’ordre

 » Sécuriser la population (…) les événements « . Ary Chalus et désormais, Jacques Bangou, Christian Baptiste dénoncent l’insuffisance des moyens des forces de l’ordre.

Les trois récentes agressions avec armes, perpétrées rue Frébault, à La Croix et au Raizet, en marge du défilé de la mi-carême jeudi 3 mars, ont fait basculer les élus du côté des syndicats de police. Ary Chalus, alors député-maire de Baie-Mahault, avait déjà en septembre 2015 sur sa page Facebook estimé que les effectifs de police étaient insuffisants. Jacques Bangou maire de Pointe-à-Pitre s’est fait lui aussi l’écho des syndicats et a réclamé sur l’antenne de RCI lundi 7 mars une augmentation des effectifs des forces de l’ordre.  » Est-il normal que les brigades policières soient en nombre insuffisant et qu’elles soient absentes malgré les demandes formulées pour sécuriser la population, les croisiéristes, et les événements carnaval, Karujet, Coupe Davis, festivals…” s’est-il interrogé dans un communiqué également signé par Christian Baptiste, maire de Sainte-Anne.

Le handicap d’être une île

Les deux édiles réclament 70 postes permanents supplémentaires au profit de la Guadeloupe. Selon Patrice Abdalah délégué syndical UNITE SGP POLICE FO, ce chiffre est en dessous des besoins, et il faudrait ajouter 150 policiers de plus aux 520 déjà présents. «  Nous ne pouvons pas assurer des missions de prévention… Il faudrait une patrouille par commune (ndlr : Pointe-à-Pitre, Abymes, Gosier). Faute d’agents, passée une certaine heure, les commissariats de Basse-Terre et Capesterre Belle-Eau sont fermés. Celui de Pointe-à-Pitre connaît le même sort certains week-ends « , déplore Patrice Abdalah. “Or, le ministère de l’Intérieur considère que les policiers sont en nombre suffisant, que la Guadeloupe s’inscrit dans la moyenne nationale. Sauf que la Guadeloupe est une île  » rappelle Patrice Abdalah. «  Dans l’Hexagone, tout département peut bénéficier en cas de coup dur de l’appui de brigades venues des départements limitrophes. Une telle solidarité est impossible en Guadeloupe  » détaille le syndicaliste. Dans le même temps, les violences à la personne perdurent. Deux croisiéristes ont été agressés dimanche 6 mars aux abords du port de Pointe-à-Pitre. Une femme a été la victime collatérale d’un échange de coups de feu à Capesterre-Belle-Eau.

 

SAINTE-ROSE

À Duzer, on n’explique pas la montée de la violence

Les deux fonctionnaires municipaux que nous avons suivis sont confrontés depuis deux ans à une montée de la délinquance devenue fréquente. Reportage.

Mercredi 24 février 2016. 15 heures. En compagnie de deux policiers municipaux, nous traversons Duzer Sainte-Rose. Le quartier est désert. Pas un passant. De rares voitures se dirigent vers le centre bourg de la ville. Des villas, le plus souvent juxtaposées, s’égrènent le long d’une interminable route. Après trois kilomètres, quatre jeunes, coiffés de locks fument et discutent sous la véranda d’une case.  » Ce n’est rien. C’est même très courant  » explique l’un des policiers qui nous accompagnent.  » Cette scène peut s’observer en n’importe quel coin de la Guadeloupe  » ajoute-t-il.  » Les jeunes sont désœuvrés et passent leur temps à fumer de l’herbe. Cela ne veut pas dire qu’ils sont forcément des délinquants  » renchérit l’autre policier dont le regard scrute la rue. Comme leurs collègues, les deux fonctionnaires municipaux sont confrontés depuis deux ans à une montée de la délinquance à Duzer. D’autant plus préoccupante qu’elle reste inexpliquée. Les quelques personnes que nous rencontrons ne peuvent que constater, le phénomène. Léo, cinquante ans, fonctionnaire, un chapeau de paille sur la tête, a, lui, son idée :  » Duzer était calme. Avec les récentes constructions, d’autres personnes sont venues habiter ici et dans leurs rangs, il y a des voyous qui étaient basés à Baie-Mahault ou ailleurs « . Depuis janvier 2015, les faits délictuels se sont succédé à Duzer. Le 15 janvier puis le 7 septembre 2015, les services de gendarmerie ont relevé une série de braquages au pistolet et au gaz. Une semaine plus tard, la nuit du 13 septembre 2015 a été le théâtre de vols à mains armées, des coups de feu et des véhicules incendiés. La thèse de Léon ne justifie pas, cependant, les violences entre parents, entre conjoints ou encore les altercations entre individus qui se connaissent. Ce type de délinquance a lui aussi explosé depuis un an à Duzer. Le 21 décembre 2015 à 23 heures un amoureux éconduit a frappé violemment son ex-compagne. La jeune femme a été transportée entre la vie et la mort au CHU de Pointe-à-Pitre. Le 11 octobre 2015 ce sont deux sœurs, voisines l’une de l’autre, qui se sont écharpées pour une histoire de clôture. Dimanche 10 mai 2015 à 4 heures de l’après-midi une violente altercation a éclaté entre plusieurs individus, devant une discothèque de Duzer…

Ce mercredi, les deux policiers ont fini leur ronde,  » c’était calme aujourd’hui, nous glisse l’un d’eux, on préfère cela, mais ce n’est pas si fréquent.  »

AUTORITE PUBLIQUE

Un rapport au contenu dérangeant

Les trafiquants communiquent via WhatsApp alors que les autorités peinent à reconnaître l’existence de la circulation organisée d’armes, y compris de fusils d’assaut. Révélations.

C’est une note opérationnelle datée du 25 novembre 2016 et qui s’avère explosive par son contenu. Sur onze pages, les enquêteurs de l’unité anti-gang et économie souterraine s’attachent à éclairer leur hiérarchie sur la nature du trafic qu’ils ont découvert. Ils révèlent que la contrebande d’armes illégales de provenance étrangère est une réalité en Guadeloupe. La note fait état d’une filière d’approvisionnement internationale qui sous couvert d’événements festifs permet aux trafiquants de faire leur marché. Les enquêteurs estiment qu’entre août et novembre 2015, près de 200 armes ont été introduites par ce biais sur le territoire guadeloupéen. La liste comporte des armes de poing de gros calibre de marque Smith et Wesson et Glock, vendues avec réservoirs et munitions. La note confirme, et c’est le point d’achoppement, que des armes de guerre de type Remington et Kalachnikov modèle AK 47, quoi qu’en moindre volume, sont en circulation dans l’île. Quant au montant des transactions, il peut s’élever à 3 000 euros pièce pour les armes de poing avec chargeur et lot de munitions, et jusqu’à 5 000 euros pour les armes de type Kalachnikov.

Complices appelés  » nourrices « 

Les enquêteurs insistent sur la grande discrétion des trafiquants dans la gestion de leur business illicite. Rien ne filtre du groupe qu’ils se sont constitués sur WhatsApp. C’est par ce réseau que les trafiquants font étalage de leur catalogue. En ce qui concerne l’approvisionnement, les policiers de l’unité anti-gang et économie souterraine révèlent que c’est sur l’île d’Anguilla voisine de Saint-Martin que les transactions entre trafiquants locaux et internationaux ont eu lieu. En août 2015, lors de l’August Monday, ces trafiquants ont ainsi pu négocier un volume d’armes important. Ces dernières ont été pour la plupart écoulées lors d’une fête intitulée  » Chiken and beer « , organisée à la pointe à sable à Petit-Canal. Une plage discrète, voire secrète, en raison de son accessibilité possible uniquement par la mer. Les enquêteurs insistent sur la grande prudence des trafiquants. Ils commandent et écoulent de très faibles volumes d’armes. La note dévoile l’existence de complices appelés  » nourrices  » qui aident les trafiquants à stocker les objets de leur contrebande le temps de trouver des acheteurs. Selon les policiers, la grande porosité des côtes permet à ce type de trafic d’exister en liaison avec le trafic de stupéfiants. Ils estiment que ces ventes illégales ont pu générer entre 400 000 et 600 000 euros en trois mois. Tous ces éléments ne sont pas de nature à rassurer les enquêteurs qui constatent, impuissants, que les trafiquants radicalisent leur mode opératoire.

VOX POP

Avez-vous le sentiment que la violence augmente autour de vous ?

Joseph Telbois, Sainte-Rose, Charpentier

La violence se développe partout en Guadeloupe. Pas un jour qui passe sans qu’on apprenne un fait de violence nouveau. Toutefois, dans mon environnement personnel ou chez les gens proches de mois je n’ai pas le sentiment que la violence augmente. Mais aux alentours, je dois reconnaître qu’elle gagne du terrain. C’est un fait indéniable.

Marizztta Séligny, Baie-Mahault, Enseignante

Non. Je n’ai pas ce sentiment. Dans mon proche environnement, il n’y a pas de violence dont je sois témoin et je n’en ai jamais été victime. Il est vrai qu’il y a ici et là des faits constatés en Guadeloupe mais cela n’affecte pas directement mon quotidien. S’il faut parler de mon propre vécu je dirai que je ne ressens pas ce sentiment de violence. En tout cas, pas plus que d’habitude, pas près de moi.

Hubert Bartebin, Abymes, Travaille dans l’immobilier

Oui. Cette violence s’exprime au quotidien dans nos modes d’expression. Il suffit de voir certaines attitudes sur la route. Un rien suffit à un déferlement de violence verbale et parfois physique. Il y a aussi toutes ces musiques qui viennent des îles anglophones. Le sexe y côtoie la violence. Toute une génération s’identifie à ces modèles et porte en elle ces germes d’agressivité.

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