Rodrigue Trèfle, PDG de la Safer Guadeloupe

Dans ce troisième volet de l’enquête consacrée à la Safer, Le Courrier de Guadeloupe revient sur les controverses entourant l’attribution de la parcelle AE 191 à Durival, Le Moule, où la Safer Guadeloupe soupçonnée d’avoir écarté un jeune agriculteur, Cyrille Moutoussamy. Entre courriers douteux attribués à Jean-Claude Machecler, chiffres contestés sur les terres exploitées par Monsieur Moutoussamy, et une vente précipitée à un tiers, l’affaire révèle des pratiques opaques et des décisions controversées.

La Safer Guadeloupe a tenté de démontrer que Cyrille Moutoussamy, jeune agriculteur candidat à l’acquisition de la parcelle AE 191 à Durival, Le Moule, disposait déjà d’une superficie agricole suffisante pour disqualifier sa demande. Sous l’impulsion de son PDG, Rodrigue Trèfle, l’organisme a avancé l’idée que Monsieur Moutoussamy pourrait récupérer la parcelle occupée par la famille Machecler, et s’est appuyé sur des courriers attribués à Jean-Claude Machecler, que les proches de Jean-Claude Machecler soupçonnent d’avoir été fabriqués.

Des courriers controversés et des chiffres contestés

Ces courriers, semblent avoir été conçus dans l’optique d’une éventuelle judiciarisation de l’affaire. Le relevé commandité par la Safer à l’avocate Maitre Elisabeth Calone liste plusieurs parcelles censées appartenir ou être exploitées par Cyrille Moutoussamy : AC 34 (0,55 ha), AC 48 (1,09 ha) et AS 812 (4,19 ha), toutes situées au Moule.

Cependant, même avec ces 4,19 hectares ajoutés, Cyrille Moutoussamy ne disposerait que de 5 hectares, insuffisants pour appuyer l’argument d’une « surabondance » de terres. Pour pallier ce déficit, Maître Calone ajoute dans ses notes :

« Par ailleurs, il exploite à travers Caraïbe Melonnier, à titre personnel environ une trentaine d’hectares et également au nom de la SCEA Agriperfect dont il en est le gérant, environ une dizaine d’hectares. »

Cette assertion est contestable pour deux raisons. D’une part, Cyrille Moutoussamy avait cédé toutes ses parts dans la SCEA Agriperfect à son père Laurent Moutoussamy dès le 15 janvier 2020, soit plus d’un an avant le comité technique du 11 août 2021 qui a rejeté sa candidature. D’autre part, son implication dans Caraïbe Melonnier ne fait pas de lui le propriétaire des terres cultivées. Patrick Sellin, président de la Chambre d’agriculture, précise :

« Les melonniers louent les terres qu’ils cultivent et n’en sont pas propriétaires. La culture du melon génère des parasites qui au bout d’un certain temps rendent la terre improductive. Les melonniers sont obligés de trouver d’autres terres pour continuer à cultiver. Quitte à relouer plus tard des parcelles qu’ils avaient déjà cultivées. »

Ces éléments ont été confirmés par plusieurs melonniers de la région du Moule.

Une accélération de la vente

Malgré ces controverses, Rodrigue Trèfle a réaffirmé publiquement que Cyrille Moutoussamy disposait déjà d’une superficie suffisante pour son activité agricole. Il a déclaré au micro de Guadeloupe 1ère que, selon les vérifications des services de la Safer, la parcelle AE 191 ne pouvait pas lui être attribuée puisqu’il possédait déjà de trop grandes superficies.

Le 11 janvier 2024, cette parcelle a été vendue à Régis Ramassamy, seulement quelques jours après les fêtes de fin d’année, une période habituellement marquée par un ralentissement des activités administratives et notariales. Cette vente rapide intervient en dépit d’un relevé de décisions signé le 21 décembre 2023 par plusieurs parties, dont Rodrigue Trèfle, Guy Losbar (président du Conseil départemental), Xavier Lefort (préfet de Guadeloupe) et Cyrille Moutoussamy. Ce document stipulait que « tout soit mis en œuvre pour permettre à Cyrille Moutoussamy de bénéficier de la vente de ladite parcelle en lieu et place de Régis Ramassamy. »

SAFER-RELEVE-DE-DECISIONS-decembre-2023

Cependant, les engagements pris semblent avoir été rapidement écartés. Selon Hubert Quiaba, porte-parole du LCDM :

« C’est une injustice flagrante. C’est aussi une violation de la législation du code rural et ce, à tous les étages. C’est la preuve que Rodrigue Trèfle ne respecte rien, même pas sa signature. Mais ce qui est plus grave c’est qu’il n’a peur de rien. Au vu de son comportement nous posons la question : qui le protège ? »

Lors de la deuxième réunion du comité technique de la Safer le 11 août 2021, Cyrille Césaire et Dominique Dartron avaient exprimé leur désaccord quant à la manière de procéder du PDG. Tony Lanclume avait attiré l’attention sur le fait qu’un recours de l’acquéreur évincé, Cyrille Moutoussamy, ne pouvait être écarté. Rodrigue Trèfle avait cinglé : « Le comité n’émet qu’un avis. Tant que cette décision n’a pas été signifiée au candidat par le président du conseil d’administration qui est le président (Ndlr c’est-à-dire Rodrigue Trèfle lui-même) aucune attribution n’est effective ». Une autre façon de dire, ici c’est moi et moi seul Rodrigue Trèfle qui décide.

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