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Réforme fléchée

"Fuckly ce chercheur"

Les mots charrient des idées – des concepts dirait Aristote — qui échappent bien souvent à leur sens premier, au point d’ailleurs de s’en éloigner complètement au bout d’un certain temps pour signifier tout autre chose. Ainsi le mot réforme a envahi la sphère économique et politique et s’accompagne d’un a priori plus que flatteur. Les pays comme la France pour ne pas la nommer qui n’ont pas mis en place des réformes réputées absolument nécessaires par ces pseudo économistes-prévisionnistes-pourfendeurs de toute mesure un tant soit peu sociale sont condamnés à dégringoler. Si ce n’est disparaître du concert des pays développés. Or, que signifie à leurs yeux réformer ? Réformer c’est tout simplement adopter le modèle économique ultra libéral dont l’illustration parfaite est les États-Unis d’Amérique. C’est réduire à sa plus simple expression les dépenses publiques sauf bien sûr celles qui concourent à maintenir l’ordre, la protection des personnes et surtout des biens. Car les avoirs que ceux qui accumulent doivent être protégés. Surtout pas d’État prône le parti républicain américain. À tel point d’ailleurs que bientôt ce sont les multinationales qui dicteront leur loi aux États. Le traité de libre-échange transatlantique que concoctent pour la fin 2015, les technocrates européens aboutira à l’affaiblissement voir l’effacement des États. Il est d’ailleurs prévu dans le package, que les tribunaux d’arbitrage supplantent les juridictions nationales. Les États et les gouvernements n’auront qu’un droit : se taire et laisser faire. N’empêche, il faut entreprendre des réformes. C’est la voie, la seule, l’unique, que dis-je, le saint graal. Hors la réforme point de salut ! Le pire c’est que même ceux qui idéologiquement devraient combattre cette hégémonie de la pensée, s’y laissent prendre. Les socialistes disent eux aussi qu’ils entreprennent des réformes en ayant le sentiment d’être non seulement dans l’air du temps, mais dans le vrai absolu. En Guadeloupe, il y avait le fameux slogan on sel Chimen, l’Europe elle a sacralisé – vrai dogme — le principe intangible de la réforme, et entend l’imposer à tous ceux qui traînent encore à faire des coupes sombres dans leurs budgets sociaux. Une sorte de remake du fameux on sel chimen qui a longtemps sévi sous nos cieux. Le sens unique donné au mot réforme est de surcroît abusif. Pour les tenants du libéralisme forcené on ne peut réformer que dans un seul sens. Celui qui leur convient à savoir supprimer les dépenses publiques surtout celles qui concerne le social. Modifier par exemple une loi dans le souci d’une meilleure protection d’une catégorie réputée faible ou défavorisée n’est pas une réforme. C’est au contraire un recul préjudiciable aux réformes. Bref, c’est le triomphe de la réforme fléchée. Or le mot réforme a conquis ces lettres de noblesse avec l’avènement des protestants au XVème siècle et au XVIème siècle, il s’agissait pour Martin Luther et Jean Calvin pour ne citer que les plus connus de revenir aux sources du christianisme et de dénoncer la corruption de toute la société engendrée par le commerce des indulgences. Aujourd’hui on est loin du compte. À l’époque, la religion catholique considérait qu’on pouvait sauver son âme en rachetant ses péchés, c’est-à-dire en payant rubis sur l’ongle ! La Réforme a eu aussi un accent politique. Ce fut un moyen pour les princes d’affirmer leur indépendance face à la papauté toute puissante. Avec la réforme fléchée nous sommes donc aux antipodes de la genèse du mot réforme qui loin de prôner toujours plus de pouvoirs en faveur des plus puissants, voulait mettre fin au pouvoir absolu d’une Église qui se vautrait dans le lucre et confondait allégrement les ors du pouvoir temporel et la digne magnificence du pouvoir spirituel. Aujourd’hui la réforme c’est moins d’humanité pour toujours plus de profits.

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