Accueil Société Près de 70 % des retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté

Près de 70 % des retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté

Une grande majorité de Guadeloupéens disposent de pensions de retraite insuffisantes pour vivre décemment. Les agriculteurs, les professions libérales, et les indépendants sont les catégories sociales les plus touchées par cette réalité. Un monde qui vit en dessous du seuil de pauvreté.

Les compléments de revenus ne sont pas demandés

Absence de revenus. Seuil de pauvreté. Les retraités connaissent des problèmes quant à la hauteur de leurs pensions.. Les compléments de revenus ne sont pas demandés Absence de revenus. Seuil de pauvreté. Les retraités connaissent des problèmes quant à la hauteur de leurs pensions.

« La retraite et l’épargne à l’heure des choix « , tel était le thème de la conférence qui s’est tenue mercredi 16 avril au Mémorial ACTe à Pointe-à-Pitre. Philippe Crevel, directeur du cercle de l’épargne et Jérôme Jaffré directeur du Centre d’études et de la connaissance de l’opinion publique ont devant une salle comble animée la manifestation. Les deux conférenciers ont affirmé que la retraite par répartition contrairement aux prédictions les plus pessimistes n’était pas menacée de disparition. Le Français moyen se soucie surtout de la manière la plus efficace de l’agrémenter en souscrivant souvent à une assurance-vie. Deux interventions dans le public ont ramené le débat à la réalité guadeloupéenne. Un agriculteur a affirmé que dans sa profession, les travailleurs n’ont pas de retraite et que par conséquent, il n’en aura pas. Une infirmière libérale a tenu le même langage, illustrant ainsi le sort de nombre de personnes ayant exercé une profession libérale. Selon les chiffres fournis par le service vieillesse de la sécurité sociale, 66,57 % des retraités guadeloupéens qui dépendent de cette caisse générale de sécurité sociale en matière de retraite touchaient en 2015, une pension d’un montant de 632 euros. Une somme largement inférieure au seuil de pauvreté, fixé en France à 803 euros. Une situation anormale puisqu’en vertu du dispositif allocation solidarité personnes âgées (ASPA) aucune personne de 65 ans ne devrait avoir des revenus inférieurs à 800 euros. L’ASPA est censée abonder la pension de retraite jusqu’à hauteur de 800 euros.  » À condition de demander ce complément de revenus  » explique Betty Besry directrice du service vieillesse de la sécurité sociale.  » Peu de gens font la démarche soit parce qu’ils ne savent pas, soit parce que cette allocation est récupérable sur la succession « . L’autre réalité guadeloupéenne à laquelle les pouvoirs publics doivent faire face est le vieillissement significatif de la population. Disposant de revenus faibles cette population est très fragilisée. «  La situation est encore plus compliquée dans certaines communes touchées par ce qu’on appelle le grand vieillissement  » explique encore Betty Besry.  » Il s’agit de Saint-Louis à Marie-Galante, Port-Louis, Pointe-à-Pitre, et les communes de la Côte sous le vent. « . Dans ces communes les pouvoirs publics – la sécurité sociale comprise — ont décidé de mettre l’accent sur le bien vieillir. La caisse générale de sécurité sociale finance la rénovation des logements des personnes âgées, consent des prêts sur vingt ans. Selon Joël Destom, directeur de la caisse guadeloupéenne de retraites par répartition (CGRR) et organisateur de la conférence,  » les générations guadeloupéennes futures devraient connaître moins de problèmes de retraite quant à la hauteur de leurs pensions. A priori, leurs parcours professionnels sont moins susceptibles d’être émaillés de trous.  » En attendant la Guadeloupe est peuplée de personnes âgées pauvres.

La majorité n’a pas cotisé les 142 trimestres

 » La retraite a commencé tardivement en Guadeloupe.  » Betty Besry connaît son sujet sur le bout des doigts.  » Les centenaires d’aujourd’hui n’ont eu le temps de cotiser que 30 ans.  » La directrice de la caisse vieillesse de la sécurité sociale explique :  » En moyenne le retraité guadeloupéen ne peut faire état que d’une centaine de trimestres. C’est peu. 142 trimestres, c’est le tarif d’une retraite complète. Les centenaires qui partent de plus loin justifient en moyenne de 80 trimestres. Le compte n’y est pas. «  La Guadeloupe compte 150 centenaires. Seule une quinzaine touche 800 euros par mois selon les chiffres de la caisse vieillesse de sécurité sociale. Betty Besry explique que pendant longtemps beaucoup de travailleurs n’ont pas été déclarés. Lorsque que certains retrouvent leurs fiches de paie ou leurs attestations, ils peuvent désigner leurs employeurs. La partie n’est pas pour autant gagnée. Si dans les archives de la caisse rien n’est trouvé ce sont des années perdues, des trous dans la carrière du salarié. Betty Besry veut croire que la situation ne peut que s’améliorer. «  Depuis la réforme de 2010, le salarié peut vérifier sa situation. Il peut avoir une vision des déclarations de son employeur « .

RECIT

Les agriculteurs travaillent jusqu’à la mort…

Pas de retraite. Les plus démunis du secteur agricole restent les exploitants agricoles et leurs femmes.

« Les exploitants agricoles n’ont pas de ressource. Ils n’ont pas de retraite. Ils travaillent jusqu’à la mort, parce qu’ils n’ont pas le choix.  » Jean-Marie Nomertin secrétaire général de la Confédération générale du travail de la Guadeloupe (CGTG), joint au téléphone le 4 mai fait une description peu réjouissante de la situation de cette catégorie de travailleurs. Selon lui, le sort des exploitants agricoles est pire que celui des ouvriers de la banane.  » Rien, ils n’ont rien. Aucune retraite. Ils travaillent jusqu’à ce qu’ils n’en peuvent plus  » déplore-t-il. Le syndicaliste tient toutefois à distinguer le sort de ces exploitants agricoles de  » ceux qui ont réussi leur conversion dans la grande distribution ou qui ont monté une foultitude de SCI dans l’immobilier « . Il croit savoir que  » ceux-là vivent bien. Ils tirent profit de tout ce qui leur permet d’engranger, la défiscalisation notamment.  » Betty Besry directrice du service vieillesse de la sécurité sociale confirme que les exploitants agricoles sont plus de 10 000 à connaître une situation difficile à l’égard de leur retraite. Parce qu’ils n’ont pas cotisé.  » Ce n’était pas une priorité pour eux. La situation des femmes des agriculteurs est encore plus poignante  » poursuit-elle.  » Alors que pour une même cotisation, le mari et l’épouse ont droit comme à une retraite. « . Betty Besry explique qu’il a été particulièrement difficile de leur apporter l’information.  » Nous avons essayé les mairies. Sans résultat. Finalement nous avons pu les approcher en passant par les sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA). Nous avons mis aussi l’accent sur le travail des conseillers. Aujourd’hui, ils commencent à comprendre. C’est tard car beaucoup d’entre eux étaient déjà en difficulté. « . Les ouvriers agricoles eux jouissent d’une petite retraite. «  600 euros pour les plus chanceux  » précise Jean-Marie Nomertin.  » Les autres touchent plutôt 200 euros. C’est l’allocation solidarité personnes âgées qui leur fait atteindre les 800 euros « . Les ouvriers agricoles n’ont pas non plus de retraite complémentaire.  » Il faut un accord avec les patrons. Ils ne veulent pas négocier avec nous  » conclut Jean-Marie Nomertin.

TEMOIGNAGE

Amélie* 71 ans :  » tant que j’aurai la santé « 

Impossible de s’occuper de ses petits-enfants. Une simulation a 234 euros par mois. Le témoignage recueilli illustre comment certaines personnes en âge d’être retraitées sont dans l’impasse.

Amélie exerce une profession libérale des plus cotées. Elle s’assure que nous ne dirons pas laquelle parce qu’elle ne veut pas être reconnue. Nous lui avons donné aussi un prénom d’emprunt. Amélie a 71 ans et travaille encore.  » Pas par bon plaisir  » dit-elle.  » Je n’ai pas les moyens de faire autrement. J’aimerais bien pouvoir m’occuper tout le temps de mes petits-enfants. Impossible.  » Il ne faut surtout pas parler de retraite à Amélie. Elle explose littéralement.  » J’ai fait une simulation, histoire de connaître le montant auquel j’avais droit. J’ai tout de suite compris que ce n’était pas la peine « . Pour quelle raison ? Amélie s’exclame «  j’aurai droit à 234 euros par mois. C’est impossible de vivre avec une pareille somme « . Pourquoi Amélie se retrouve-t-elle dans pareille situation ? La dame qui porte avec distinction son tailleur chic se tait. Elle fait les cent pas dans le salon où elle nous reçoit. Elle lève les yeux au ciel. La question l’agace. Elle passe ses mains dans ses cheveux qu’elle porte lâchées. A-t-elle cotisé ?  » Oui  » dit-elle «  j’ai cotisé. Sûrement pas assez. Et pas tout le temps. C’est vrai.  » Pourquoi n’avoir pas cotisé régulièrement ? «  Le problème c’est qu’avec ces foutus organismes où nous cotisons, tout est à l’envers. Ils perdent tout. Ils demandent 36 fois les mêmes papiers « . Est-ce qu’Amélie regrette de n’avoir pas été plus vigilante ?  » Oui parce que dit-elle c’est la norme d’avoir une retraite. Tout le monde est fier d’avoir une retraite  » Et puis brusquement Amélie se ravise. Au fond elle ne regrette pas vraiment.  » J’ai toujours travaillé  » dit-elle en ouvrant grandes les deux mains. Tant que j’ai la santé. Je m’en sortirai « . Et après ? La question est restée sans réponse.

INTERVIEW

 » Nous allons attaquer l’URSSAF pour la perte de nos données « 

Dominique Virassamy est couturier et président de l’association  » Sauvons nos entreprises guadeloupéennes « . Interrogé par téléphone le 4 mai, il est vent debout contre le RSI. Selon lui le régime prive plus de 20 000 entrepreneurs guadeloupéens de leur droit à une retraite complète. Un bug informatique aurait fait perdre des millions de données à l’URSSAF.

Le Courrier de Guadeloupe : Pourquoi allez-vous porter plainte contre l’URSSAF ?

Dominique Virassamy : L’URSSAF doit justifier de cette perte de données. Elle doit trouver une solution soit en accordant un forfait d’années aux cotisants ou alors que le RSI accepte de donner un forfait de trimestres. Nous exigeons un forfait de remise de trimestre ou alors un forfait de volume de paiement.

Quel montant de retraite perçoivent les cotisants ?

Les personnes sans emploi perçoivent le RSA (un peu moins de 500 euros en Guadeloupe), les chefs d’entreprise qui ont cotisé toute leur vie ne perçoivent que 30 à 40 euros par moi. Il y a le cas de cette dame qui dans l’Hexagone, ne perçoit que 0,90 centimes de retraite par mois. Et le RSI a eu le culot de lui écrire pour lui annoncer que sa retraite a été recalculée de 0,90 centimes à 1,05 euro. En contre-exemple, un ébéniste s’est vu signifier un crédit de 2,154 milliards d’euros.

Comment en est-on arrivé là ?

Avant 2006 l’URSSAF gérait trois entités. Elles ont été remplacées par le RSI. Le logiciel TAIGA qui jadis collectait les données a été remplacé par celui du RSI, le SNV2. En réalité ces logiciels étaient incompatibles. Selon un rapport de la Cour des comptes cela a généré un immense bug informatique. En 2008, des millions d’informations ont ainsi disparu de la banque de données de l’URSSAF. Cela veut dire qu’il n’y a aucune trace des cotisations payées par les chefs d’entreprise avant 2006. Le RSI se révèle incapable de déterminer un montant de retraite pleine pour tous ceux qui ont 30 à 40 ans de cotisations.

Quels sont les autres dysfonctionnements ?

Quand certains de nos adhérents apportent la preuve de paiements, le RSI persiste à leur dire  » oui, vous avez la preuve mais l’ordinateur dit que vous devez payer « . Pire encore, quand vous insistez, le RSI vous répond : «  il ne s’agit pas de cette cotisation, mais d’une autre « . Si vous en apportez de nouveau la preuve, ils vous rétorquent que ce n’était pas des cotisations mais des pénalités. Comment peut-il s’agir de pénalités si vous avez payé à temps ?

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