Adulée, honnie, crainte, femme de pouvoir. Lucette Michaux-Chevry est décédée le 9 septembre. Éclairage sur sa gestion des affaires publiques durant près de quarante ans.
Lucette Michaux-Chevry figure éminente de la vie politique en Guadeloupe pendant près de quarante ans est décédée à l’âge de 92 ans, jeudi 9 septembre, « des suites d’une longue maladie » a annoncé sa fille Marie-Luce Penchard sur les réseaux sociaux le jour même. Elle était atteinte d’un cancer à la gorge depuis 10 mois.
Adulée par les uns, honnie par les autres, crainte par beaucoup, femme de conviction et de pouvoir, Lucette Michaux-Chevry est sortie souvent des clous et a défrayé la chronique judiciaire. Plusieurs fois mise en examen dans les années quatre-vingt-dix (affaire Pakary, celle du comité des œuvres sociales de Gourbeyre, défaut d’appel d’offres dans la construction des lycées), elle est à nouveau impliquée en 2016 dans une affaire de détournement de fonds publics. Elle avait obtenu d’entreprises, la rénovation de la salle de bains de son appartement parisien en échange de plusieurs marchés publics. La fin de carrière politique de Lucette Michaux-Chevry s’apparente à un périple judiciaire. Juin 2017, elle est mise en examen pour détournement de fonds publics et escroquerie en bande organisée, dans le dossier de la communauté d’agglomération Grand sud caraïbe. Janvier 2019, nouvelle mise en examen pour détournement de fonds publics. Le 8 décembre 2020, la cour d’appel de Basse-Terre la condamne à deux ans de prison avec sursis, à 100 000 euros d’amende, à cinq ans d’inéligibilité et à l’interdiction d’exercer toute fonction publique. Voilà pour les nombreuses ombres au tableau.
Grande implication
Tous ces écarts avec l’orthodoxie de la gestion publique coexistent avec la grande implication et la détermination dont a fait preuve Lucette Michaux-Chevry dans la construction et l’évolution de la Guadeloupe. Son action la plus complète, la plus significative au niveau de l’aménagement du territoire, donne un nouveau visage au Moule, commune qui somnolait depuis plus de quarante ans et que le cyclone Hugo avait complètement décatie en 1989. » Sans Lucette Michaux-Chevry Le Moule n’aurait pas accompli sa métamorphose » explique Jean-Luc Romana, directeur de cabinet de Gabrielle Louis-Carabin, maire du Moule. La réalisation du boulevard maritime en 1998 est le symbole le plus visible de cette résurrection du Moule. « C’est ce boulevard qui va enclencher la transformation de la ville » insiste encore Jean-Luc Romana. La construction de la Zac de Damencourt portée par la Semsamar a prolongé l’œuvre. « Lucette Michaux-Chevry a permis à la ville du Moule d’affirmer sa vocation urbaine en finançant des équipements importants au niveau des deux entrées de la ville : L’autre Bord et la baie du Moule », se réjouit Jean-Luc Romana. Félix Proto que Lucette Michaux-Chevry a remplacé à la tête de la Région avait programmé ou initié des projets. Ils ont contribué à parfaire l’aménagement du territoire de la Guadeloupe. Notamment les infrastructures routières et l’implantation des lycées. Tout le mérite et la sagesse politique de Lucette Michaux-Chevry, alors qu’elle avait critiqué la mandature de Proto, c’est d’avoir mené à leur terme la plupart des projets que son prédécesseur avait entrepris ou programmés. Ce choix a contribué à l’amélioration du réseau routier entre Pointe-à-Pitre et Basse-Terre. La déviation de Capesterre Belle-Eau est sans doute l’ouvrage le plus significatif dans ce domaine. Le deuxième franchissement du pont de la Gabarre avec en prime le pont de l’Alliance est à mettre aussi au crédit de l’ancienne ministre de Jacques Chirac. Dans l’agglomération de Basse-Terre, l’ex-présidente de région qui deviendra par la suite maire de la ville a réalisé l’aménagement de la marina de Rivières sens à Gourbeyre et le boulevard du Front de mer du chef-lieu. Plusieurs lycées programmés sous la mandature de Félix Proto ont eux aussi été réalisés sous la mandature Michaux-Chevry : le lycée hôtelier du Gosier, celui de Port-Louis, le lycée Charles Coeffin de Baie-Mahault, celui de Sainte-Rose. Enfin, les ouvrages monumentaux qui ornent le rond-point de la marina de Pointe-à-Pitre, à celui de l’entrée de l’aéroport Pôle Caraïbe aux Abymes ou encore au rond-point du boulevard Front de mer à Basse-Terre, ont été exécutés par le plasticien Michel Rovélas sous l’impulsion d’une volonté exprimée par Lucette Michaux-Chevry. Elle est à ce titre la première personnalité politique à avoir intégré de façon aussi nette, l’art dans l’espace public en Guadeloupe en utilisant une partie des fonds prévus à cet effet. Elle dira d’ailleurs que son seul regret aura été de n’avoir pas suffisamment œuvré à vitaliser le secteur culturel local.
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