Laurella Rinçon, ancienne directrice du Mémorial acte, a comparu mardi 23 janvier devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre pour des accusations de favoritisme dans l’attribution de marchés publics. Les débats se sont étalés du milieu de matinée jusqu’à 18 heures dans une salle glacée, devant une douzaine de personnes, avocats magistrats et journalistes compris.
Après lecture du chef d’accusation par le président du tribunal, l’avocate de Laurella Rinçon, Maître Margot Fontaine a soulevé des nullités concernant les procédures d’enquête et a remis en question l’impartialité de l’enquêteur de la police judiciaire F.D. Elle l’a accusé d’avoir mené une enquête à charge, ne consultant que des salariés ne connaissant rien aux marchés publics et ignorant ceux qui pouvaient fournir des informations objectives.
L’ombre d’Ary chalus
Maître Fontaine a souligné que F.D. qui a mené l’enquête sur les marchés du Macte est celui-là même qui a envoyé Ary Chalus devant le tribunal correctionnel de Basse-Terre. Sauf que F.D. s’est fait recruter par la Région le 16 octobre 2023 alors que trois mois plus tôt, le 12 juillet 2023 sur la base des éléments de l’enquête de F.D. Laurella Rinçon était en garde à vue. « Or chacun sait que le président de Région n’avait qu’une obsession virer la directrice du Macte », a appuyé Maître Fontaine.
Les nullités ont été jointes au fond. S’en est suivi alors un long interrogatoire de Laurella Rinçon mené par le président du tribunal.
Dans sa robe blanche surmontée d’une veste grise, debout à la barre des accusés, Laurella Rinçon répond : « J’ai demandé plusieurs fois à la Sem patrimoniale dont le Macte dépendait auparavant et au conseil régional de lancer les procédures de renouvellement des marchés publics quand ils arrivaient à échéance, en attendant que je puisse reconstituer les compétences en interne. Car il n’y avait ni service des marchés ni comptabilité expérimentée au Macte. Ils ont refusé », a-t-elle plaidé.
Dans l’urgence, l’ex-directrice générale a prolongé les marchés de sécurisation et de nettoyage « avec les entreprises choisies par le conseil régional, pour éviter la fermeture du Macte » a-t-elle expliqué. « Vous étiez l’ordonnateur oui ou non ? » a cinglé plusieurs fois le président du tribunal.
Lorsque Laurella Rinçon s’étonne que des poursuites ne soient pas diligentées contre la directrice par intérim qui elle n’ont plus n’a pas lancé les marchés, le président rétorque que l’opportunité des poursuites est l’affaire du ministère public. Autrement dit du procureur.
Les biens personnels de Laurella Rinçon visés
Maître Diallo, avocat du Mémorial acte, a estimé que l’institution avait subi un préjudice financier et a demandé le remboursement de près de 900 000 euros montant des prestations réalisées au profit du Macte sans publication de marchés. Il a également demandé une exécution provisoire et a visé un bien personnel de Laurella Rinçon, appartement à Paris d’une valeur de 800 000 euros.
Dans son réquisitoire, le procureur a avancé qu’il n’y avait aucun acharnement contre Laurella Rinçon. Il a soutenu que cette dernière n’assumait pas ses responsabilités. Selon lui, l’élément matériel est évident et l’élément intentionnel se fond dans l’élément matériel et n’a pas à être démontré dans ce type d’infraction selon la jurisprudence.
Il a indiqué qu’il n’y avait pas d’enrichissement personnel dans cette affaire. Les comptes bancaires de Laurella Rinçon ont été vérifiés. Il a toutefois requis contre un an de prison avec sursis, une amende de 20 000 euros, une inéligibilité de deux ans et une interdiction de travailler dans la fonction publique pendant deux ans.
La défense a d’abord exposé que l’ex-directrice du Macte a hérité d’une structure inorganisée et s’est heurtée aux obstacles érigés par le conseil régional. Elle a ensuite repris une à une les factures évoquées par le procureur et le président du tribunal. Certaines concernaient des marchés venus à terme alors que Laurella Rinçon était suspendue de ses fonctions. La direction générale du Macte était alors assurée par un agent de la Région. L’ensemble de ces factures étaient de surcroît liées à des marchés qu’avait signés la Région ou encore la Sem patrimoniale a encore précisé Maître Fontaine.
L’avocate de la défense a évoqué aussi le contexte dans lequel la directrice générale a exercé : « Le conseil régional entendait rester maître à bord. Il a passé par-devers le Macte un contrat avec un restaurateur qui a transformé le local du Macte en boîte de nuit le week-end, du nom de « L’intemporelle ». La Région a occupé indûment l’espace du Macte pendant la Route du rhum. Le président de Région a demandé au préfet l’autorisation d’installer une vidéo surveillance au Macte. Toutes ces ingérences sont illégales. Elles ont été relevées dans le rapport de la Chambre régionale des comptes », a martelé Maître Fontaine.
L’argument juridique de Maître Fontaine a porté sur la notion d’élément intentionnel. Selon elle, la jurisprudence a évolué depuis 2020. Elle ne décrète plus systématiquement que l’élément intentionnel découle de l’élément matériel lorsqu’il s’agit du délit de favoritisme. Maître Fontaine a ensuite dénié tout préjudice du Macte dans cette affaire. « Ce sont des prestations dont le Macte a bénéficié. Je ne vois pas où est son préjudice » a-t-elle asséné.
L’affaire a été mise en délibéré au 19 mars prochain.
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