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Le pari de la culture…

Il y a un an, le 10 mai 2015, François Hollande président de la République inaugurait le Mémorial ACTe -Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage- en présence de trois chefs d’État, le Sénégalais Macky Sall, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, l’Haïtien, Michel Martelly, ainsi qu’une quinzaine de ministres caribéens. Moment intense s’il en est, tant la solennité et le symbole étaient forts. La polémique toujours prompte à surgir, allait bon train. « Trop cher, inutile quand le pays compte tant de chômeurs, folie des grandeurs. La Guadeloupe n’a pas besoin de cela ». Cette rhétorique fleurait bon la campagne électorale. C’est sans doute dans l’ordre des choses. D’autres esprits plaçaient le curseur ailleurs. À quoi bon rappeler tout ce passé ? Mieux vaut regarder vers l’avenir. Et tutti quanti… Et puis, les esprits se sont apaisés. Aujourd’hui, la controverse n’a plus vraiment le vent en poupe. L’opinion s’est rangée à l’idée que le Mémorial ACTe était une réalisation exceptionnelle. Pas seulement parce que localisée en Guadeloupe. Il est vrai que le pays a rarement vu pareil édifice se dresser aussi majestueusement. Exceptionnel et singulier aussi et surtout, parce que ce projet dans son entier, relevait d’une audace folle. Ériger dans un petit pays un monument qui a la prétention de symboliser et d’imposer au-delà de ses rives, le respect d’une douleur sourde qui flotte encore par-delà les âges. Un crime perpétré au-delà d’un groupe, d’une race, d’un peuple. Crime contre l’humanité. Crime contre son essence.

Le Mémorial ACTe a vite enjambé notre territoire. La terre entière regarde désormais cette bâtisse avec étonnement et une pointe d’admiration. La Route du Rhum a été longtemps la seule fenêtre que nous pouvions ouvrir sur le monde. Un événement sportif international avec en prime une forte dose d’aventure, tout le monde marche. Les sponsors surtout. L’image et le marketing ont toujours fait bon ménage. Ce créneau est utile et efficace. Notre territoire a raison de l’avoir apprivoisé. Le Mémorial ACTe situe la Guadeloupe dans une autre dimension. Celle de la communion, celle de l’âme et de l’esprit. C’est un univers tout autre, où l’immatériel transcende le réel et le laisse hagard, dépassé.

Alors se profile pour le Mémorial ACTe un autre défi, une autre conquête à réaliser. Celle d’entretenir la flamme. Celle de faire vivre sans jamais faiblir cette impérieuse rémanence des valeurs fondamentales de l’homme. Aussi paradoxal que cela pourrait paraître, cette quête de profondeur, cette nourriture de l’esprit réclame des moyens. Oui, il faut des moyens pour entretenir le feu. Des hommes, des compétences, des idées originales et neuves, de l’ambition et pour tout dire, des moyens financiers. Or, pour l’heure, nous ne savons même pas quel est le montant du budget actuel du Mémorial ACTe. La question est simple : de combien dispose le Mémorial ACTe pour fonctionner ? Combien lui faudrait-il ? Qui finance et qui continuera à financer ? Jacques Martial, le président du Mémorial ACTe est résolument dans cette dimension de l’esprit que doit en permanence raviver le lieu. Le comédien chef de projet et un rien démiurge est habité par sa mission. Il a de surcroît cette vision à la fois singulière et universelle de la culture comme lumière. Pas seulement pour voir mais aussi pour éclairer et apaiser l’âme. Aimé Césaire lors d’un entretien avec Maryse Condé avait ainsi défini la culture : « c’est tout ce que l’homme a inventé pour rendre le monde vivable et la mort affrontable ». En y réfléchissant bien, cela vaut peut-être la peine de parier sur la culture. L’homme ne vit pas que de pain… Parole d’évangile.

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