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Gouvernement Borne : Les secrets des nominations de Yaël Braun-Pivet et Justine Bénin

De gauche à droite Annick Girardin et Justine Bénin le 23 mai lors de leur passation de pouvoir au ministère de la Mer et Yaël Braun-Pivet et Sébastien Lecornu le 20 mai lors de leur passation de pouvoir au ministère des Outre-Mer.

Les nominations de la présidente de la commission des lois Yaël Braun-Pivet au ministère des Outre-mer et de la députée de Guadeloupe Justine Bénin au secrétariat d’État à la Mer font partie des surprises du nouveau gouvernement.

 

À en croire son entourage, la nouvelle ministre des Outre-mer Yaël Braun-Pivet n’a appris qu’elle serait désignée pour succéder à Sébastien Lecornu que le 19 mai, soit la veille de l’annonce de la composition du gouvernement et de sa passation de pouvoirs. Avec les nominations de Pap Ndiaye à l’Éducation, c’est l’une des principales surprises de ce gouvernement Borne, puisque si son nom avait jusqu’alors circulé, c’était soit pour la présidence de l’Assemblée, soit pour le ministère de la Justice. Cette semaine, la plupart des observateurs voyaient dans ce choix la patte de Richard Ferrand, très écouté d’Emmanuel Macron, qui a pesé dans la composition de ce gouvernement. Il souhaitait rester président de l’Assemblée et aurait donc voulu éloigner une candidate sérieuse à sa succession, car très populaire parmi les députés de la majorité. Difficile d’en savoir plus. Son entourage refusait tout commentaire. Et  » personne n’est dans la tête de Macron « , répétait-on, la semaine dernière, dans toute la macronie. Jusqu’alors, l’idée d’un retour des Outre-mer dans le giron du ministère de l’Intérieur avait d’abord été évoquée. Puis sont apparus les noms d’Olivier Dussopt, d’André Vallini – ex-secrétaire d’État de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sous François Hollande et actuel sénateur PS de l’Isère – ou de Maina Sage, députée UDI sortante de Polynésie française. Mais, de l’avis général, leur présence sur ces  » listes  » qui circulent entre politiques et journalistes à la veille de la désignation d’un gouvernement, était peu fiable. Souvent autant destinées à  » torpiller  » des candidatures qu’à les promouvoir, elles se sont d’ailleurs avérées très éloignées des décisions annoncées le 20 mai.

Jusqu’alors ministre des Comptes Publics – c’est-à-dire du budget – Olivier Dussopt est finalement affecté au ministère du Travail, et chargé de réformer les retraites. Le nom de Vallini n’apparaissait pas sérieux à grand monde, hormis le fait qu’il aurait constitué une prise à gauche. Quant à Maina Sage, très appréciée de tous ses collègues ultramarins, les uns la disaient intéressée. Mais d’autres juraient que, déjà non-candidate aux législatives, elle ne souhaitait pas être ministre. Au sein de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée, les élus étaient dubitatifs, jugeant que sa connaissance du statut de la Polynésie française – communauté d’Outre-mer et non Drom – aurait été interprétée comme le signe d’une volonté de presser l’évolution institutionnelle des départements et régions ultramarines actuelles, et dénoncée par les oppositions comme l’indice d’un abandon des Outre-mer par la France, refrain régulièrement entendu à la Réunion comme aux Antilles.

Le maintien à l’Outre-mer de Sébastien Lecornu, voire l’extension du périmètre de son ministère ont aussi été évoqués. Mais outre le fait que l’intéressé s’était montré décidé à passer à autre chose, les mauvais scores d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle en Outre-mer, aux Antilles et à la Réunion en particulier, et l’arrivée largement en tête de Jean-Luc Mélenchon au 1er tour et de Marine Le Pen au 2e, conduisaient à l’idée qu’Emmanuel Macron préférerait charger quelqu’un d’autre de  » renouer les liens « .

 

Terrain et collégialité

Comme le confiait cette semaine au Courrier de Guadeloupe une source de la majorité très au fait des dossiers ultramarins, confirmée par plusieurs interlocuteurs :  » Beaucoup estiment que, vu les situations difficiles dans plusieurs territoires, la désignation d’une personnalité ultramarine, peut être appréciée sur son territoire, mais au risque d’être mal vue ailleurs, n’aurait pas été une bonne chose « . D’autres faisaient aussi valoir que la gestion du dossier de la Nouvelle Calédonie, dont le devenir institutionnel reste à définir après le troisième référendum sur l’autodétermination,  » peut justifier que le chef de l’État fasse appel à une personne à la fois reconnue pour ses qualités d’écoute et compétente en matière juridique « . Après des débuts difficiles – notamment la présidence de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla, qu’elle n’a pas menée à son terme – Yaël Braun-Pivet, ex-avocate au pénal puis expatriée en Asie aux côtés de son mari  » loréalien « , qui répète volontiers qu’elle vient de la société civile, a en effet su, au fil des cinq ans passés à la présidence de la commission des lois de l’Assemblée nationale, faire apprécier son goût du terrain (en menant de nombreuses visites de prisons à l’improviste, par exemple) et de la collégialité, confiant de nombreux travaux à des groupes transpartisans ou en prenant des décisions collectives en bureau de sa commission. Le tout agrémenté d’une gentillesse reconnue, au-delà même de sa commission ou de la majorité présidentielle. Comme l’a souhaité le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand pendant la campagne présidentielle, l’heure, à Paris, peut être à moins de  » verticalité  » et à davantage d' » horizontalité « . Et en Outre-mer… aussi ?

 

Loyale et proche

Le choix – in extremis le 20 mai, selon le Canard enchaîné – de Justine Bénin comme secrétaire d’État à la Mer où elle succède à Annick Girardin, récompense  » la  » députée de la majorité qui a su rester à la fois loyale vis-à-vis de l’exécutif et proche de ses concitoyens en étant active sur les questions de l’eau et du chlordécone. Il permet aussi de conserver une Ultramarine au gouvernement et d’innover, en lui confiant un sujet autre que l’Outre-mer. Surtout, le choix de Justine Bénin répond (un peu) à la grogne de François Bayrou et des alliés Modem de Renaissance-LREM, qui avec Marc Fesneau, passé des Relations avec le Parlement à l’Agriculture, ne comptent plus que deux des leurs au gouvernement, contre cinq sous Castex.

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