Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la décentralisation, et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, ont présenté la stratégie du gouvernement pour le déploiement de l’éolien en mer.
« Les zones identifiées permettront de lancer, dans les prochains mois, un nouvel appel d’offres pour l’éolien offshore, touchant toutes les façades maritimes françaises », a déclaré Olga Givernet, la ministre déléguée à l’Énergie. « Ces initiatives offrent une visibilité précieuse pour la filière des énergies renouvelables et l’ensemble de l’industrie qui l’accompagne, générant ainsi de nombreux emplois locaux » a-t-elle ajouté.
Cette pièce maîtresse de la transition énergétique de la France a été présentée jeudi 17 octobre avec 3 semaines de retard. À la suite de la publication du bilan des cinq mois de consultation sur « la mer en débat », le 26 juin, par la Commission nationale du débat public (CNDP), le gouvernement avait trois mois pour rendre ses décisions. Le délai prenait fin jeudi 26 septembre.
Le débat public, « La mer en débat », qui s’est déroulé simultanément sur les quatre façades maritimes hexagonales entre le 20 novembre 2023 et le 26 avril 2024, s’est traduit par plus de 20 000 contributions écrites, selon le ministère.

La cartographie des zones prioritaires de déploiement de l’éolien offshore à horizons 2035 et 2050 est désormais connue. Cette source d’énergie renouvelable est censée représenter 1/5e de la production électrique française en 2050, avec des projets prévus sur toutes les façades maritimes de l’Hexagone.
La France qui possède le deuxième domaine maritime mondial grâce à l’Outre-mer, ne s’est cependant pas souciée d’y implanter des projets. Un oubli qui soulève questions et critiques, à la fois pour l’équité territoriale et pour la protection effective de la biodiversité.
Absence d’ambition Outre-mer
L’objectif est ambitieux : produire 18 gigawatts (GW) en 2035 et 45 GW en 2050 (soit 20 % de l’électricité française), contre seulement 1,5 GW aujourd’hui. La cartographie de déploiement concerne toutes les façades maritimes de l’Hexagone, avec des projets majeurs en Manche, Bretagne, golfe de Gascogne, golfe du Lion, avec des projets déjà prévus dès 2025.
Une absence frappe : celle des territoires ultramarins. Malgré l’importance de la zone économique exclusive (ZEE) des Outre-mer, qui couvre près de 11 millions de kilomètres carrés et représente 97 % de la ZEE française, aucun projet éolien n’y est envisagé.
Cette omission trouve sa source dans une démarche singulière : le ministère de la Transition écologique, a saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) pour orchestrer le débat public intitulé « La mer en débat » et associer le public à la mise à jour des Documents stratégiques de façade (DSF). Alors que ces DSF couvrent seulement les façades maritimes hexagonales, et que les Documents stratégiques de bassins maritimes (DSBM), qui pourtant incluent les Outre-mer, ont été écartés.
Résultat : aucun projet éolien en mer n’est prévu dans ces territoires. Cette mise à l’écart a été perçue comme une injustice territoriale, certains y voyant une instrumentalisation des territoires ultramarins au profit des enjeux de l’Hexagone. Comme le soulignait en décembre 2023 un représentant du Parc naturel marin d’Iroise : « Nous sommes en train de chercher des Zones de protection forte (ZPF) dans des endroits où il n’y a pratiquement pas d’usage. Mais chez nous, tout près, il y a des zones qui mériteraient d’être gérées avec la même attention. »
Ce commentaire fait écho à un sentiment partagé par de nombreux acteurs ultramarins : leurs territoires portent seuls le poids des efforts de conservation de la biodiversité, tandis que l’Hexagone développe son économie et organise sa transition énergétique.
Malgré les interrogations et critiques de la part des défenseurs de l’environnement, aucune démarche corrective n’a été entreprise. À la place, le gouvernement propose d’inclure les Outre-mer dans un futur cycle de révision des DSF, renvoyant ainsi la question aux calendes grecques.
Une béquille pour la France
Aujourd’hui, les Outre-mer semblent être la béquille qui permet à la France d’atteindre à peu de frais son objectif de Zones de protection forte (ZPF), ces espaces marins où les activités humaines sont strictement contrôlées, voire interdites. En 2021, lors du One Ocean Summit et dans le cadre de la Stratégie nationale pour les aires protégées, la France a réaffirmé son objectif de porter à 10 % la part de ses zones maritimes classées en ZPF d’ici 2030.
Ces zones visent à préserver les écosystèmes marins fragiles et leurs biodiversités uniques. Si cet objectif est proche d’être atteint, c’est en grande partie grâce aux ZPF situées en Outre-mer. Les littoraux hexagonaux, quant à eux, contribuent faiblement à cet effort, avec seulement 3 % de leurs surfaces maritimes classées en ZPF.
Cette pratique qui préserve les activités humaines dans l’Hexagone et fait réaliser les efforts les plus importants dans des zones où la pression de l’opinion publique est moindre, est dénoncée par certains acteurs de la protection marine, à l’image du Parc Naturel Marin d’Iroise. Il pointe une répartition inégale dans la gestion des efforts de protection environnementale : « Sur le renforcement de la protection, par les zones de protection forte, il y a eu cette question de répartition équitable de cette protection forte par façade, que ce ne soit pas uniquement l’Outre-mer qui permet d’atteindre cet objectif de 10 % ». Le PNMI dénonce aussi : « On est en train de chercher des ZPF dans des endroits où il n’y a pratiquement pas d’usage, c’est facile, comme les terres australes, etc. On y va, on met ça sous cloche. Mais chez nous, tout près, il y a des zones qui mériteraient d’être gérées comme des ZPF, des estuaires ».
100 % de la production en Guadeloupe
L’Hexagone se prépare à un véritable bouleversement énergétique. Pour l’heure, trois parcs éoliens en mer sont en service, trois sont en construction, deux ont été attribués et quatre procédures sont en cours, rappelle le ministère.
L’appel d’offres numéro 10, dit AO10, qui sera lancé en 2025 et dont l’attribution est attendue à l’automne 2026, prévoit des projets totalisant 9,2 GW, soit environ six fois la puissance des parcs actuellement en service. L’AO10 prévoit deux parcs de 2 GW en Manche, un parc d’éoliennes flottantes de 2 GW en Bretagne nord-ouest, un autre de 2 GW dans le golfe du Lion, et un autre d’environ 1,2 GW dans le golfe de Gascogne.

En comparaison, la capacité de production d’électricité installée en Guadeloupe est estimée à environ 1 200 MW (1,2 GW) de puissance maximale, ce qui inclut toutes les centrales, qu’elles soient thermiques, géothermiques et autres renouvelables (dont centrale de la Pointe autour de 500 MW, Albioma 102 MW, Géothermie Bouillante 15 MW). En clair, le plus petit des projets de l’AO10 correspond à 100 % de la capacité de production en Guadeloupe.
Cette dynamique bénéficiera directement à l’économie des régions concernées. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) s’est félicité « de la volonté du gouvernement de faire de l’éolien en mer, énergie compétitive et renouvelable, un pilier majeur de la transition énergétique », en rappelant que cette technologie représente aujourd’hui plus de 8 300 emplois en France et devrait représenter plus de 20 000 emplois d’ici 2035. Olga Givernet, ministre déléguée à l’Énergie, se félicite de cette avancée : « L’éolien en mer est une pièce maîtresse de notre stratégie énergétique. »
« Les vents alizés qui soufflent aux Antilles sont connus pour être des vents réguliers, constants et stables. Ils soufflent généralement d’est en ouest, entre 15 et 25 nœuds (28 à 46 km/h) avec peu de variations dans l’année. Ils sont plus réguliers que les vents de l’Atlantique ou la Méditerranée. Même si les technologies étaient à adapter, on ne comprend pas cette mise à l’écart. D’autant que les grèves et délestages que nous subissons en ce moment démontrent que nous n’avons pas de sécurité énergétique » commente un militant de la transition écologique.
Un étonnement conforté par l’idée que la dépendance des Outre-mer aux énergies fossiles pour leur approvisionnement en électricité, leur vulnérabilité aux fluctuations des prix de l’énergie, leur isolement géographique et leurs conditions climatiques spécifiques auraient dû en faire des candidats prioritaires pour le développement des énergies renouvelables.
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