LE PROLOGUE EN SPECTACLE
Le 38e tour cycliste s’est élancé le 3 août au vélodrome à Baie-Mahault. Selon Philibert Moueza, le président du comité régional de cyclisme l’objectif était triple. D’abord donner vie au vélodrome, ensuite offrir aux Guadeloupéens un vrai spectacle et surtout apporter quelques recettes à un comité qui ne s’est pas tout à fait relevé des années de déficits accumulés pendant de longues années. Un village a été installé devant le vélodrome le vendredi 3 août jour du prologue, dès 13 h 30 avec vente de maillots, de polos, et autres objets et débat sur le dopage. Les Guadeloupéens, pour le prix de dix euros ont eu droit ensuite à un spectacle en nocturne, comme ils n’en avaient jamais eu. Les coureurs se sont opposés par deux, dans une course-poursuite de cinq tours. Les clubs avaient désigné un coureur chargé de les représenter. Vingt-deux courses ont été disputées. Autant de duels qui ont fait la joie du public. Sur la scène installée au centre du vélodrome, plusieurs artistes se sont succédés. Le final a été assuré par le groupe Soft. Fred Deshayes et ses musiciens ont offert au public chants, violons, clarinette et guitare. De quoi lancer le tour dans la joie et la bonne humeur.
» LE TOUR EST UN PHÉNOMÈNE «
Comment définissez-vous le tour cycliste de Guadeloupe ?
Errol Nuissier : C’est un événement qui permet à la Guadeloupe de se mesurer au reste du monde. C’est un exutoire où les gens expriment une forme d’agressivité. Les spectateurs n’applaudissent pas comme au théâtre. Ils haranguent les coureurs. Quand leurs favoris perdent, ils bouillonnent. S’ils s’écoutaient, ils les briseraient sur-le-champ. Et pourtant il n’y a pas plus respecté qu’un cycliste.
Sur quoi fondez-vous votre jugement ?
Lorsque vous êtes pris de défaillance ou d’une fringale à vélo, si vous vous arrêtez non loin d’une maison, les gens viennent tout de suite vous secourir. Lorsqu’un cycliste est victime d’une crevaison, le premier coureur qu’il croise s’arrête et lui porte secours. En voiture, vous pouvez attendre longtemps avant qu’un autre automobiliste s’arrête.
Le tour est d’abord une compétition sportive, non ?
Le sport est le support. C’est pourtant d’abord un phénomène de société. Je n’ai jamais vu une organisation, à part le carnaval, aussi coordonnée en Guadeloupe. Les dirigeants de clubs, le comité se donnent à fond. La population également. Vous entrez dans un magasin, le vendeur écoute la course. Le client patiente sans protester. Il en profite pour écouter lui aussi. Les énergies s’agencent autour de l’événement.
Les politiques l’ont compris…
Le Tour est un puissant outil de communication politique. L’affrontement Lurel/Chalus lors de l’édition 2 015 était pathétique. Il y a eu aussi Lucette Michaux-Chevry. Avant elle, ce fut Frédéric Jalton. Ferdy Louisy n’a aucun intérêt à y aller. Il communique sur des projets, pas sur le mode proximité.
Les Guadeloupéens sont-ils plus férus du Tour que des événements organisés dans d’autres disciplines ?
Oui. Parce que c’est un sport individuel au départ. Le cyclisme développe l’esprit de rivalité. Nous ne sommes jamais aussi forts que contre l’autre. Si vous voulez faire progresser un coureur, dîtes lui qu’il faut battre untel. À l’arrivée d’une étape un dirigeant interpelle son coureur : » Vié intel gannié, ou pa fouti gannié on étap’ « . Le lendemain, le coureur houspillé est second.
Le Tour a-t-il évolué au niveau sociologique ?
L’évolution sociologique est lourde de sens. Aujourd’hui, les coureurs ne viennent plus des milieux ruraux ou défavorisés. C’est même l’inverse. Cela signifie que le cyclisme en tant que sport populaire n’est plus un ascenseur social. Alain Pauline a eu un magasin de cycles à Pointe-à-Pitre. Christian Merlot travaille aujourd’hui au conseil départemental. Ce sont des gens qui venaient de la campagne. Leur réussite sportive les a propulsés.
C’est quoi un Tour cycliste abouti ?
C’est celui qui est gagné par un coureur guadeloupéen. Plus qu’une fête, c’est une communion. Lorsque les Guadeloupéens considèrent que les chances d’un des leurs sont nulles, l’engouement demeure, mais il n’est plus le même.
Poster un commentaire