Le Premier ministre François Bayrou fait sa déclaration de politique générale aux députés à l'Assemblée nationale à Paris le 14 janvier 2025. Photo : Isa Harsin / Sipa

« 84 % des Français pensent que le gouvernement ne passera pas l’année. Il m’arrive même de me demander où les 16 % restants trouvent la source de leur optimisme. Au risque de vous surprendre, je crois que cette situation est un atout. Quand tout va mal, on est contraint au courage » a déclaré François Bayrou. De quoi fixer la tonalité de sa très peu attendue déclaration de politique générale ce mardi 14 janvier devant l’Assemblée nationale. Le Premier ministre François Bayrou s’est engagé à rouvrir le « chantier » des retraites mais s’est peu avancé sur les autres sujets.

Retraites « en chantier »

Deux ans après la réforme adoptée par 49.3, sans l’adhésion de l’assemblée, par sa prédécesseure Élisabeth Borne, François Bayrou a « choisi de remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux, pour un temps bref ».

Dans l’immédiat, le Premier ministre va demander à la Cour des comptes via « une mission flash de quelques semaines » de présenter « l’état actuel et précis du financement du système de retraites ».

En parallèle, « une délégation permanente sera créée », a indiqué Monsieur Bayrou, qui « réunira dès vendredi » cette instance. Il « proposera aux représentants de chaque organisation de travailler autour de la même table […] pendant trois mois, à dater du rapport de la Cour des comptes ».

« Nous pouvons, j’en ai la conviction, rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite », a-t-il assuré, à la seule « condition » de ne pas « dégrader l’équilibre financier » du système de retraites.

« Si au cours de ce conclave » émerge « un accord d’équilibre et de meilleures justices, nous l’adopterons », a-t-il affirmé, fixant comme « échéance » le prochain budget de la Sécurité sociale à l’automne. À défaut, « c’est la réforme actuelle qui continuerait de s’appliquer ». Le gel de la réforme des retraites de 2023 était la condition que le PS avait fixée pour ne pas censurer le gouvernement. Suspension est le mot attendu que le Premier ministre n’aura pas prononcé, mais qui lui vaudra la non-censure de la majorité des députés socialistes.

Budget sous pression

François Bayrou a appelé le Parlement à « adopter sans tarder » les deux budgets de l’État et de la Sécurité sociale, en suspens depuis la censure du gouvernement Barnier début décembre.

« Cette précarité budgétaire, nous la payons tous au prix fort », a souligné le Premier ministre, avant de revoir en baisse la prévision de croissance de l’économie pour 2025, de 1,1 % à 0,9 % du PIB.

Le déficit public est désormais attendu à 5,4 %, contre 5 % précédemment, mais toujours avec l’objectif de le ramener en 2029 au maximum de 3 % tolérés par la Commission européenne.

Pour y parvenir, « des économies importantes seront proposées », a indiqué Monsieur Bayrou, sans plus de précision, avant d’annoncer « la création d’un fonds spécial entièrement dédié à la réforme de l’État » et financé par la vente « d’une partie de ses actifs, en particulier immobiliers ».

Rallonge pour la santé

Pas de rabot sur le remboursement des médicaments et des consultations médicales. « La mesure de déremboursement » envisagée par Michel Barnier puis abandonnée sous la pression du RN « ne sera pas reprise », a fait savoir Monsieur Bayrou.

Au contraire, le gouvernement proposera « une hausse notable » des dépenses de santé afin « d’améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles », a ajouté le chef du gouvernement, ouvrant la voie à une progression supérieure aux 2,8 % déjà proposés à l’automne.

Le Premier ministre a confirmé au passage « le remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025 », promesse formulée par Emmanuel Macron il y a bientôt deux ans.

Proportionnelle et cumul

François Bayrou a remis sur la table un sujet qui lui tient à cœur en proposant « d’avancer sur la réforme du mode de scrutin » aux élections législatives, avec « l’adoption du principe proportionnel pour la représentation du peuple » tout en restant « enraciné dans les territoires ».

Cette réforme « nous obligera à reposer en même temps la question de l’exercice simultané d’une responsabilité locale et nationale », a-t-il poursuivi, reprenant à son compte la position du président du Sénat, Gérard Larcher, en faveur d’un retour du cumul des mandats.

Le Premier ministre a également relancé une autre de ses idées : celle d’une « banque de la démocratie » pour que les partis politiques puissent se financer auprès d’« organismes publics » et « ne dépendent plus de choix de banques privées ».

Collectivités ménagées

Soucieux d’accorder « une place centrale » aux collectivités locales, François Bayrou a confirmé que l’effort qui leur sera demandé dans le budget 2025 sera ramené de « 5 à 2,2 milliards d’euros ».

Sur le cas spécifique de la Corse, le Premier ministre a également promis de « respecter » le calendrier « pour aboutir à une évolution constitutionnelle fin 2025 ».

De même pour la Nouvelle-Calédonie, il a souhaité « que le processus politique reprenne avec des négociations qui devront aboutir à la fin de ce trimestre » et annoncé qu’il « invitera en janvier les forces politiques à venir à Paris pour ouvrir ces négociations ».

Sans surprise, les Insoumis ont déposé le 16 janvier une motion de censure. Les verts et les communistes l’ont voté. Les écologistes estiment que le compte n’y est pas sur les retraites, mais aussi sur l’écologie alors qu’ils demandent 7 milliards d’euros d’investissement dans la transition.

Le texte n’a recueilli que 131 voix de députés, loin des 288 requises. Pour censurer le gouvernement, la gauche a arithmétiquement besoin du renfort des 126 députés d’extrême droite. Le parti de Marine Le Pen se déterminera notamment lors de l’étude du budget et sur la politique gouvernementale sur l’immigration.

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