Accueil Pouvoir À Pointe-à-Pitre, le maire sorti sera vraisemblablement candidat en 2020

À Pointe-à-Pitre, le maire sorti sera vraisemblablement candidat en 2020

LA MAIRESSE SERA FIDÈLE

Le mardi 30 juillet, un peu après 11 heures, la première adjointe au maire est choisie à la suite de Jacques Bangou, maire démissionnaire parti sous la menace d’une procédure de révocation pour erreurs graves de gestion. Elle obtient 21 voix sur 31. Ses premiers mots sont pour ses collègues élus et son prédécesseur :  » Mes chers collègues, je veux d’abord vous remercier pour la confiance que vous venez de me témoigner « , a-t-elle déclaré,  » je prends ces fonctions dans des conditions exceptionnelles, et vous me permettrez de saluer, en tout premier lieu, le maire qui vient de démissionner, Monsieur Jacques Bangou. Pour notre maire, pour mon maire, c’est une épreuve, mais nous serons avec lui dans l’épreuve. Car comme on dit chez nous populairement, l’homme blessé n’est pas mort. (…) Je profite de l’ occasion pour lui redire non seulement mon amitié et même mon affection, et ma fidélité « .Fidèle, l’ex première adjointe affiche son soutien à celui qui aura présidé depuis 2008 à la destinée de la ville sous-préfecture de la Guadeloupe. Josiane Gatibelza, conseillère municipale la plus âgée de Pointe-à-Pitre, devient la première femme à la tête de la municipalité. Durant les huit mois qui la séparent des élections de 2020,l’élue a déclaré s’attacher à établir « la vérité des comptes, engager le dialogue avec l’État sur une stratégie d’accompagnement et de redressement, travailler à la restructuration des services pour répondre aux préconisations de la chambre régionale des comptes« . En guise de principal soutien, la nouvelle maîtresse n’ pas évoqué sa majorité municipale, mais » le personnel municipal« sur lequel elle  » s’appuiera « . L’engagement de la directrice générale des services qui « a interrompu ses congés pour organiser ce conseil municipal », et de l’ancienne directrice du centre communal d’actions sociales « représentant l’ensemble du personnel « et qui lui a passé l’écharpe de maire, en est un signal accréditif. Un personnel au cœur des flatteries tout au long de la réunion : »Si ce conseil a pu avoir lieu dans des délais raisonnables nous le devons à l’administration municipal« . Et au Code électoral peut-être aussi ?

LEURS VOIX POUR LA DÉMOCRATIE RESTÉES MUETTES

Après l’élection du maire de Pointe-à-Pitre ce 30 juillet, place à celle des adjoints. La liste de Marcel Sigiscar, seule en lice, est élue. Ce dernier endosse la fonction de premier adjoint de la ville. Suivi par Monique Decastel, Jean-Charles Saget, Sandra Enjaric, José Guiolet, Myriam Ponrémy, Jacky Léogane, Alex Corvo et Suzelle Séville, respectivement 2e à 9e adjoint. Cette nouvelle promotion est semblable à la précédente, moins une Élection de la première adjointe au fauteuil de maire oblige, c’est Suzelle Séville qui fait arithmétiquement son entrée dans le cercle des adjoints. Cette équipe restera en place jusqu’aux prochaines élections municipales, en mars 2020. Parmi les quelque 120 spectateurs, certains bougonnent. » Mésié, yo pa chanjé ayen ayen menm  » se désole un jeune homme la trentaine bien sonnée. Et son interlocutrice de lui faire la leçon avec ironie  » sèl opozysyon ki ni, sé mwen ! Pas an pa’a manjé an men a yo « . D’opposition, il a peu été question il est vrai.  » La première adjointe est appelée à poursuivre la politique du maire. Il nous semblait normal de lui laisser le soin de la mener à bien  » répond Georges Brédent, leader disputé du RND. Tania Galvani, sa colistière émancipée et candidate déclarée en 2020 ne s’est pas montrée plus vive,  » ça aurait rallongé inutilement les débats. Priorité à 2020″a-t-elle balayé. Claude Barfleur, autre opposant, a lui aussi milité pour le laisser-faire : « C’était sans intérêt, nous savons compter. En huit mois, impossible de mettre en œuvre une politique. Il faut que cette équipe aille au bout de sa destruction ». Mais les électeurs de l’opposition ne l’entendent pas de cette oreille. Quelques minutes après l’élection (avec 21 votes pour, 10 bulletins blancs mais aucun vote contre) de Josiane Gatibelza, deux hommes quittent la salle du conseil. Dans le couloir, ils donnent une soufflante à l’opposition :  » Sé mésié vé mè Lapwent ? Yo sizé la, yo pa di ayen ? Mé non ! Manfou a yo « . Comprendre, ils ménageront leur soutien pour la bataille de 2020. Faussé entre élus et électeurs. Les voies de la démocratie ont été impénétrables, et les voix muettes.

JACQUES BANGOU : »JE SERAI CANDIDAT »

Serez-vous candidat en 2020 ? À cette question que nous lui posons sorti du conseil municipal qui vient de voir l’élection de sa première adjointe au fauteuil de maire, Jacques Bangou répond sans hésiter. »Ce qui est sûr, c’est que je n’abandonne pas. »Son assurance, il la tire de »la rénovation urbaine qui continue » et à laquelle il « apportera son soutien« . Mais surtout de l’opération vérité sur les chiffres qu’il appelle de ses vœux. Lui qui avait roulé des yeux et levé les bras lorsqu’un opposant évoque ce 30 juillet un déficit qui pourrait se monter à 90 millions d’euros, en est convaincu : l’administration communale sortira des comptes loin de la situation catastrophique* dépeinte par d’aucuns. Et « ça peut naturellement conduire à ce que je sois candidat en 2020 » appuie-t-il.

* Dans son avis de contrôle budgétaire de mars 2019, la chambre régionale des comptes constate un compte administratif 2 017 en déficit 58 310 317,45 € à Pointe-à- Pitre ; et un budget primitif 2 018 déséquilibré à hauteur de 78 073 561,50 €.

« POUR MOI C’EST KIF-KIF BOURRICOT »

Hôtel de ville de Pointe-à-Pitre, 11 heures. Ce matin, le conseil réuni dans la salle des délibérations pour élire le nouveau maire de la commune. Climatiseurs hors service, il règne une chaleur insupportable dans la pièce bondée.. Comme le veut la loi, le doyen d’âge préside le conseil municipal jusqu’à l’élection du maire. Josiane Gatibelza, 79 ans, et seule candidate, endosse le rôle municipal de la ville s’est L’élection peut alors débuter.« A voté ! » À la fin du dépouillement, le résultat confirme le scénario attendu : Josiane Gatibelza est élue mairesse de Pointe-à- Pitre, en l’absence de candidatures. Elle obtient 21 des 31 voix du conseil municipal. Huit bulletins sont blancs, et deux nuls. Les applaudissements retentissent dans la salle.  » Bravo ! Hourra ! » scande la majorité. Dans le même temps le décompte des bulletins blancs soulève un vent de colère au fond de la salle. « C’est ridicule ! »Certains sifflent, d’autres s’agacent.  » C’est du grand n’importe quoi ! « lâche une femme. Vêtue d’un ensemble tailleur beige, ses cheveux coiffés en une choucroute façon année 60, elle est tirée à quatre épingles. Elle tient son sac serré contre sa poitrine. La mine renfrognée, elle se penche vers son acolyte, une femme d’âge mûr qui lui ressemble trait pour trait, et lui murmure :« apa ayin vyé la ké pé fè ! »

Leumoà dire

Au moment où le nouvel exécutif de la ville évoque ses objectifs et le travail à réaliser, une autre femme, debout contre le mur au fond de la salle, roule des yeux. Les bras croisés, elle ne se laisse pas attendrir. » Il faudrait qu’elle fasse ce que Bangou n’a pas su faire », susurre-t-elle à l’oreille de son voisin.« Sé moun-la ki a la rètrèt yo byen enmé’y », commente ce dernier.  » C’est normal, ce sont eux qui sont représentés « , ajoute l’autre, un rictus au coin des lèvres. S’ensuivent alors plusieurs prises de parole des élus. Georges Brédent, Alain Sorèze, Marie Eugène Trobo-Thomazeau, alignent leurs commentaires quant à la capacité de Josiane Gatibelza à gérer la ville. Une collectivité qui pâtit de la situation catastrophique de ses comptes. Dans l’assemblée, les Pointois ont eux aussi envie de partager leur opinion.  » Nou osi nou bizwen palé « , chuchote la dame au tailleur beige. L’intervention d’Alain Sorèze, conseiller municipal de l’opposition irrite certains, en amuse d’autres.  » Je vous propose d’abandonner ces indemnités de maire et d’envoyer un signal fort aux contribuables pointois mais aussi à l’ensemble de la population guadeloupéenne « , suggère-t-il au nouveau maire. Parmi les quelques applaudissements qui font écho, des  » tchip  » sont lâchés, toujours au fond de la salle des délibérations.

 » Madanm-la a la rètrèt, si i paka pwan lajan-la i ké viv èvè ki lajan ?  » ironise la même femme. Sur ces pics, elle s’adosse à son siège, un sourire narquois sur le visage.  » Au final peu importe qui est maire aujourd’hui, Bangou ou Gatibelza, pour moi c’est ‘kif-kif bourricot’ « , répond son acolyte, la mine déconfite.

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