Emmanuel Macron lors d'un bain de foule en Guadeloupe le 29 septembre 2018.

Dans une lettre adressée aux Français et publiée le 4 mars via la presse quotidienne et hebdomadaire, le président sortant Emmanuel Macron déclare sa candidature à l’élection présidentielle. Le texte qui tient sur 90 lignes, soit 2 pages Word, démarre en assimilant les 5 années écoulées à une somme de calamités, « terrorisme, pandémie, retour de la violence, guerre en Europe ». Avant d’énoncer ses engagements en cas de nouvelle mandature, le président-candidat consacre le second paragraphe à vanter les aspects de son bilan qui motivent sa candidature. Pour démêler le vrai du faux, éclairage sur les affirmations bilancielles d’Emmanuel Macron tant du point de vue de la Guadeloupe qu’à l’échelle de l’ensemble de la France*.

*Le Courrier de Guadeloupe ne publie pas l’intégralité de la lettre de déclaration de candidature d’Emmanuel Macron. Votre rédaction estime que mettre en page et publier l’affiche ainsi créée, rend un service et fournit un bien à titre gratuit au président-candidat.

« Terrorisme, pandémie, retour de la violence, guerre en Europe : rarement la France a été confrontée à une telle accumulation de crises. »

En Guadeloupe, c’est plutôt vrai.

La pandémie du covid-19 a bouleversé le quotidien des Guadeloupéens. La violence n’a guère diminué non plus sur le territoire. À l’instar de celles qui ont été perpétrées à Pointe-à-Pitre en novembre 2021 lors des manifestations contre l’obligation vaccinale. En revanche, la Guadeloupe n’a pas été confrontée au terrorisme et le mouvement des Gilets-jaunes qui a secoué le quinquennat Macron fin 2018 dans l’Hexagone a été un flop en Guadeloupe.

Au niveau national, la succession de crises est encore plus vraie.

La crise des Gilets-jaunes a succédé aux mouvements sociaux contre la réforme des retraites, puis s’est installée la pandémie. L’Europe est désormais secouée par la guerre en Ukraine.

 

« Notre industrie a pour la première fois recréé des emplois et le chômage a atteint son plus bas niveau depuis quinze ans. »

En Guadeloupe c’est faux.

Cette affirmation ramenée au plan local n’a pas de sens. Certes, les derniers chiffres de Guadeloupe indiquent une baisse du chômage de 4 % en 2021. L’Insee précise toutefois que c’est un résultat en trompe-l’œil. Beaucoup de gens privés d’emploi ne se sont pas inscrits à Pôle emploi depuis la pandémie. Le chômage est toujours trois fois plus élevé en Guadeloupe que dans l’Hexagone. Et cela semble aller de soi pour les pouvoirs publics. Les entreprises guadeloupéennes pour des raisons de taille, de marché et de filières (la filière automobile a fortement bénéficié des aides de l’État) n’ont pas eu accès aux mesures prises en faveur des entreprises industrielles de l’Hexagone. En Guadeloupe, le secteur industriel est toujours aussi faible. Il n’a pas réalisé un bond et le nombre d’emplois industriels n’a pas augmenté. Le secteur industriel local se maintient grâce à trois dispositifs : la défiscalisation, principale aide à l’investissement, le coût minoré du fret appliqué aux intrants, et surtout à l’octroi de mer. « L’octroi de mer c’est 300 millions d’euros sur le territoire. J’accepte le débat avec ceux qui veulent le supprimer seulement s’ils acceptent d’abord d’entendre cette réalité », argumente Christophe Wachter secrétaire général des Moyennes et petites industries (MPI) de Guadeloupe, joint le 15 mars. L’octroi de mer, chahuté à chaque échéance du dispositif, a été prolongé en 2020 jusqu’à 2027. Et ce, en dépit des différents rapports négatifs qui prônaient sa disparition. Notamment virulent le rapport Ferdi. Le conseil constitutionnel a pour sa part indiqué que l’octroi de mer respectait la Constitution. En résumé pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron rien de particulier n’a été entrepris en faveur de l’industrie en Guadeloupe. Toutefois la reconduction de l’octroi de mer a permis le maintien du secteur et ce, en dépit de la pandémie. Le plus dur est à venir selon Christophe Wachter.  » La crise économique mondiale en cours a déjà entraîné le décuplement du prix des matières premières. Le blé, le papier, le café le gaz ont augmenté de 60 % à 100 %. L’avenir va vite s’assombrir », prévient le secrétaire général des MPI.

Au niveau national. C’est vrai mais…

Le chômage a décru ces deux dernières années en France y compris dans le secteur industriel. Même si l’emploi n’a pas fait de bond significatif dans le secteur industriel, il y a eu un léger frémissement. Mais, il ne date pas du début du quinquennat Macron. Le journal Sud Ouest titrait le 1er janvier 2020  » l’industrie française depuis deux ans reprend des couleurs ». Au vrai, l’Insee annonçait déjà des créations d’emplois dans l’industrie dès 2017, en dépit d’une croissance en demi-teinte. L’informatique, l’électronique, l’optique et les matériels de transport ont tiré le wagon. Alors que l’agroalimentaire a marqué le pas. Les mesures prises sous le quinquennat Hollande notamment le Crédit d’impôt CICE ne sont pas non plus étrangères au sursaut de l’industrie. Le made in France était déjà de mise depuis Arnaud Montebourg, ministre de l’Industrie sous François Hollande. Quant à la réindustrialisation de la France, elle a été une volonté politique dès 2010. Cette année Christian Estrosi, ministre de l’industrie organisait déjà les états généraux de l’industrie.

 

« Nous avons pu investir dans nos hôpitaux… »

En Guadeloupe, au niveau des hôpitaux, c’est faux. Dans le cadre du Ségur de la santé, les salaires des soignants ont été revalorisés (183 euros en moyenne par soignant et par mois). Sur le volet sanitaire la Guadeloupe et les îles du nord ont bénéficié d’un budget de 154 millions d’euros auquel il faut ajouter 25 millions d’euros dédiés à la construction du pôle parents/enfants. Mais les effets de ces dispositions sont annulés par l’impact du plus grand plan social jamais mis en œuvre dans la filière santé (médecins, infirmiers, aides-soignantes, administration). À la faveur du manque de consentement des soignants à l’obligation vaccinale covid-19 imposée à leur profession, un millier de personnels étaient suspendus en Guadeloupe au 31 décembre selon l’Agence régionale de santé.

Dans l’Hexagone c’est plutôt vrai.

Le Ségur de la santé instauré sous la pression de la crise sanitaire a permis de revaloriser les salaires du personnel soignant. 19 milliards de dettes des hôpitaux ont été effacées. L’impact est réel dans le secteur où d’après les dernières données communiquées mi-octobre par le ministère de la Santé à l’occasion d’un point presse, 0,6 % des professionnels soumis à l’obligation ont été suspendus depuis le 15 septembre, soit 15 000 soignants. Un chiffre qui aurait dû être revu à la hausse pour tenir compte de ceux qui ont été placés en arrêt maladie.

 

« … et notre recherche »

En Guadeloupe l’effort budgétaire sur la recherche est invisible. Il ne semble avoir d’impact qu’au niveau national. Le 19 mars 2020, Emmanuel Macron annonçait dans un tweet l’octroi de 5 milliards d’euros supplémentaires au profit de la recherche française, répartis sur dix ans. C’est un plus indéniable pour la recherche dont le budget est légèrement en hausse depuis le quinquennat Macron. Un bémol : cette augmentation des moyens ne comble pas les chercheurs français qui continuent à aller vendre ailleurs leur matière grise.

 

« Nous avons pu recruter policiers, gendarmes, magistrats … »

C’est faux au niveau de la Guadeloupe. Patrice Abdallah secrétaire général départemental du syndicat SGP police joint le 15 mars dément fermement cette affirmation. « Nous n’avons enregistré aucun renfort en dehors de la période des barrages. Ces personnels sont déjà repartis. Les commissariats de Basse-Terre et de Capesterre Belle-Eau sont toujours en sous-effectif chronique ». Quant aux magistrats en Guadeloupe, ils ont lors d’une conférence de presse du 21 janvier 2022 à la cour d’appel de Basse-Terre indiqué que l’institution souffrait d’un manque de moyens humains et matériels important. Philippe Cavalerie, premier président de la Cour d’appel de Basse-Terre a jugé indigne l’état des locaux où travaillent les magistrats.

L’affirmation est vraie au niveau national.

Il y a eu 958 policiers et gendarmes de plus dans l’Hexagone depuis le début du quinquennat.

 

« … recruter enseignants »

En Guadeloupe c’est faux.

Après une grève dure en Guadeloupe les syndicats ont obtenu le maintien de 72 postes (53 dans le secondaire et 16 dans le primaire) qui devaient être supprimés à la rentrée de 2020. Il n’y a donc pas eu de création de postes. Pour justifier la suppression de postes, l’administration met régulièrement en avant la baisse démographique. Or, cette baisse démographique est tout aussi réelle en France Hexagonale. Pourtant, dans l’Hexagone, le premier degré public a bénéficié de la création de 6 289 postes. Alors qu’en Guadeloupe toujours dans le premier degré, 16 postes seraient passés à la trappe en 2020 sans la mobilisation des syndicats enseignants.

Sur le plan national cette affirmation est plutôt fausse.

Certes 3 800 postes ont été créés dans le premier degré en 2018. Et le ministère annonce la création de 2 489 postes toujours dans le premier degré à la rentrée 2022. Emmanuel Macron avait promis lors de sa campagne le dédoublement des classes de CP dans les réseaux d’éducation prioritaires (REP) et 75 % des classes de CE1 en REP+ ont également été dédoublées. Ce qui explique la création des 6 289 postes. Mais 7 900 postes ont été supprimés dans le secondaire depuis 2017 alors que dans ce secteur le nombre d’élèves a augmenté. La balance des deux chiffres (7 900 contre 6 289) traduit une baisse des effectifs chez les enseignants. Emmanuel Macron avait promis aux enseignants une prime annuelle de 3 000 euros lors de sa campagne de 2017. À la rentrée 2018, ils ont reçu 1 000 euros. Le reste de l’indemnité devait être progressif afin d’atteindre 3 000 euros dans deux ans. Mais le ministère de l’Éducation nationale a annoncé qu’une partie de la prime serait variable et adossée “aux progrès des élèves”. Une rémunération au mérite dénoncée par les syndicats d’enseignants.

 

« Nous avons tout au long du quinquennat baissé les impôts de manière inédite »

La baisse globale des impôts est vraie aussi bien en Guadeloupe que dans l’Hexagone. Les Guadeloupéens ont vu toutefois baisser le plafond de l’abattement fiscal (30 %) auquel ils avaient droit avant Emmanuel Macron. Cet avantage qui devait être supprimé n’a été finalement que rogné. N’empêche, les Guadeloupéens l’ont vécu comme la perte d’un des avantages destiné à contrebalancer le coût de la vie bien plus élevé que dans l’Hexagone et évalué à 33 % de plus pour les produits alimentaires selon l’Insee (étude 2015).

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