Accueil Société 3 cérémonies, 3 lieux de mémoires de l’esclavage

3 cérémonies, 3 lieux de mémoires de l’esclavage

Anne Hidalgo et Jean-Marc Ayrault ont inauguré le jardin Toussaint Louverture le 10 mai à Paris.

La mémoire de la traite de l’esclavage et de leurs abolitions a été honorée trois fois et dans trois lieux, à Paris, ce 10 mai.

C’est en petit comité qu’Anne Hidalgo a inauguré, ce 10 mai en fin de matinée, le jardin Toussaint Louverture, au cœur du quartier des Amandiers, dans le XXème arrondissement de Paris. Etaient présents Josué Dahomey, ambassadeur d’Haïti en France, le président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage Jean-Marc Ayrault, ainsi qu’une trentaine de personnes, dont le conseiller d’Anne Hidalgo chargé des outre-mer Jacques Martial, Audrey Pulvar, tête de la liste PS aux régionales en Ile-de-France en juin prochain, et Lamia El Aaraje, candidate PS à la succession de George Pau-Langevin à la législative partielle du XXème arrondissement de Paris, ces 30 mai et 6 juin. La cérémonie a débuté par la lecture d’un extrait de la pièce d’Edouard Glissant  » Monsieur Toussaint « , par les acteurs Greg Germain et Laëtitia Guédon. Eric Pliez, maire du XXème arrondissement et la maire de Paris ont ensuite tour à tour évoqué la figure de ce héros franco-haïtien, esclave affranchi d’abord appelé Toussaint de Bréda, qui gagna le nom de Louverture par sa hardiesse au combat. Devenu général sous la Convention, il participa au soulèvement contre l’esclavage jusqu’à gouverner Saint Domingue. Il y défendit l’abolition, écrivit une Constitution autonomiste, mais vaincu le 6 mai 1802, déporté puis emprisonné dans le Jura par Napoléon, il mourut en 1803, sans avoir connu l’indépendance de la République Haïtienne, proclamée le 1er janvier 1804.

Anne Hidalgo et Jean Marc Ayrault ont ensuite dévoilé le panonceau où figure le nouveau nom de ce jardin. Puis ils sont allés se recueillir à quelques centaines de mètres de là, rue Delgrès. Ce 10 mai étaient en effet célébrés les vingt ans de la loi Taubira qui a fait de l’esclavage et des traites un crime contre l’humanité. Mais il se trouve que le 10 mai de cette même année 1802, en Guadeloupe, à 1200 kilomètres d’Haïti, un certain Louis Delgrès lançait, aussi, son appel contre le rétablissement de l’esclavage.

Emmanuel Macron avait lui choisi de participer ce lundi à la cérémonie qui se déroule chaque année au jardin du Luxembourg, près de la statue  » Le Cri  » du plasticien Fabrice Hyber, symbole de l’abolition de l’esclavage. Sans prendre la parole, devant un public réduit du fait des règles sanitaires – où les ultramarins d’origine étaient très peu nombreux – il a donc assisté aux slams, raps et chants interprétés par les enfants des trois écoles de France victorieuses du concours de la Flamme de l’Egalité. Entouré de Jean Marc Ayrault à nouveau, de son prédécesseur François Hollande, de cinq ministres (Gérald Darmanin (Intérieur), Éric Dupond-Moretti (Justice), Jean-Michel Blanquer (Éducation), Roselyne Bachelot (Culture) et Élisabeth Moreno (Égalité entre les femmes et les hommes et Diversité), des présidents des deux Assemblées (Richard Ferrand et Gérard Larcher), de la maire de Paris et de la présidente d’Ile de France (Anne Hidalgo et Valérie Pécresse), le président de la République avait auparavant écouté la comédienne guyanaise Yasmina Ho You Fat lire un extrait du discours prononcé en 1999 à l’Assemblée nationale par Christiane Taubira, lors de la présentation de sa proposition de loi. Tandis que les lauréats du concours  » Voix des Outre-mer  » ont interprété le chant traditionnel guadeloupéen  » Elwa ou ka vwayajé « .

Emmanuel Macron, lors de son arrivée au Jardin du Luxembourg, le 10 mai. A ses côtés et derrière lui, Jean Michel Blanquer, Gérard Larcher, Gérald Darmanin, Eric Dupont-Moretti. A gauche, Valérie Pécresse, Anne Hidalgo et Elisabeth Moreno. Photo : LCG/Stanislas Noyer
Emmanuel Macron, lors de son arrivée au Jardin du Luxembourg, le 10 mai. A ses côtés et derrière lui, Jean Michel Blanquer, Gérard Larcher, Gérald Darmanin, Eric Dupont-Moretti. A gauche, Valérie Pécresse, Anne Hidalgo et Elisabeth Moreno. Photo : LCG/Stanislas Noyer

Ce silence volontaire d’Emmanuel Macron, qui contraste avec son choix de prendre la parole à l’occasion du Bicentenaire de la mort de Napoléon, a été sévèrement critiqué quelques instants plus tard par Christiane Taubira, mais aussi par l’historienne spécialiste de l’esclavage Myriam Cottias et par le sénateur de Guadeloupe Victorin Lurel. L’ancienne ministre de la Justice a ainsi jugé  » édifiant que le président de la République n’a rien trouvé à dire sur plus de deux siècles de l’Histoire de la France, alors qu’il y a cinq jours il faisait des gammes sur Napoléon Bonaparte « . L’entourage du Président, lui, tenait en soirée à rappeler qu’Emmanuel Macron avait été clair sur l’esclavage dans son discours sur Napoléon. Et à faire savoir  » qu’après les mots très forts de Christiane Taubira, il n’y avait pas lieu de prendre la parole « .

Dans la soirée, les ultramarins d’origine étaient cette fois majoritaires parmi la cinquantaine de personnes rassemblées, au jardin Solitude, place du général Catroux, dans le XVIIè arrondissement de Paris, autour de l’écrivain d’origine guadeloupéenne Claude Ribbe. Avant que le groupe néo-baroque Kalinago, composé de Guadeloupéens, n’interprète le Canon des nègres marrons de l’Haïtien Amos Coulanges, sous l’œil de l’ex-rappeur Stomy Bugsy venu avec son fils, ils auront entendu le biographe du général Dumas – qui n’est plus depuis le 1er mai conseiller du ministre des Outre-mer – demander la remise en place  » à l’identique  » de la statue du général Dumas, fondue en 1942. Car, à la différence des Fers de Driss Sans Arcidet installés en 2009 et censés rendre hommage au général Dumas, elle représentait  » un homme magnifique, un héros « . Ils auront aussi entendu Claude Ribbe se réjouir que «  ce n’est pas pour le Code noir que la statue de Colbert est à l’Assemblée « ,  » pas plus que Napoléon n’est célébré pour avoir rétabli l’esclavage « . Mais que  » l’effigie de Colbert, comme la commémoration de la mort de Napoléon, permettent de parler aujourd’hui de l’esclavage « .Une façon de positiver, en attendant l’installation d’une autre statue, celle de Solitude, votée par la mairie de Paris.

L'écrivain Claude Ribbe a pris la parole en fin d'après-midi, ce 10 mai, dans le jardin Solitude, place du général Catroux à Paris.
L’écrivain Claude Ribbe a pris la parole en fin d’après-midi, ce 10 mai, dans le jardin Solitude, place du général Catroux à Paris.

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