Accueil Pouvoir Gouvernance Le syndicat CFTC fait la chasse au népotisme

Le syndicat CFTC fait la chasse au népotisme

Sigmund Bajazet a ouvert le bal. Le cas de Blaise Aldo sera examiné le 22 décembre par le tribunal administratif. À l’œuvre, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) qui n’a jamais renoncé à l’idéal de probité au niveau des embauches de la fonction publique.

Le tribunal administratif de Basse-Terre, à l’initiative de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), devra se prononcer le 22 décembre prochain sur la régularité de l’embauche de Blaise Aldo à la communauté d’agglomération sud Basse-Terre (CASBT). Après sa défaite aux élections municipales de mars 2014, l’ancien maire de Sainte-Anne avait été recruté par Lucette Michaux-Chevry, présidente de la CASBT, en tant que conseiller technique avec, selon Johnny Gitany responsable juridique de la CFTC, un traitement de directeur territorial avec voiture et chauffeur. L’ancien député européen a été licencié en avril 2016. Il aura passé près de deux ans à un poste où selon la CFTC il ne remplissait pas les conditions requises. Le cas de Blaise Aldo ne fait pas exception. La maire de Sainte-Rose a été épinglée pour avoir embauché son fils. Ce qui selon le tribunal administratif de Basse-Terre, la plaçait déjà dans une situation de prise illégale d’intérêt, délit pénal qui fait encourir à l’élu fautif au moins une peine d’inéligibilité. Les attendus du jugement du tribunal administratif indiquent en sus que Sigmund Bajazet n’a pas les compétences requises pour occuper le poste de directeur de cabinet, et bénéficier du salaire qui lui était versé. Johnny Gitany dresse un tableau effarant de l’embauche dans la fonction publique en Guadeloupe. Selon lui, presque toutes les collectivités en Guadeloupe connaissent un taux de népotisme élevé. Une pratique illégale qui selon Johnny Gitany, nuit à l’efficacité des services publics en Guadeloupe.

Le tribunal administratif retoque deux recrutements

Absence des compétences requises pour le poste, plus du doublement de son salaire. Les juges du tribunal administratif ont porté un coup d’arrêt à la fonction de directeur de cabinet de Sigmund Bajazet, fils de la maire de Sainte-Rose.

Le tribunal administratif de Basse-Terre a le 1er décembre dernier annulé la décision du maire de Sainte-Rose qui avait nommé son fils Sigmund Bazajet en tant que directeur de cabinet, malgré la demande de la CFTC de revenir sur cette nomination. Le Tribunal a jugé qu’en nommant son fils à ce poste, la maire de Sainte-Rose était susceptible de commettre une prise illégale d’intérêts. Le tribunal a notamment fondé sa décision sur la discordance importante entre les compétences et qualifications professionnelles de Sigmund Bajazet, et celles exigées pour exercer les fonctions de directeur de cabinet. Avant d’être nommé à ce poste, Sigmund Bajazet avait un statut de fonctionnaire territorial de catégorie B, qualification en deçà des compétences requises pour occuper le poste que lui a offert sa mère. Cette promotion lui a en outre fait bénéficier d’une rémunération supérieure de plus de deux fois et demie à celle qu’il percevait jusqu’alors. Dans leurs attendus les juges sont allés plus loin. En évoquant la prise illégale d’intérêt, ils estiment que Claudine Bajazet en persistant dans cette voie s’expose à une condamnation plus grave La prise illégale d’intérêt est un délit qui relève, cette fois du tribunal correctionnel. Autrement dit, les juges considèrent que Claudine Bajazet, a profité de ses fonctions de maire pour faire bénéficier son fils d’un emploi auquel il n’aurait pas pu accéder si elle n’avait été maire de la commune. Ce qui est interdit par la loi.

Recrutement sur mesure

Le tribunal administratif a également annulé le recrutement de Laure Anselme, fille de Jacques Anselme premier vice-président du conseil départemental, en tant qu’attachée territoriale de la même collectivité. Cette fois, c’est la procédure de recrutement qui a été mise en cause par les magistrats. Ces derniers ont relevé trois irrégularités manifestes qui selon eux entachent le recrutement d’irrégularités. 1) L’avis de vacance du poste à pourvoir ne décrivait pas la nature du poste. 2) Le motif de cette vacance n’était pas précisé 3) Le poste n’était ouvert qu’à des candidats inscrits sur une liste d’aptitude. Les magistrats ont estimé que le caractère restrictif de cette dernière condition était irrégulier. Un peu comme si le poste avait été par avance dévolu à Laure Anselme.

Johnny Gitany :  » Le favoritisme a entraîné l’embauche pléthorique d’incompétents dans la fonction publique »

Dénonciateur des embauches familiales, gardien de la voie statutaire. Le responsable juridique de la CFTC décrit une administration territoriale gangrenée par des embauches empreintes de népotisme. Après avoir obtenu l’annulation de l’embauche du fils du maire de Sainte Rose, Johnny Gitany annonce que son syndicat durcira son action et engagera désormais contre les contrevenants des poursuites pénales.

Le Courrier de Guadeloupe : Vous êtes à l’origine de la décision du tribunal administratif qui prononce l’annulation de l’embauche du fils du maire de Sainte-Rose. Combien de cas d’embauche de parents peut-on relever en Guadeloupe dans les collectivités ?

Je serais incapable de vous donner un chiffre précis. Ce que je sais en revanche c’est que la préoccupation de la plupart des exécutifs qui arrivent au pouvoir c’est d’installer les leurs. Comme celui qui l’a précédé l’a fait et ainsi de suite. Lorsque Dominique Larifla était président du conseil général, il y a eu pléthore d’embauches d’originaires de Petit-Bourg. Lorsque Jacques Gillot a pris la suite ce sont des gens du Gosier qui ont été en nombre. Au conseil départemental dès qu’on gratte un peu on se rend compte qu’untel est fille, cousine, cousin, neveu sous le coup de cette logique. C’est un fléau que tout le monde connaît. Les collectivités c’est comme les avis d’obsèques : parents, amis et alliés. Le plus grave c’est que cette pratique a entraîné l’embauche pléthorique de gens incompétents.

L’UGTG défend bien la titularisation d’agents hospitaliers au CHU sans qu’ils aient passé de concours…

Je ne discuterai pas les positions de l’UGTG. Ce syndicat a parfois des options que je peux trouver extraordinaires et d’autres sur lesquels je ne m’aligne pas du tout. L’UGTG n’a pas de vision à long terme. Par son action, il a contribué à saturer les collectivités – les communes surtout – en faisant titulariser des personnels de catégorie C en grand nombre. Aujourd’hui, les communes sont incapables d’embaucher les enfants de ces catégories C, qui eux ont les diplômes et peuvent passer les concours. Le cas de l’hôpital n’est pas différent. La CFTC défend l’égalité devant l’emploi public. C’est inscrit dans la Constitution. Le concours est le seul filtre que nous ayons. S’y soustraire c’est introduire une inégalité devant l’emploi public. Même si passer le concours ne vous met pas à l’abri des injustices.

Qu’entendez-vous par là ?

Nous avions il y a quelques années recensé 3 000 candidats à un concours de la fonction publique. Il y a eu 90 lauréats. Peu de temps après les résultats, est sortie la loi Hoeffel qui a permis de titulariser sans concours. Les 90 lauréats sont restés sur le carreau. Ils n’avaient pas de valeur ajoutée politique. Le concours n’est pas parfait mais c’est la procédure la moins injuste et c’est légal.

Est-ce vraiment votre rôle de dénoncer ceux qui ne sont pas dans les clous au niveau du recrutement des agents de la fonction publique territoriale ?

Clairement oui. Et sans équivoque. Nous sommes des lanceurs d’alerte. Nous sommes les gardiens de la voie statutaire. Nous ne devrions pas être les seuls. Tout élu d’opposition devrait jouer le même rôle que nous. Encore faut-il qu’ils partagent nos valeurs. Lorsqu’on sait qu’une fois en place on fera comme son prédécesseur, il est normal qu’on ne dise rien. Nous avons décidé à la CFTC de nous occuper de l’emploi public. Maintenant, les gens nous appellent. Ils nous signalent que tel maire a embauché sa sœur, sa nièce, son cousin.

Vous vous considérez comme un lanceur d’alerte…

Oui. C’est aussi le rôle du syndicaliste. Il est de l’intérêt de tous qu’il y ait une Guadeloupe plus équitable envers ses enfants.

À quoi sert le contrôle de légalité ?

Je ne veux pas critiquer les services de l’État. Aujourd’hui le service chargé du contrôle de légalité est réduit à quelques personnes à la préfecture. Le contrôle de légalité c’est comme le gruyère. Il y a plus de vide que de plein. Quand l’attention du préfet est mobilisée sur une situation, il active le peu de gens dont il dispose. Sinon beaucoup passe à l’as. Heureusement, il reste la CFTC…

Y a-t-il d’autres cas comme celui de Sigmund Bajazet ?

Un autre fils de Claudine Bajazet qui se prénomme Silfied a été embauché par la communauté d’agglomération du nord Basse-Terre comme attaché territorial contractuel. Il n’a ni les diplômes ni les compétences requis. Au conseil départemental, ils sont des dizaines. Mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Il n’y a pas beaucoup de collectivités qui échappent à cette situation. Nous sommes dans un pays où ceux qui devaient veiller se sont endormis. Nous à la CFTC nous sommes restés éveillés. Nous ne sommes toutefois pas allés assez loin. Jusque-là nous demandions l’annulation des actes. Désormais nous ferons aussi le procès pénal qui fait courir à l’élu le risque électoral, l’inéligibilité, et les peines de prison.

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