Européennes : le vote miroir
La communauté compte
• La Guadeloupe affiche le record des taux d’abstention.
Samedi 25 mai, 2e bureau de Lamentin. Il est 15 h 35, deux tout jeunes hommes viennent de voter. Samuel a 22 ans. Il vote pour la première fois. Pour changer la donne explique-t-il. Sorti du bureau, son copain Marc du même âge est encore plus explicite. « Nou voté gwada ». Le responsable du bureau de vote affirme que « les jeunes ont voté plus que d’habitude ». Ce n’est pourtant pas ce qui l’a le plus frappé dans cette élection. « Je ne savais pas qu’il y avait autant de Français de l’Hexagone implantés à Lamentin. Ils sont sortis de partout ». Ont-ils eu un impact au point d’influencer le résultat du scrutin ? Pas sûr répond un des assesseurs. « J’ai vu beaucoup de Guadeloupéens d’origine indienne aussi. Beaucoup de jeunes surtout ». Face à la table où sont installés assesseurs et responsable du bureau, sur une autre table, une fille et un garçon. Ils ont vingt ans. Ils observent, écoutent et ne disent rien. Ils sont là pour aider aux opérations de comptage. « Une autre illustration de la présence des jeunes dans cette élection », sourit le responsable du bureau. Une heure plus tard dans l’un des bureaux de vote de Castel, quatre électeurs s’apprêtent à voter. Trois hommes jeunes, d’origine indienne et une femme typée afro. « Ce n’est pas comme les municipales, mais pour des élections européennes ça vote bien », nous dit le responsable du bureau. À la question qui vote, il répond d’abord tout le monde. Puis il précise : « C’est sûr, les jeunes votent plus que d’habitude. En revanche, je n’ai pas vu beaucoup de personnes âgées comme c’est toujours le cas lors des autres scrutins. Les jeunes ont pris le pouvoir », plaisante-t-il.
« Maxette, Maxette »
Dehors un petit groupe d’une demi-douzaine de personnes, supputent sur les chances de Maxette Pirbakas (Guadeloupéenne indienne éligible sur la liste du Rassemblement national) de terminer en tête. Ils sont deux jeunes et quatre quinquagénaires. Le plus âgé interpelle : « É jounalis ! Nou pa ka voté zindyen. Nou ka voté gwadloup. Pa di nenpòt ki biten an radio-la o swèlà ». Au même moment, l’un des jeunes croisé il y a cinq minutes dans le bureau de vote rejoint le groupe. Les bras en l’air, il hurle « Maxette, Maxette an bonda a moun ».
« Voter, pour quoi ? »
• À Lamentin beaucoup de jeunes, beaucoup d’appartenants à la communauté indienne et à la communauté des Hexagonaux sont venus voter.
Baie-Mahault, 11 h 20. Au bureau de vote de l’école primaire Cora Mayeko, il n’y a pas foule. « Eh eh, pani pon moun ? », lâche une femme qui passe la porte, suivie par son mari. « Ça t’étonne ? Ici on se déplace pour les élections de proximité. Ou alors quand il faut choisir un nouveau président » rétorque l’homme d’une cinquantaine d’années, un rictus au coin des lèvres. Les entrées s’enchaînent au compte-gouttes. D’abord une femme munie d’une canne, les cheveux grisonnant. Puis deux hommes d’âge mûr s’engouffrent dans le bureau n° 7. Une jeune femme, l’air perdu, ne sait pas bien où se diriger. Elle a 20 ans et c’est la première fois qu’elle vote. « Je suis venue faire mon devoir citoyen mais honnêtement je n’ai pas l’impression que ça changera quelque chose », ironise-t-elle en roulant des yeux.
13 heures. La bibliothèque Paul Mado à Baie-Mahault est le bureau de vote n°1 de la commune. À l’intérieur on pourrait entendre une mouche voler. Au bout d’une heure, une femme âgée passe la porte et s’arrête brusquement, les yeux écarquillés. Cette grande pièce vide la laisse pantoise. « C’est l’heure du déjeuner, sé moun la paka vinn voté, yo faim », fustige-t-elle.
15 h 12, Pointe-à-Pitre. Au bureau de vote de l’école Raphaël Jolivière, l’ennui se lit sur les visages des assesseurs. Une femme parée de gros bijoux en or, fini par se présenter, accompagnée de sa fille. Du haut de ses sept ans, la petite n’a pas la langue dans sa poche. « Maman a dit que les gens ne viennent pas voter mais après ils ne sont pas contents de la personne qui a gagné » confie-t-elle.
16 h 20, Les Abymes. À l’école élémentaire Guy Cornely, au Raizet, une famille a fait le déplacement. Les grands-parents et leurs petites filles, des jumelles de 14 ans. « Il faut les éduquer très tôt à l’importance du vote », explique le grand-père, « sinon elles penseront que l’abstention c’est la solution. Aujourd’hui on dirait que les gens se disent ‘voter, pour quoi faire ?’ »
Résultats
• Paroles d’électeurs dans les bureaux de Baie-Mahault, Les Abymes, Pointe-à-Pitre.
Le taux de participation aux Européennes a été de 14,35 % : la Guadeloupe détient le record de l’abstention. Le scrutin s’est déroulé samedi 25 mai. « Ce n’est pas la peine que j’aille mettre un bulletin dans l’urne pour leur permettre d’être là puisqu’ils ne me représentent pas » confie Georges, 54 ans. Mais la question de la non-représentation n’est pas partagée par tous. « Je suis allée voter car c’est mon devoir de citoyenne », explique Rachel, 26 ans. « Avec la montée en puissance du nationalisme, il est important de choisir les personnes qui nous représenteront ». La liste du Rassemblement national (23,50 %) est arrivée en tête en Guadeloupe devant celle de La République en marche (18 %), La France insoumise (12,96 %), Europe écologie – Les Verts (10,46 %), Union de la Gauche (8,91 %) et Les Républicains (5,77 %).
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