La traite des Noirs et tout ce qui tourne autour de cet épisode peu glorieux de l’histoire de l’humanité, fait recette en ce mois de mai. Mois au cours duquel, toutes les fêtes et commémorations se sont donné rendez-vous. Quatre personnalités, Alex Lollia, Edouard Boulogne, Louis Dessout, Pierre-Yves Chicot, tous observateurs ou acteurs avertis de notre société guadeloupéenne, ont confronté leurs arguments sur la question qui, depuis quelque temps déjà, agitent les esprits : faut-il réparer ? Grave interrogation qui voit souvent un camp bannir l’entendement, lui préférant l’affect et le ressentiment. Quand dans l’autre bord on préfère brandir mépris, justifications cyniques, et plus abject encore, un négationnisme infâme. Et ce, sous le prétexte fallacieux de vouloir récuser la repentance. La belle affaire ! Nos débatteurs ne sont pas tombés dans le piège de cette opposition frontale et caricaturale. Ils ont par leurs arguments, montré au contraire toute la complexité du problème. Il ne s’agit pas de revenir ici sur leurs discours respectifs. Je voudrais juste souligner la grande pertinence des propos d’Alex Lollia qui citant Frantz Fanon dans » Peau noire, masques blancs « – lui par ailleurs si intransigeant avec le colonialisme – refuse de tenir les Békés pour responsables des atrocités commises par leurs arrières parents esclavagistes. » Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race « . Je voudrais mettre aussi l’accent sur la thèse peu répandue, soutenue par Louis Dessout. Il indique que la commission ayant œuvré à l’abolition de l’esclavage en 1848, a reconnu à la fois l’existence du crime et le droit à réparation. Thèse soutenue et développée en substance avant lui, par le Guyanais Gaston Monnerville, ancien président du Sénat. Cette réparation se résumerait donc pour les descendants d’esclaves, à obtenir l’égalité avec l’homme blanc. Égalité économique, égalité sociale, égalité des droits, égalité devant l’instruction et l’éducation. La vraie question étant de savoir si cette égalité a-t-elle jamais été atteinte. C’est à coup sûr une autre façon de poser le problème. Mais la doctrine n’est pas sans faille. Les indépendantistes peuvent y voir un stratagème pour lier les colonies de manière indéfectible à leur colonisateur. L’égalité ne sera jamais atteinte et tant qu’elle ne l’est pas, le colonisateur a une bonne raison de rester… Pour réparer. N’empêche, cette thèse a le mérite de donner un fondement à la fois moral et juridique (un contrat ou quasi-contrat) à la réparation sans entrer dans le labyrinthe des modalités de cette réparation. Cette manière d’aborder le problème rappelle aussi que la traite des Noirs découle d’une profonde iniquité économique. C’est, pour une très grande part, grâce à ce crime immonde que l’Europe s’est développée et a dominé pendant deux siècles le monde. La France des Lumières (XVIII siècle) n’y a rien trouvé à redire. Le profit, toujours le profit. Aujourd’hui rien n’a changé. Le monde court toujours à sa perte, mû par une irréductible exigence de profits. Cette fois ce ne sont plus les négriers qui sont à la barre. C’est le monde de la finance.
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